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monnoie foible de poids ou d'alloi perd de sa valeur dans le commerce, nonobstant le nom qu'elle porte. Que cinq sols de billon soient reconnus n'en valoir que quatre, la marchandise paroîtra renchérir d'autant, et l'on paiera cinq sous ce qui n'en coûtoit que quatre auparavant. Que sera-ce si, à cette cause d'avilissement du bas billón, se joint son excessive abondance, fruit d'une fraudulense contrefaçon ? C'est ainsi que l'équilibre se perd, et que les rapports se dénaturent.

Nous ne parlerons point ici du vice essentielfattaché au moderne systême des monnoies. L'on y confond, dans les espèces, deux points de vues très différens, les métaux envisagés comme marchandise, et ces mêmes métaux comme numéraire. Le métal, sous. ce premier rapport, change souvent de prix, selon sa fareté ou son abondance, selon le besoin plus ou moins grand; alors sa qualité feprésentative change aussi nécessairement; tandis que, sous le second rapport, il est invariable, et porte toujours dans l'esprit la même idée. Ce systême est donc trompeur, puisque, sous la même dénomination, il comprend une valeur toujours variable, et que la même espèce n'est pas toujours à la rigueur le même signe ?

Il nous suffira de remarquer que le principe doit être, dans toute espèce de monnoie, d'éleversa valeur intrinsèque au niveau de sa valeur nominale; où du moins de ne s'en écarter jamais assez pour qu'il y eût du gain, même sans l'altérer, à la contrefaire. La monnoie de billon devroit être proscrite, comme équivoque et désavantageuse; car le cuivre et l'argent qui la composent, valussent-ils, séparés l'un de l'autre, le prix qu'elle indique, leur mêlange ne le vaudroit plus. Il ne reste donc pour petite monnoie qu'une très-grosse monnoie, qui est celle de cuivre. Son poids la rend incom mode; mais cet inconvénient frappe moins ceux à qui elle est très-utile. Les dallers de Suède sont des écus de cette matière.

Quelque parti qu'on embrasse dans la fabri-' cation d'une nouvelle monnoie, c'est à la perfection du coin qu'il faut aspirer. Les monnoies de France sont déshonnorées par l'incroyable grossièreté du travail,et la négligence de la main-d'œu vre; les écus sur-tout sont la honte de l'art. Une empreinte qui seroit inimitable trahiroit bientôt l'imitateur, ou plutôt elle préviendroit la tentative de l'imitation. Cette triste facilité de contrefaire une fabrication gothique et grossière, a été fatale à plus d'un artiste. C'est une manière

de prévenir le crime, que de le rendre presqu'in possible à exécuter.

L'assemblée nationale s'occupe pour la première fois de la monnoie; c'est-à-dire, qu'elle perfectionnera cette branche de l'économie sociale comme les autres, Elle s'écartera de la routine; elle remontera aux principes; ce qui étoit un objet de spéculation pour le gouvernement, elle en fera un objet d'intérêt public; et les arts, par leur perfection, n'auront jamais acquis tant de gloire, qu'en devenant dans ses mains un moyen unique d'utilité et de sûreté.

Ce mémoire du comité des finances sur le billon présente des détails trop importans, pour que l'assemblée ait cru pouvoir se décider sitôt à cet egard. La discussion de cette matière a été ajournée à la huitaine.

M. le marquis de Montesquiou a mis ensuite sous les yeux de l'Assemblée, de la part du même comité, un tableau économique des dépenses fixes de l'état. Ce tableau présente d'abord deux colonnes de comparaison entre ces dépenses, telles qu'elles ont été évaluées par le gouvernement, et la réduction qui en a été faite par la comité. Une troisième colonne indique les dépenses dont il importe de laisser la disposition aux provinces. Des espérances

encourageantes, un avenir consolant, sont le résultat qu'offre ce travail. Outre l'épargne annuelle de soixante millions, il présente un moyen certain d'économie dans l'administra` tion de trente-cinq autres millions, qui, versés ci-devant au trésor royal, seront confiés désormais pour les besoins des provinces, aux soins des départemens. C'est ainsi que de grandes réformes rendront bientôt la recette ordinaire suffisante. Le gouvernement n'en sera pas moins riche, pour être moins prodigue; et la nation, soulagée d'une aggravation de charge, verra tourner à son profit tous ses nouveaux moyens de prospérité. Les détails de ces opérations seront bientôt soumis successivement à la délibération de l'Assemblée.

Un objet particulier d'économie à fixé ensuite son attention. Il s'agit de la suppression des haras dans le royaume. M. Dupont de Bigorre, membre du comité des finances, a lu un rapport sur ce sujet.

L'on sait qu'il y a deux espèces de haras en France; l'une, qui est un rassemblement de jumens poulinières et de chevaux entiers, fait en divers lieux, à l'intention de fournir une race d'étalons, qui, en multipliant l'espèce, perpétue la beauté des formes; l'autre, qn

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consiste dans un grand nombre de jumens et d'étalons dispersés dans les provinces, et entretenus aux frais du Roi. De là une foule de garde-étalons et d'inspecteurs; de là ce régime prohibitif si fécond en abus, et qui finit presque toujours par contrarier le but même qu'on vouloit atteindre.

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Ces haras privilégiés, en attaquant la liberté, en nuisant au commerce, ont été même destructifs de l'espèce. Ainsi, l'économie proposée à cet égard satisfait à-la-fois à plusieurs objets. Les particuliers rentrent dans leurs droits, et le but qu'on s'étoit vainement proposé dans T'établissement des haras, sera mieux atteint par la liberté de l'industrie.

M. le duc du Châtelet et M. le vicomte de Mirabeau, sans justifier ce régime des pri vilèges, n'ont pas accordé de si grands avan tages à celui de la liberté. Ils ont craint que des particuliers ignorans, abandonnés à des spéculations trompeuses, n'augmentassent le mal qu'un systême mal-entendu a occasionné. Ils ont vu dans cette fabrique des chevaux un objet national, que l'administration devoit surveiller. Mais il nous semble qu'il en est de cette production comme de toute autre. Les lumières sont la source de l'intérêt bien en

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