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net, 62.045 1. 15 s. 9 d.). Mais les chapitres ne pouvaient assurer à leurs chanoines que de très maigres prébendes, 1.320 1. à Rennes, y compris le logement, la même somme, tout au plus, à Champeaux, et moins de 600 1. à la Madeleine de Vitré. Les dignités étaient parfois fructueuses: la trésorerie de Rennes valait, net, plus de 4.000 1., la chantrerie, plus de 3.000, l'archidiaconé du Désert, 1.500, et la trésorerie de Vitré, plus de 1.600. Mais la pénitencerie de Rennes ne rapportait guère que 800 1., et le grand archidiacre, ainsi que le scholastique, ne retiraient plus rien de leurs charges. Il était des prieurés, comme ceux de Sainte-Croix de Vitré et de la Trinité de Fougères, qui rapportaient de 9 à 12.000 1., et d'autres quelques centaines de livres seulement.

On ne peut juger, il est vrai, par le seul revenu de ces bénéfices, de la condition de leurs titulaires, qui souvent les cumulaient avec d'autres (1). L'évêque de Rennes jouissait ainsi de trois abbayes; un chanoine de sa cathédrale était abbé de Boquen; un autre, abbé de Lanvaux; un troisième, abbé de Coëtmaloën; d'autres possédaient des pensions sur des abbayes ou des évêchés. Plusieurs prieurés appartenaient à des dignitaires de diocèses parfois lointains, celui de Saint-Cyr à un chanoine et vicaire général de Saint-Malo, celui de Villamée à un acolyte de Paris, celui de la Trinité de Fougères à un vicaire général de Narbonne, celui de Sainte-Croix de Vitré à un vicaire général de Cambrai.

Nous ne pouvons songer, dans la plupart des cas, à évaluer la fortune totale des bénéficiaires étrangers à la région ou possessionnés hors de ses limites. Il apparaît clairement, toutefois, que ces cumuls, loin d'atténuer l'inégalité des conditions premières, l'accusaient plus fortement encore. Nul chanoine n'ajoutait à sa prébende des revenus comparables à ceux que l'évêque de Rennes tirait de ses trois abbayes; les uns, d'ailleurs, n'y ajoutaient rien, tandis que les autres cumulaient. pensions, chapellenies, prieurés et abbayes; si bien qu'au chapitre de Rennes, l'échelle des revenus nets allait de 910 1. à 7.020 1. Aucun chanoine de Champeaux ni de Vitré n'attei

(1) Nous n'avons tenu compte, pour former le tableau précédent, que du revenu des bénéfices situés dans nos trois districts.

gnait, il est vrai, pareil maximum; nous ne leur connaissons d'autres revenus accessoires que ceux de petites chapellenies. Les chapitres des deux collégiales, il faut le dire, étaient exclusivement roturiers, tandis que celui de Rennes ne se recrutait guère que dans la meilleure noblesse bretonne. C'était également à de hauts dignitaires d'origine noble qu'appartenaient les meilleurs prieurés.

Mais tous ces bénéficiaires, même les plus modestes, doivent-ils être comptés parmi le haut clergé ? Si l'on entend par haut clergé, et c'est la seule définition nette qu'on en puisse donner, les principaux dignitaires de l'Eglise, il n'est pas de chanoine, si médiocre que soit sa prébende, qui ne mérite d'y être compris, et la plupart des titulaires de prieurés lui appartenaient incontestablement. Nous ne relevons, parmi ces derniers, que deux recteurs; encore étaient-ils l'un et l'autre titulaires de gros bénéfices-cures qui en faisaient les principaux décimateurs de leurs paroisses. Quels qu'ils fussent, au reste, ces prieurés assuraient à leurs possesseurs une dolation exempte de toute obligation assujettissante, en faisaient de véritables rentiers, les élevant ainsi à une situation privilégiée.

