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elle ne laisse à personne l'incommodité du voisinage).

Revenons à celle de M. Goupil: en voici, je crois, la substance.

:

« Quand l'Angleterre perdit Newton, elle plaça ses tristes restes parmi les tombeaux » de ses rois. Le parlement d'Angleterre prit » le deuil je laisse à votre prudence, messieurs, à décider d'après l'exemple de cette > nation libre, ce que les circonstances et nos >> mœurs politiques ou religieuses nous per> mettent en cet instant ».

Comme M. Goupil, je pense que S. Denis doit être le dernier gîte de Mirabeau : mais sa pétition est mal motivée. N'auroit-il pas mieux fait de dire?

<< Messieurs, lorsque l'Angleterre perdit » Garrick, elle plaça ses tristes restes parmi » les tombeaux de ses rois. Honoré Riquetti » s'étant montré le Roscius de la France et de cette auguste assemblée, je réclame pour » lui le même honneur ».

Pour rendre l'analogie plus frappante, j'aurois ajouté Garrick excella dans les deux genres: Riquetti fut universel. Garrick surpassa le Kain dans le tragique, et se montra dans la comédie le rival heureux de Préville : Mirabeau joua presque à lui seul la tragédie

:

du 6 Octobre, et remplit vingt rôles différens dans la farce représentée à l'assemblée nationale sous le titre : la députation des quatre parties du monde.

Enfin, il eut sur Garrick cette supériorité, qu'après avoir joué les valets à Versailles, les financiers à Paris, les raisonneurs à Aix, les marchands dans son tour de France, il joua les rois à Potsdam, les tyrans dans sa famille, les confidens dans les petits appartemens du duc l'infame, et les peres nobles à la tribune.

Frappée de la justesse de la comparaison, l'assemblée nationale auroit décreté l'impression de ce discours, et le journal logographe se seroit hàté de le livrer au public en m'honorant de la parenthese accoutumée (applaudi).

Les deux pieces suivantes m'ont paru curieusės: l'une est la confession générale de Mirabeau in articulo mortis; l'autre est son testament tel qu'il a été rédigé en présence de M. le comte de la Marck. Je laisse à mes lecteurs l'embarras de savoir comment elles me sont parvenues.

CONFESSION

D'HONORE RIQUETTI MIRABEAU

MIRABE A U.

Nous sommes seuls! encore quelques instans, et je n'existerai plus que dans le ressouvenir des hommes. Que ces derniers momens soient consacrés à l'aveu des foiblesses qui ont paru ternir quelquefois l'éclat de ma vie !

L'ÉVÊQUE D'AUTUN.

Qu'exigez-vous?

MIRABEA U.

Que l'ami se taise, et que le prélat m'écoute. J'avois à peine quinze ans, que j'osai conspirer contre les jours de mon pere. Il m'avoit donné la vie : ce crime ne pouvoit s'expier que par une mort cruelle. Mes mains préparent le breuvage homicide: mes mains alloient le porter à ses levres.... un domestique vigilant détourna le coup, et conserva à la société le plus tendre et le plus vertueux des peres.

Cet attentat ne resta pas impuni. Transféré, d'ordre du roi, dans le château de la geole, ma haine ne devint que plus implacable, et s'exhala dans des libelles attroces.

Rendu à la liberté, je me jettai aux genoux de mon pere, non pour rentrer dans son sein, mais dans l'espérance de porter le flambeau des discordes domestiques jusqu'au milieu de ma famille. Ce projet affreux réussit ; et ma mere, calomniée par moi dans son honneur, dans sa réputation, perdit tout-à-coup l'estime et l'amour de son mari.

A ces deux victimes, j'en ajoutai bientôt une troisieme. La fille du marquis de Marilane joignoit à l'éclat d'un grand nom, les

charmes de l'innocence et de la beauté. Le même jour la vit séduite, déshonorée, et condamnée à choisir entre la captivité des cloitres et la honte de s'unir à moi.

L'É V. D'A U TUN.

Se peut-il !

MIRABE A U.

Celui qui a tout osé saura tout réveler Je m'accuse de plus d'avoir suborné au chateau d'If, la nommée Mouret, femme du cantinier :

De lui avoir donné des baisers âcres :
De l'avoir brouillée avec son mari:

D'avoir volé à celui-ci 4000 liv.

ĽÉ V.

Ah! mon frere !

D'AUTU N.

MIRA BE A U.

D'avoir fait évader la femme Mouret :

presque

assassiné son mari dans un

D'avoir instant où la foiblesse de sa santé ne lui permettoit pas de se défendre.

Je m'accuse d'avoir enlevé la femme du premier président de la chambre des comptes de Besançon.

De m'être lâchement caché dans une cheminée pendant que des archers envoyés à sa poursuite s'emparoient d'elle.

Je m'accuse d'avoir pris la fuite dans un combat entre les Corses et l'armée Française, où je servois sous le nom de Pierre Buffiere. Pendant l'action je désertai, emportant avec moi le butin de ma compagnie, que j'avois volé.

L'É v. D'AUTU N.

Ah! mon frere!

MIRABE A U.

Je m'accuse d'avoir, entre mille autres filouteries littéraires, escroqué un excellent libelle intitulé: considérations sur l'ordre de Cincinnatus.

D'avoir abusé de la confiance de M. de Champfort, en faisant copier, à son insçu, un manuscrit tiré de la bibliotheque du prince de Condé.

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