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Ensuite nous avons dû rechercher et indiquer les personnes qui doivent être responsables des délits de la presse.

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Enfin, après avoir caractérisé les délits, réglé les peines et atteint les accusés, nous avons déterminé l'instruction et le jugement par lesquels ils doivent être condamnés ou absous.

Telle est la marche que nous avons adoptée dans le projet de loi que nous vous offrons en ce moment. Son vrai nom est, Projet de loi contre les délits qui peuvent se commettre par la voie de l'impression et par la publication des écrits, des gravures, etc....

M. l'abbé Sieyes a montré ensuite par lés importans effets de l'imprimerie, combien il étoit essentiel de ne pas suspendre ou gêner l'action d'une cause aussi puissamment utile, à moins de la plus absolue nécessité, celle de faire justice à tout le monde.

Voyez les effets de l'imprimerie dans ses rapports avec le simple citoyen; elle a su fertiliser son travail son industrie, multiplier ses richesses, faciliter et embellir ses échanges, ses consommations, ses relations de société, améliorer de plus en plus ses facultés intellectuelles et physiques, l'aider dans tous ses projets, s'allier à toutes ses actions, à toutes ses pensées, servir enfin l'homme même le plus isolé, en lui révélant dans sa solitude, mille et mille moyens de jouissance et de bonheur.

,, Dans ses rapports politiques, la même cause se change en une source féconde de prospérité nationale, elle devient la sentinelle et la véritable sauve-garde de la liberté publique. C'est bien la faute des gouvernemens s'ils n'ont pas su, s'ils n'ont pas voulu en tirer tout le fruit qu'elle leur promettoit. Voulez-vous réformer des abus? elle vous préparera les voies, elle balayera nour

ainsi dire devant vous, cette multitude d'obstacles que Pignorance, l'intérêt personnel et la mauvaise foi s'ef forcent d'élever sur votre route. Au flambeau de l'opinion publique, tous les ennemis de la nation et de l'égalité, qui doivent l'être aussi des lumières, se hâtent de retirer leurs honteux desseins. Avez-vous besoin d'une bonne institution? laissez la presse vous servir de précurseur, laissez les écrits des citoyens éclairés, disposez les esprits à sentir le besoin du bien que vous voulez leur faire et qu'on y fasse attention, c'est ainsi qu'on prépare les bonnes loix; c'est ainsi qu'elles produisent tout leur effet, et que l'on épargne aux hommes, qui, hélas! ne jouissent jamais trop tôt, le long apprentissage des siècles.

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L'imprimerie a changé le sort de l'Europe; elle changera la face du monde. Je la considère comme une nouvelle faculté, ajoutée aux plus belles facultés de l'homme ; par elle, la liberté cesse d'être resserrée dans de petites aggrégations républicaines; elle se ré pand sur les royaumes, sur les empires. L'imprimerie est, pour l'immensité de l'espace, ce qu'étoit la voix de l'orateur sur la place publique d'Athènes et de Rome; par elle, la pensée de l'homme de génie se porte à-lafois dans tous les lieux; elle frappe, pour ainsi dire l'oreille de l'espèce humaine entière. Par-tout le desir secret de la liberté, qui jamais ne s'éteint entièrement dans le cœur de l'homme, la recueille cette pensée, avec amour, et l'embrasse quelquefois avec fureur; elle se mêle, elle se confond dans tous ses sentimens ; et que ne peut pas un tel mobile agissant à la fois sur des millions d'ames? Les philosophes et les publicistes se sont trop hâtés de nous décourager, en prononçant que la liberté ne pouvoit appartenir qu'à de petits peuples. Ils n'ont su lire l'avenir que dans le passé; et lorsqu'une nouvelle cause de perfectibilité, jetée sur

la terre, leur présageoit des changemens prodigieux parmi les hommes, ce n'est jamais que dans ce qui a été, qu'ils ont voulu regarder ce qui pouvoit être, ce qui devoit être. Élevons-nous à de plus hautes espérances, sachons que le territoire le plus vaste, que la plus nombreuse population, que tout se prête à la liberté pourquoi en effet, un instrument qui saura mettre le genre-humain en communauté d'opinions, l'émouvoir et l'animer du même sentiment, l'unir du lien d'une constitution vraiment sociale, ne seroit-il pas appelé à agrandir indéfiniment, le domaine de la liberté, et à préter un jour à la nature même, des moyens plus sûrs pour remplir son véritable dessein, car, sans doute, la nature entend que tous les hommes soient également libres et heureux.