On en pourrait dire autant, il est vrai, de certaines chapellenies; pourquoi n'en avoir pas compris les revenus dans la part du haut clergé ? C'est que nous ignorions trop souvent la qualité et le nom même des titulaires des petits bénéfices, pour tenter de distribuer ceux-ci entre des catégories ecclésiastiques qu'on ne saurait définir rigoureusement ellesmêmes. Dans l'impossibilité où nous étions de pouvoir toujours déterminer les situations personnelles, nous avons dû ne tenir compte que du titre des bénéfices. Nous avons certainement confondu ainsi, dans la part du bas clergé, des revenus dont les bénéficiaires n'avaient rien à envier à certains prieurs ou comptaient même effectivement parmi les hauts dignitaires ecclésiastiques; mais nous n'en avons que plus sûrement distingué la part qui ne pouvait, en toute circonstance, appartenir qu'aux éléments supérieurs du clergé.

Nous avons formé ainsi un groupe homogène de bénéfices, tous de fondation ancienne et dotés de revenus analogues. La plupart étaient pourvus de dimes et de droits seigneuriaux,

plus largement même que d'immeubles; ils ne comportaient jamais, en outre du revenu de leurs biens, aucun casuel accessoire. Mais le produit de leurs dimes et leurs revenus fonciers, tout au moins, étaient, au moment de la Révolution, en plein accroissement. De 1727 à 1790, le revenu net de l'évêché de Rennes avait presque triplé, passant de 11.243 1. 11 s. à 32.985 1. 3 s. 8 d.; l'évêque avait vu, d'autre part, doubler celui de la mense abbatiale de Saint-Melaine, depuis vingt ans qu'il en jouissait en 1770 elle rapportait, net, 15.531 1. 13 s. 2 d., et, en 1789, 29.250 1. 12 s. 1 d.

Dans le même temps, le revenu total du chapitre de Rennes s'était élevé de 32.000 1. environ à 57.890 1. 15 s. 8 d. Le prieuré de Sainte-Croix de Vitré, qui ne valait pas 1.000 livres nettes, à son titulaire, en 1622, en rapportait sans doute près de 4.000 en 1733, près de 5.000 en 1762, et 11.500 en 1789. Pareille progression compensait largement le préjudice que la hausse des denrées avait pu causer aux bénéficiaires en augmentant leurs dépenses d'entretien.

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Nous pourrions répéter, pour nos quatre abbayes, ce que nous venons de dire de la nature et de l'accroissement des revenus des bénéfices précédents. Ces abbayes étaient des établissements très anciens, des foyers primitifs de vie religieuse, appelés jadis à étendre très loin leur action, et dont les nombreux prieurés étaient dispersés souvent au delà des limites. du diocèse; l'abbaye de Saint-Sulpice en possédait jusqu'en Poitou. Au temps de leurs origines, elles avaient reçu des scigneuries et des terres, ainsi que les dîmes des paroisses placées sous leur patronage. Au cours des siècles, leur domaine primitif fut parfois entamé; des fiefs et des terres furent usurpés ou aliénés, des terres furent afféagées, des prieurés formèrent des bénéfices indépendants. Mais, à la veille de la Révolution, nos abbayes conservaient encore un ensemble imposant de biens et de revenus de toute sorte, et le produit de leurs dimes, de leurs terres, de leurs lods et ventes, de leurs redevances en grains profitait de l'accroissement général des

prix. Les revenus des Bénédictins de Saint-Melaine passèrent, de 30.000 1. environ, en 1769, à 47.420 1., en 1789, et ceux de l'abbaye de Saint-Georges, de 43.834 1. 6 s., en 1774, à 71.245 l. 13 s. 2 d., en 1789. Les anciens états de situation de l'abbaye de Saint-Sulpice ne mentionnent pas la valeur des revenus en nature, et tout terme de comparaison nous manque pour l'abbaye de Rillé et le prieuré conventuel de Notre-Dame de Vitré; mais nous pouvons présumer que ces trois établissements bénéficièrent de la même hausse.

