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que, vous personnellement, vous êtes à l'a bri de mes atteintes, et parconséquent sans intérêt pour me chicaner sur les ruades de mon imagination, puisque la libéralité avec laquelle vous payez votre contingent de secours et d'utilité à la chose publique, ne me permettra jamais de vous contester le tribut de mon estime, de mon admiration, et de mon respect.

C'est avec ces sentimens, auxquels se joint celui de ma profonde gratitude pour votre bienveillance, que je fais hautement profession d'étre,

MONSIEUR,

Votre très-humble et trèsobéissant serviteur,

SULEAU.

sueur, il étoit loin de prévoir qu'en moins d'un demi-siècle elle ne seroit plus couverte que de boue, de fange, et de CRACHATS; (qui ne sont pas ceux de la grandeur, ou de la gloire militaire.) Il étoit loin de prévoir que cet excès d'opprobre et d'ignominie qu'elle auroit à dévorer jusques sous

les

yeux de son roi (qui les sanctionneroit aussi.) ne seroit pas encore le comble de ses deboires et de ses humiliations: que, lorsqu'ils entreprendroient de lui faire un rempart de leurs corps contre ses

B

assassins, cette magnanimité seroit transformée en un exécrable attentat; et que ce roi lui - même accrediteroit cette atroce calomnie par son insouciance, en souffrant que pour prix de leur généreux dévouement ils soient livrés à toute la rigueur de cette loi de sang qui n'a été inventée que pour réprimer le plus horrible des forfaits.

Je m'étois prescrit de garder un morne silence sur cette malheureuse aventure qui a été si étrangement défigurée par la pedie, et que ses victimes n'envisagent pas d'avantage sous son véritable aspect; mais quand je réfléchis sur l'hypocrisie et la mauvaise foi des oppresseurs; quand je pense aux vexations arbitraires et aux indignités bien gratuites qu'ils se sont froidement permises, tout mon sang s'allume, et les conseils de la prudence, les ménagemens de la discrétion, cèdent à des considérations plus puissantes; aux inspirations de la justice et de la vérité.

Sans doute elle avoit un coté infiniment louable, la résolution de ces braves françois qui se sont réunis autour de la personne du roi lors de la dernière insurrection populaire; mais tous ceux qui sont au fait de nos circonstances politiques, tout en rendant hommage à la pureté de leurs motifs, comprendront que leur zèle étoit inconsidéré; et l'on ne me verra jamais m'associer à des desseins si mal conçus. Comment n'ont-ils pas prévu que leur rassemblement alloit evéiller et mettre en jeu toutes les passions haineuses et vindicatives, donner à la jalousie, des soupçons; au ressentiment, une occasion et des moyens; à la calomnie, des pré

textes; enfin, à la perfidie, des facilités; (en effet, à peine se connoissoient-ils entre eux, et les brigands n'étoient pas tous à Vincennes) et tout cela, sans aucune espèce d'utilité présumable; puisque dans la supposition, plus que probable, ou leur secours ne plairoit pas à tout le monde, et seroit repoussé comme suspect ou injurieux, il y avoit de la part de ces honnêtes et benevoles auxiliaires, de si terribles inconvéniens dans la résistance, qu'ils s'exposoient évidemment à se laisser honteusement désarmer, et se mettoient par là à la discrétion de la milice de poste qui jugeroit à propos, ou de les fouler aux pieds comme des criminels pris en flagrant délit, ou voudroit se donner le plaisir de les fustiger correctionnellement comme des indiscrèts et de jeunes étourdis.

Voilà une partie des dangers qui leur étoient personnels.

Il y en avoit un plus épouvantable pour des coeurs français le concours tumultueux et précipité de trois à quatre cents personnes qui se rencontrent presque fortuitement, sans avoir concerté ni ordre ni précautions, pouvoit recéler un JACOBIN, et favoriser un grand crime. Sous ce rapport, M. de. la Fayette, n'avoit pas seulement un intérêt direct de surveiller le zèle officieux de cette légion de volontaires; il avoit de même, et le droit de concevoir des inquiétudes, et qualité pour les manifester. Aussi s'il se fut borné à cette sage observation dont sa position lui faisoit un devoir rigoureux, il n'auroit trouvé que docilité et respect : oui, il est indubitable qu'il n'auroit éprouvé aucune contra

diction; sa conduite de ce jour-là seroit à l'abri de toute censure, et il ne seroit pas réduit à en invoquer l'ensemble pour s'en faire pardonner quel ques détails.

Mais au lieu de remercier avec sa politesse ordinaire, et si affectueuse, tous ces génénéreux auxiliaires; au lieu de les congédier honnêtement en motivant d'une manière convenable le refus de leur secours, les livrer de gaité de coeur à une soldatesque effrenée qui se persuade qu'à défaut d'intentions coupables à réprimer, elle a une injure particulière à venger; et, non contente d'avoir dépouillé ses victimes, ajoute à la barbarie féroce de les mutiler, la lacheté odieuse de les bafouer et d'insulter à leur patience; certes, voilà encore un étrange trophée pour LE HÉROS DES DEUX MONDES ! n'étoit-il pas bien glorieux d'attérer et d'assonimer de coups des citoyens recommandables qui, par mille considérations de la plus haute importance, étoient politiquement condamnés à l'impuissance de faire usage de leurs armes pour leur propre défense? n'étoit il pas bien généreux de les excéder d'outrages lorsqu'ils se furent volontairement désarmés! n'étoit-il pas bien perilleux et bien honorable de combattre des hommes qui venoient de se priver de tout instrument de défense! il étoit doux et commode alors de les accabler! mais, s'il s'étoit trouvé parmi eux un SAMSON qui se fut emparé de ta MACHOIRE d'ANE!... etc. c'en étoit fait pourtant de tes Philistins.

Pendant que les soldats de la liberté se signaloient à cette courageuse expédition, et soutenoient

ainsi l'honneur de leurs armes, que faisoit done le roi de la constitution? Je ne le dirai pas.

Mais dois-je taire aussi que vous monsieur le général, vous egayiez la scène et encouragiez vos guerriers par un de ces ricannemens qu'on ne peut énergiquement caractériser qu'en le comparant à ce mémorable éclat de rire par lequel la fameuse baronne de Staal célébroit la fête immortelle du 6 octobre? c'est le bouquet qui ce beau jour-là décoroit si ridiculement le sein de sa vertueuse mère, qui seul seroit digne de vous servir de palme triomphale; et non ces fleurs modestes,x. massées dans les immondices des halles, dont vous vous plaisez à yous courronner. Laissez à madame de Staal le soin d'assortir vos lauriers; puisque vous voulez être ́ paré d'infamie, ce n'est pas aux prostituées subalternes à composer votre guirlande.

Quand je me transporte en idée à la scène du désarmement et du noble pillage qui l'accompagnoit; quand mon imagination se promène sur le théâtre ou s'exécutoient froidement toutes ces horreurs préméditées; quand je pense que toutes ces indignités se commettoient dans une enceinte sacrée; dans la prison et sous les yeux du roi; sans aucuns égards pour sa personne, et au mépris sacrilège du respect qui est toujours dû à l'infortune; quand je pense à ce ricannement...... tout mon sang bouillonne de fureur, et l'excès de l'indignation me suffoque. El bien! ce ricanement qui me peint si bien la joie barbare et la lâche dérision d'un sauvage qui insulte à sa proie; ce féroce ricanement n'est pas encore ce qu'il y a de las infernal dans cette

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