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seul; on y voit sa candeur, ennemie de l'équi voque et des subtilités, son obéissance franche et loyale à la loi commune, son patriotisme qui ne calcule point avec l'intérêt, et qui s'abandonne à l'impulsion du sentiment. Et puis, qu'on nous dise encore que les riches sont plus atta chés à la patrie! Qu'on ose encore justifier cette odieuse condition du marc d'argent, cette féodalité pécuniaire !

A cette exemple du Labour, on peut joindre celui du Dauphiné: le peuple des campagnes porte avec empressement les contributions patriotiques, qui languissent dans les villes, et que les riches diffèrent généralement le plus qu'ils peuvent. Le peuple ne contribue pas seulement de sa fortune, mais de ses services personnels: il supporte par-tout, sans murmure pour le maintien de la liberté, des fatigues qui prennent la place de ses travaux, pendant le jour, et de son repos durant la nuit. Le zèle invariable des gardes nationales depuis la révo lution ne laisse pas l'excuse de la bonne foi à ceux qui réclament dans la constitution un privilège exclusif pour l'opulence.

Représentans de la nation! vous avez inscrit dans vos fastes la loyauté des communes du Labour. Mais cette mention si honorable aux habitans de ce canton pauvre et généreux tourneroit contre vons, si vous ne révoquiez ce décret sur le marc d'argent, par lequel tous,

comme ses députés vous l'ont dit, seroient exclus de la représentation nationale. Quelle contradiction! Ces bons citoyens, dont vous louez le patriotisme, n'ont pas le droit de siéger parmi vous, leur incorruptible pauvreté est en même tems le sujet de vos éloges et de vos rebuts, et ses nobles qui ont essayé de corrompre, qui cherchent à répándre autour d'eux leur criminelle indifférence pour le bien public, ils sont éligibles! c'est parmi eux peutêtre que le peuple de cette contrée sera forcé de choisir ses représentans et ses défenseurs !

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Les conditions que vous avez décrétées pour être citoyen actif sont morales, et elles sont l'aiguillon d'une industrie laborieuse et d'une économie domestique qui partage tant de vertus ! Mais si tout bon citoyen est tenu de travailler, où est l'obligation d'être riche ? Pourquoi faut il des prérogatives politiques à ceJui que la fortune a beaucoup favorisé? Pourquoi excluez-vous du sanctuaire où se forment les loix, les citoyens qui par une suite de leur position, de leur éducation, de leurs liaisons même, chérissent l'égalité, respectent les mœurs, défendent les intérêts communs, et n'ont point d'héritage plus précieux à laisser à leurs enfans que la liberté de leur patrie?

Si les richesses faisoient aimer la liberté, la révolution actuelle n'auroit point tous ces fugitifs' qui remplissent l'Europe de leur amour-propre blessé, et qui à force d'annoncer que la consti

tution naissante seroit étouffée dans son berceau se font soupçonner de travailler avec ardeur à l'accomplissement de leur prophétie; tous ces fugitifs n'appartiennent-ils pas à la classe opu lente et propriétaire? Ne sont-ce pas des riches qui, dégagés des biens physiques de la patrie, n'y peuvent être retenus que par le plaisir de la dénomination, et les jouissances de l'orgueil ? C'est-à-dire, qu'ils ne peuvent aimer leur pays qu'à proportion de ce qu'il est corrompu; et pour y fixer leur attachement, il faut mettre à leurs pieds des esclaves. Cependant qu'ils reviennent dans leur patrie, après l'avoir désertée et tramé des complots contr'elle, ils seront éligibles pour la représentation nationale, et tant de braves citoyens qui l'ont établie et défendue ne le seront pas. Plus on examine ce décret, qui a triomphé par une si foible. majorité, plus on le trouve en contradiction avec les principes généraux de l'Assemblée.

Séance du 20.

Il avoit été décidé dans la séance précédente," sur une motion de M. Péthion, que la lecture des adresses des dons patriotiques, et les affaires particulières seroient renvoyées aux séances du soir, afin que le travail de la constitution ne fût plus interrompu par des objets étrangers,

Mais M. de Volney a pensé qu'on devoit une exception à ce qui intéressoit la via de quelques citoyens. Ila rapporté que trois ou

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quatre particuliers avoient été arrêtés à Château. Gonthier, depuis plusieurs mois, pour des faits relatifs aux événemens du 13 juillet, qu'ils avoient subi un interrogatoire secret, et que par une suite de cette procédure illégale, ils alloient être condamnés à mort, que les bourreaux étoient mandés pour samedi prochain. I a proposé qu'il fut ordonné au prévôt de cette ville, de surse oir à l'exécution de tout jugement. On a observé que cet objet étoit du ressort du pouvoir exécutif, et il a été arrêté que le président écriroit sur le champ au garde des scaux pour lui demander ce sursis.

Nous épargnerons à nos lecteurs la nomenclature de quelques sous- divisions de département, et les décrets rendus sur les contestations qui se sont élevées : la table générale des districts présentera l'ensemble de ces détails qui échappent de la mémoire lorsqu'ils sont isolés, et dont la discussion est fort aride.

Nous avons à rendre compte d'un discours de M. l'abbé Sieyes, et d'un projet de loi qu'il a présenté au nom du comité de constitution, touchant les délits qui peuvent résulter de la liberté de la presse.

PROJET

DE

LOI,

Contre les delits qui peuvent se commettre par la voie
de l'impression et par la publication des écrits et des
gravures, etc., présenté à l'Assemblée nationale,
le 20 Janvier 1790, par le comité de constitution.
Le public, dit M. l'abbé Sieyes, s'exprime mal,, lors-

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qu'il demande une loi pour accorder ou autoriser la liberté de la presse. Ce n'est pas en vertu d'une loi que les citoyens pensent, parlent, écrivent et publient leurs pensées c'est en vertu de leurs droits naturels ; droits que les hommes ont apportés dans l'association, et pour le maintien desquels ils ont établi la loi elle-même, et tous les moyens publics qui la servent.

༈ པ འག

L'imprimerie n'a pu naître que dans l'état social, il est vrai; mais si l'état social, en facilitant à l'homme l'invention des instrumens utiles, étend l'usage de sa liberté, ce n'est pas que tel ou tel usage puisse jainais étre regardé comme un don de la loi. La loi n'est pas un maitre qui accorderoit gratuitement ses bienfaits; d'elle-même, la liberté embrasse tout ce qui n'est pas à autrui; la loi n'est là que pour l'empêcher de s'égarer: elle est seulement une institution protectrice, formée par cette même liberté antérieure à tout, et pour laquelle tout existe dans l'ordre social.

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Mais en même tems, si l'on veut que la loi protège en effet la liberté du citoyen, il faut qu'elle sache réprimer les atteintes qui peuvent lui être portées. Elle doit donc marquer dans les actions naturellement libres de chaque individu, le point au-delà duquel elles deviendroient nuifibles aux droits d'autrui; là, elle doit placer des fignaux, poser des bornes, défendre de les passer, et punir le téméraire qui oseroit désobéir. Telles. sont les fonctions propres et tutélaires de la loi.

La liberté de la presse, comme toutes les libertés, doit donc avoir ses bornes légales. Munis de ce principe, nous sommes entrés avec courage dans le travail auquel vous nous avez ordonné de nous livrer.

Nous avons dû commencer d'abord par examiner en quoi les écrits imprimés pouvoient blesser les droits, d'autrui.

,,Nous avons dû spécifier ces cas, leur imprimer la qualité du délit légal,et à chacun d'eux appliquer sapeine

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