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en moi le palladium de sa liberté, je m'opposois ouvertement à ce que les états se constituassent en assemblée nationale; je tonnois contre le veto suspensif; je résistois de toute ma puissance à l'organisation des corps administratifs et des municipalités ; je combattois le décret qui devoit exclure du ministere les membres de la législature; je proposois à Suleau, à des conditions qui lui déplurent, le commandement de mon armée de Provence pour entamer la guerre civile; je réclamois en faveur du pouvoir exécutif le droit de paix et de guerre ; j'abandonnois la constitution civile du clergé au clabaudage de Camus ; je disois tout haut, (et c'est à vous-même, mon pere, au club de 89) que la plus mauvaise opération devient excellente lorsqu'elle propage le désordre.....

Si elle veut avoir la mesure de mon ambition, elle verra que je briguai tour-à-tour le sceptre de Louis XVI, l'écharpe de Bailli, la simarre de Duport, le généralat de Pastoret, ect.... ́

Si elle demande le secret de ma duplicité, elle verra que celui dont la main invisible traînoit le peuple au pillage de l'hôtel de Castries, mettoit le palais Bourbon sous la sauve-garde

des loix.

Si elle veut connoître soit la précision, soit la justesse de mes combinaisons, elle verra que mes conspirations, mes cabales, mes projets, mes systêmes, mes engagemens avec la cour, mes régociations avec la Suisse, mes relations avec le docteur Price et ses coteries, mes propositions deligue offensive et défensive avec Suleau, que je n'ai jamais pu déterminer ni à mettre sa conscience à l'ordre du jour, ni à protéger le feu croisé des assassinats, ma confédération avec les provinces Belgiques, sont autant de monumens d'incapacité, d'impuissance, de versatilité et d'une basse scélératesse.

la

Ces dernieres pensées d'un homme que mort environne de toutes parts, recueillez-les précieusement; mon amitié vous les confie dans l'espérance que vous les publierez pour l'instruction de ceux qui seroient tentés de voir les hommages de la postérité, dans les acclamations insensées d'une stupide multitude.....

M.l'évêque d'Autun retiré, on annonça à l'illustre mourant le sieur Demautort, son notaire. Le dicta ses malade, après avoir repris ses sens, dernieres volontés dans l'ordre suivant.

TESTAMENT DE MIRABEAU.

Au nom du Pere et du Fils et du Saint-Esprit: Ainsi soit-il.

Voulant donner à ceux que j'ai chéris ou estimés pendant le trop long cours de ma misérable vie, de nouveaux témoignages d'affection ou de considération, je légue,

1o. A ma mere, pour lui rappeller la tendre amitié qui m'unissoit à mon frere, l'histoire d'Etéocle et de Polinice.

2o. Je donne et légue à ce frere, tant aimé, un intérêt de quatre pour cent dans les domaines nationaux avec M. de Menou.

Deux pour cent dans l'affaire des juifs avec l'évêque d'Autun,l'abbé Grégoire et Chapellier. Deux et demi pour cent dans l'affaire des cuirs avec Dupont.

Plus, un demi pour cent dans la manufacture des assignats, avec Camus, Barnave, Lameth, Chapellier, Péthion et Dubois de Crancé.

Item. A madame le Jai, mes quatre manuscrits étiquetés, affaires courantes. Elle y trouvera des révolutions à tout prix, et des constitutions ébauchées..

Item. A M. de la Fayette, une lanterne avec

tous ses agrêts et apparaux, si mieux il n'aime accepter et méditer la correspondance de M. Suleau, qui se trouvera dans les papiers que je confie au discernement et à l'amitié de M. le comte de la Marck: M. de la Fayette y puiseroit d'excellens principes et plans de conduite, dont j'aurois bien dû profiter : il n'a plus que six semaines pour opter. Je lui dois cet avertissement charitable, en reconnoissance de l'empressement que maintes fois il a manifesté payer mes dettes.

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Item. A Chabroud, directeur en chef de la buanderie d'Orléans, le sabre avec lequel je parcourois, quoiqu'il ait dit, les rangs du régiment de Flandre, le 6 octobre 1789.

Item A Philippe, Ravaillac en grand, peint d'après nature.

Item. Au patriote Robetspierre, une mauvaise copie de Brutus qui est dans mon antichambre.

Item. A MM. Lameth et Barnave, par indivis, mon tombereau et mes quatre chevaux de trait.

Item. A M. de Talleyrand d'Autun, mes deux mains.

A Villette, une araignée de la plus petite espece, mais très-venimeuse, trouvée dans les décombres de la Bastille.

AM, Regnault de S.-Jean d'Angeli; mon singe,

A Mathieu de Montmorenci; mon perroquet. A M. Bailli, un roitelet, oiseau mouche, empaillé avec le plus grand soin.

A madame Bailli, la servante maîtresse opéra, parodié de l'Italien.

Au côté gauche de l'assemblée nationale; la corde de mon puits pour leur servir de cravatte le jour d'une grande cérémonie qui aura lieu incessamment.

Au côté droit, mes lettres d'interdiction.

Au général Bender, une grande carte blanche. A la noblesse Française, quelques bouteilles de cordiaux et de spiritueux.

A Sa Majesté,une gravure de la bataille d'Ivri.
A la nation; une besace.

A la monarchie; mon éteignoir.

A mon ami Cabanis, pour m'avoir assisté an lit de la mort, une boëte de parfums; plus, les élémens de la médecine, que le docteur Petit voudra bien lui remettre de ma part.

Au club des Jacobins, un quintal d'arsenic de la premiere qualité.

A Camille Desmoulins, une vipere en bocal. Au bataillon de la section Grange-Bateliere, les soixante-treize cartels que j'avois ajournés indéfiniment.

Aux nommés Noël, Gorsas, Grandmaison, Audoin, Carra, Garat et Marat, la premiere coupe de mes foins,

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