ין

Vous ne réduirez donc pas, Messieurs, les moyens de communications entre les hommes; l'instruction et les vérités nouvelles ressemblent à tous les genres de produit, elles sont dues au travail; or, on sait que, dans toute espèce de travail, c'est la liberté de faire, et la facilité du débit qui soutiennent, excitent et multiplient la production: ainsi, gêner mal-à-propos la liberté de la presse, ce seroit attaquer le fruit du génie jusques dans son germe, cè seroit anéantir une partie des lumières qui doivent faire la gloire et les richesses de notre postérité.

Combien il seroit plus naturel au contraire, sur-tout lorsqu'on montre avec raison beaucoup d'intérêt aux progrès du commerce, de favoriser de toutes ses forces celui qui vous importe le plus; le commerce de la pensée! Mais il ne s'agit pas en ce moment d'une loi pour encourager l'usage utile, mais d'une loi pour réprimer les abus de la presse......

,, Nous devons vous prévenir, messieurs, que nous n'avons pas entendu faire une loi pour un autre ordre

de choses que celui qui existe maintenant; car c'est pour le moment que vous la demandez. Cet état présent des choses, n'est ni l'ancien, ni le nouveau; c'est-à-dire que votre nouvelle constitution a déja nécessairement amené des réformes partielles dans votre législation; et que d'autre part, il est impossible que cette législation ne reçoive bicntôt des améliorations très-considérables : nous avons cru en conséquence devoir mettre pour premier article que la présente loi n'aura d'effet que pendant deux ans ; à cette époque... il est évident que cette loi particulière sur la presse devra profiter, comme toutes les autres, des progrès de l'art social.

Quant à présent nous nous sommes permis tout ce que les changemens déja opérés parmi nous pouvoient nous permettre de tenter. Ainsi, par exemple, nous avons introduit dans notre loi, un commencement de procédure et de jugement par jurés; cette institution est le vérirable garant de la liberté individuelle et publique contre le despotisme du plus redoutable des pouvoirs. Il sera essenriel d'employer tôt ou tard le ministère des jurés pour la décision de tous les frais, en matière judiciaire cette vérité vous est déja familière, vous craignez seulement que son exécution ne fût prématurée en ce moment; mais cette inquiétude ne peut vous arrêter, lorsqu'il s'agit des délits de la presse, c'est-à-dire de cette partie de l'ordre judiciaire qui se prête le plus aisé ment à l'institution des jurés, et qui échappe à tous les inconvéniens qui pourroient en résulter en toute autre matière. En effet, nous vous prions d'observer d'abord que ce n'est guère que dans les principales villes du royaume que sont les imprimeries, et où se fait le commerce des livres, et que par conséquent il ne sera pas difficile d'y trouver des jurés instruits et propres à bien décider du fait des délits de la presse. En second

lieu, il s'agit ici d'une loi qui ne peut guère intéresser que la plus petite partie du peuple, c'est-à-dire de cette classe de citoyens que leurs lumières accoutumeront bientôt à un changement dont ils sentent et reconnoissent déja l'utilité. Enfin, nous vous prions de considérer que la plupart des délits de la presse sont, de leur nature, de vrais délits de police, qu'ils s'accommodent fort bien de l'instruction sommaire, et vous ne serez point étonnés, d'une part, que nous les fassions juger définitivement au premier tribunal; et de l'autre, que nous en écartions la procédure par écrit, du moins à dater de l'époque où l'instruction pourra être publique, et où les jurés seront appelés.....

;) La décision du fait par un juré, est aussi la meilleure réponse que nous puissions faire à ceux qui trouveroient qu'il reste encore du vague dans quelques-uns des pre miers articles. La loi que nous vous proposons n'est pas parfaite, elle n'est pas même aussi bonne qu'il sera facile de la faire dans deux ans; vous en savez la raison : il a fallu la lier à l'ordre actuel des choses; en même tems nous cacherions mal à propos la moitié de notre pensée, en ne disant point que même dans son état d'imperfection, cette loi nous paroît encore en ce genre, la meil leure qui existe en aucun pays du monde,,.

ART. I. La présente loi n'aura d'effet que pendant deux ans, à compter du jour de sa promulgation.

Des délits et des peines.

II. Si un ouvrage imprimé excite les citoyens à s'opposer, par la force à l'exécution des loix, à exercer des violences, à prendre pour le redressement de leur griefs fondés ou non fondés, d'autres moyens que ceux qui sont conformes à la loi, les personnes responsables de cet ouvrage seront punis comme coupables de sédition.

III. Si un écrit imprimé, publié dans l'espace de huit

jours

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