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A M. Voidel, mon cœur, pour le dégoûter des recherches.

A M. Gobel, évêque de Paris par la loi constitutionnelle de l'état, une gravure d'après Raphaël, qui représente Jésus-Christ chassant tous les intrus et les marchands qui trafiquoient dans son temple; plus, un jugement dernier, tiré du cabinet de l'Empereur.

A madame le duc d'Aiguillon, la robe de noces de ma femme, pour remplacer celles dont le greffe du châtelet s'est emparé.

A M. de Menou, des tables de jeu.
AM. de Kersaint, un cabaret complet.

A M. Péthion, deux portraits sous le même numéro et dans le même cadre, représentants, l'un, cet honorable membre, et l'autre, le prince des orateurs Romains, avec cette devise: LE SUPPLICE DE CICERON.

Enfin, j'institue pour mon exécuteur testamentaire, M. de la Marck, que je prie de recevoir de ma reconnoissance, l'erotica-biblion, le libertin de qualité, ma correspondance de Berlin, où je m'étois fait espion d'anti-chambre: ces présens sont bien mesquins en comparaison des sommes qu'il m'a prodiguées; mais il voudra bien considérer que de tous mes ouvrages, ce sont les seuls que personne n'ait le droit de revendiquer. .

L'ordre qui regne dans ce testament, le discernement avec lequel il est fait, prouve que Mirabeau conserva toutes ses facultés jusqu'au dernier soupir. Comme sa pensée embrasse tous ceux qu'il avoit poursuivis de son estime ou de sa tendresse ! comme sa reconnoissance se prête aux épanchemens de son âme ! comme son esprit ordonne, dirige, dispose ! quelle magnificence dans ses bienfaits! quel choix dans les personnes !

Ce testament laisse, dit-on, des mécontens ; et cependant, les parts sont distribuées de maniere que tel qui paroît recevoir infiniment, a dans le fait beaucoup moins que celui qui paroît avoir été oublié. Quant à moi qui ai vu au premier coup-d'œil qu'il y avoit un lot pour les honnêtes-gens, je l'ai cherché et trouvé dans

le silence de Mirabeau.

ANECDOTE.

Sonneroit on déjà les obseques d'Achille! Celui qui s'exprimoit ainsi dans ses derniers momens, qu'auroit-il dit s'il avoit pu prévoir qu'après sa mort, ses dépouilles dussent exciter une rixe semblable à celle qui s'éleva dans le camp des Grecs lorsque Ajax et Ulysse se disputerent les armes d'Achille.

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Mirabeau n'étoit plus. Ses amis pleuroient à son chevet: madame le Jai pleuroit chez elle: Mlle. Coulon pleuroit par- tout le peuple pleuroit à sa porte: M. l'abbé Mauri pleuroit comme Montecuculli pleura Turenne : et moi...

Cet homme, malheureusemeut célebre, qu'étoit-il devenu! Couché sous une tente, il étoit entouré de députations qui venoient s'assurer si quelque cause hors de la nature n'avoient pas arrêté subitement le jeu de cette étonnante machine: il étoit entouré d'artistes qui se pressoient de recueillir les traits de sa physionomie.

:

Le signal se donne : le scalpel brille; l'anatomiste observe, et la calomnie se tait mais une voix s'éleve et dénonce un vol commis dans la personne même de Mirabeau.

On s'approche du corps on le parcourt.... ô sacrilége, ô profanation! ses oreilles avcient disparu !

L'assemblée témoigne la plus vive indignation : les amis, les parens, attestent qu'il les avoit lorsqu'il expira. On interroge, on demande on questionne.... Après de longues perquisitions, l'oreille droite se retrouve dans la poche d'un jeune frater : l'autre, le sieur Desenne, l'un des artistes que le desir de

sculpter Mirabeau avoit conduits dans cette enceinte, s'en étoit emparé.

Le premier restitua de bonne grace; l'autre sourd et muet de naissance, prétendoit tellement garder cette relique patriotique, qu'il fallut employer l'autorité de la garde nationale lui faire rendre gorge.

pour

Ainsi, le 3 Avril 1791 s'est accomplie ma prédiction; que Mirabeau finiroit, tôt ou tard, par avoir les oreilles coupées.

Quelle leçon ! disons-le avec le ci-devant prince des poëtes.

Discite justitiam moniti, et non temnere divos! VIRG.

Nota. Les personnes qui douteroient de cet événement peuvent s'adresser à un témoin oculaire et digne de foi, M. le marquis du Saillant, son beau-frere.

Guirlandé d'horreurs, Mirabeau
Termine sa coupable vie :

Respire enfin, ô ma patrie!

Tous les crimes sont au tombeau.

Ci gît cet homme corrompu
Qui dans un siecle de vertu
Eût dans l'obscurité vécu ;
Et qu'à coup sûr on cût rompu,
S'il ne fut pas mort IMPROMPTU:
Passant, qui ne l'avez pas vu,
Plaignez le roi qui l'a connu.

DES PRÉJUGÉS.

LES Es préjugés formoient autrefois une famille très-étendue. Ainsi que dans les familles nombreuses, on voit de bons et mauvais sujets; dans celle des préjugés, il y en avoit quelques-uns qui n'étoient pas tout-à-fait exempts de reproches. Mais devoit-on les bannir tous? Autant vaudroit dire qu'il faut exterminer les Chinois, parce qu'il s'y trouve quelques lépreux. Cependant la proscription a été générale. Préjugés d'états, préjugés de religion, préjugés d'homme à homme, préjugés de citoyens à citoyens, tout a disparu, et personne ne s'est présenté pour les défendre; personne n'a osé dire qu'un peuple sans préjugés est à la veille de perdre ses mœurs.

Cette grande et sublime vérité, j'entreprends de la rendre si palpable, qu'elle devienne un axiome populaire. Je m'atrends qu'elle sera d'abord traitée de pa

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