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comme on ne doute pas que je ne sois de trempe à disputer à cet héroïque martyr la gloire immortelle de rendre mon supplice utile à la. patrie, on y regardera à deux fois avant de m'en faire naître une si belle occasion.

Ce bon prince m'a offert de me tirer de peine, en me rendant charitablement les titres. qui constatent juridiquement mes solemnelles dénonciations. Il ne demandoit pas mieux que de me pardonner mes loyales imprudences : sans doute on ne me fait pas l'injure de supposer que j'aie été tenté de profiter d'une pareille. générosité. Je disois alors que, dans l'hypot ese la plus déplorable, je ne serois pas embarrassé pour démontrer que mon délit étoit un de ces écarts magnanimes, sur lesquels la lot peut et doit sommeiller.

Je sens bien maintenant qu'un pareil systéme ne feroit pas fortune avec des tyrans sans pudeur, qui persécutent ayec acharnement tout ce qui ne plie pas sous le joug de leurs caprices, et ne voilent la statue de la loi qu'en' faveur des brigands et des assassins qui se font les ministres de leurs vengeances, et les exécuteurs de leurs proscriptions. Mais, ont-ils bien calculé jusqu'où les fureurs de leur despotisme pouvoient se déchainer sans lasser notre patience? Les insensés! ils ne voyent

pas que la mesure de leurs injustices et de leurs forfaits est comblée! Leur hypocrisie a fait toute leur force, mais le prestige de l'illusion s'évanouit. Aux murmures plaintifs d'une sourde inquiétude succéderont bientôt les accens foudroyans de l'indignation; et l'explosion en sera d'autant plus terrible qu'elle a été d'autant plus long-tems concentrée. Déjà l'on commence à soulever le voile qui couvroit ce long amas de crimes et d'horreurs; et peut-être ne faut-il plus qu'un seul homme de cœur pour leur arracher ce masque imposteur et perfide? Ils se croyent inexpugnables parce qu'ils ont attelé une meute de tigres à leur char! et moi aussi j'ai un cortége ne fût-ce que la raison, la justice, la vérité, mon courage, ma plume et mon épée.

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Plût à Dieu qu'un aveugle ressentiment leur conseillât l'imprudence de me traduire devant un tribunal! Ce seroit entr'eux et moi un combat à mort, parce que je ne sais pas composer avec la scélératesse. Ils ne connoissent pas encore tous mes crimes! c'est alors que je les publierois avec la fierté la plus éclatante, la plus solemnelle. Ma cause, qui est celle de tous les vrais François, éveilleroit. l'attention de tout l'empire; et, si je suis destiné à périr victime de mon intégrité et de

mon dévouemet, je vous prédis que ma mort sera le terme de leurs forfaits. Mon sang enfantera des légions de prosélites à l'honneur et au véritable patriotisme. A mes derniers accens, tous les gens de bien se réveilleront de leur longue et coupable léthargie, le culte des usurpateurs sera détruit, et tous les chefs de la tyrannie seront exterminés; ils l'ont dit eux-mêmes ; l'histoire ne conservera le souvenir de leurs attentats, que comme une leçon urile pour les rois et pour les peuples. Ainsi donc sur les débris fumans de leur trône renversé se relevera majestueusement le sceptre d'un gouvernement sage et paternel; à ce prix je n'aurois pas trop payé de tout mon sang la gloire d'être l'instrument du salut de mon pays.

que

La suite de cette lettre très-volumineuse, et qu'à raison de l'importance des matieres ce seroit un meurtre d'analyser, paroîtra incessamment; à moins le Journal dont, à la grande satisfaction de tous les honnêtes gens, M. Suleau vient enfin de publier le Prospectus, il n'ait la hardiesse de le consacrer (comme nous le présumons de sa magnanimité) à discuter à la face de toute l'Europe, les grandes questions qui terminent la lettre de madame la marquise,

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NOTE S.

4 (1) C'est une chose inconcevable que la facilité qu'on a donnée aux factieux pour établir leur système de bouleversement et de rapines. Il est clair qu'ils tirent toute leur force de la dépravation de l'opinion publique : mais comment se fait-il qu'a l'époque où ils formerent leur infernale coalition Four égarer le peuple et l'enivrer de leurs fureurs, le gouvernement n'ait rien fait pour l'éclairer sur ses véritables intérêts? puisque c'est par la voie des journaux (soudoyés à grands frais) qu'ils s'emparerent de la confiance du peuple et semerent sur toute la surface de la France un esprit de vertige et de brigandage, il falloit, pour antidote à leur pernicieuse doctrine, salarier des écrivains inst ruits et éloquens, qui auroient prêché les vrais principes de la liberté à ce malheureux peuple qu'il a fallu travailler long-tems pour l'amener à un dégré de férocité qui contraste avec ses anciennes mœurs et ses inclinations naturelles. Si ce préservatif eût été insuffisant, il restoit encore à l'administration la ressource de stipendier cette classe de représentans qui n'ont d'autre volonté que celle qui leur est suggérée par leur intérêt personnel. J'avois dorné le tarif de toutes ces probités. Sans doute toutes les consciences ne sont pas a l'enchere; mais aussi n'étoit-il bésoir que de s'assurer d'une poignée d'intrigans mercenaires; parce qu'alors tous les députés passifs qui ont cru servir leur parrie quand ils n'étoient que les instrumens de quelques scélérats hipocrites qui masquent sous le voile du patriotisme l'ambition la plus effrenée et l'égoïsme le plus criminel toutes ces machines n'auroient plus sçu que bégayer les sages instructions de leurs commettans.

Qu'on ne m'objecte pas l'immoralité de mon expédient;

cat s'il est incontestable QUE LE SALUT DU PEUPLE EST LA 101 SUPREME, le premier devoir du gouvernement étoit de sauver la monarchie. J'avois calculé qu'en débauchant aux ligueurs qui avoient juré sa ruine, cent-dix de leurs complices, on se rendoit maître de toutes les délibérations. J'en parlai à plusieurs ministres; mais j'eus beau leur observer que la nécessité sanctifioit tous les moyens, ils me repondirent en casuistes. J'insistai auprès de M. Necker; c'étoit peu de tems avant son évasion. Son intérêt particulier devoit donner du poids à mes raisons; mais il étoit dans un tel état Pabbatement, il étoit si FROISSE, me dit-il, que je vis bien dès-lors, qu'après avoir eu l'imprudence de soulever les flors, il n'auroit pas le courage de lutter contre l'orage.

Oh! que ce n'est pas ainsi que les chefs des révoltés se sont conduits! Qu'on en dise tout ce que l'on voudra; ce sont des scélérats qui ont du moins le mérite d'ètre conséquens. Pour moi, qui ai toujours été dans le secret de leurs machinations, je ne saurois leur refuser la gloire d'être de très-habiles conjurés.

Je me souviendrai toujours que le plus virulent des folliculaires, le rédacteur incendiaire du journal des révolutions de Paris, en un mot, feu M. Loustalot, (*) de massacrante mémoire, que je supposois être de bonne-foi dans

(*) Il est si commode d'accuser les morts, que si en général la délation est odieuse, celle qui s'exerce contr'eux a toujours quelque chose de vil: mais je ne crains pas qu'on m'impute la lâcheté d'avoir attendu le trépas de ce Loustalot pour faire le procès à ses mânes: car dans une lettre que j'eus occasion de lui adresser peu de tems après cette aventure, lettre qui a été rendae publique par la voie de l'impression, et recueillie dans plusieurs journaux, je lui disois très-crûment, entr'autres choses qui n'étoient pas équivoques :

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