On en devrait, semble-t-il, légitimement conclure à la prospérité de tous. Les comptes partiels qui nous restent pour les abbayes de Saint-Georges et de Saint-Sulpice suffisent à prouver l'équilibre de leurs budgets. Les religieuses de SaintSulpice se plaignent, il est vrai, à la fin de leur déclaration de 1790, des lourdes dépenses que les réparations d'un couvent très ancien leur ont précédemment causées; mais c'est pour justifier les pots de vin qu'elles ont exigés de leurs fermiers. et expliquer que le produit en a été absorbé d'un coup. Notons que ces pots de vin n'avaient pas empêché l'augmentation du prix des baux.

En l'absence de tout compte et de tout état de dettes, nous ne pouvons juger de la situation financière de l'abbaye de Rillé et du prieuré de Notre-Dame de Vitré que par les déclarations de leurs revenus et charges en 1790; mais ces déclarations suffisent à prouver que chacune des deux maisons disposait de 6.000 1. de revenu net, pour 4 religieux; encore le prieur claustral de Rillé jouissait-il, par surcroît, des revenus de deux prieurés, soit de 800 1. nettes.

Les Bénédictins de Saint-Melaine se trouvaient, par contre, à la fin du XVIIIe siècle, dans une situation désastreuse. En raison de leur petit nombre, cependant, leur fortune valait. celle de Saint-Sulpice ou de Saint-Georges. Mais une dette de 174.200 1. les obligeait à servir, chaque année, 5.180 1. de rentes perpétuelles et 6.450 1. de rentes viagères, absorbant ainsi plus du tiers de leurs revenus. Leurs états de dettes, conservés pour 1774, 1775 et 1790, nous les montrent perpétuellement redevables d'un arriéré considérable à leurs fournisseurs; leur dette se maintint, pendant ces trois années, et sans doute aussi pendant la période intermédiaire, entre

30.000 et 40.000 1. (1), leurs créances immédiatement recouvrables étant déduites. Cette situation obérée ne paraît pas antérieure au milieu du siècle; elle aurait eu son origine dans la gestion de Dom Quinquet (1754-1769). Le mémoire justificatif de celui-ci (2) nous montre, en effet, la somme des rentes passives s'élever de 1.130 1., en 1754, à 10.120 1., en 1769; depuis cette date, la dette consolidée de la mense ne s'est pas sensiblement accrue. Dom Quinquet justifie, il est vrai, les emprunts qu'il avait contractés, par la détresse de SaintMelaine en 1754, l'urgence de réparations considérables et les charges considérables dont l'abbaye avait été accablée précédemment. Les comptes qui nous restent témoignent de l'équilibre à peu près satisfaisant des budgets immédiatement antérieurs à la Révolution; mais la complexité et l'obscurité de ces comptes ne permettent pas de bien comprendre la situation réelle du couvent. Tout au plus peut-on constater la persistance d'un léger déficit, l'irrégularité de certains articles de recette et de dépense, et l'importance des remboursements et des acquits de dettes, effectués par la communauté.

Nous n'avons pas compris, bien entendu, dans le revenu des abbayes, celui de la mense abbatiale de Saint-Melaine, unie à l'évêché de Rennes depuis 1771. Nous en avons distrait également les parts revenant respectivement à l'abbé commendataire de Rillé et au prieur commendataire de N.-D. de Vitré (3.400 1. nettes à chacun), pour en tenir compte dans les revenus du haut clergé.

Nos documents ne distinguent pas des revenus généraux de l'abbaye la mense particulière de l'abbesse de SaintSulpice, et nous ne connaissons celle de l'abbesse de Saint

(1) Extraits des rapports du procureur syndic du Directoire du district de Rennes, au Conseil général (15 sept. 1790 et 15 oct. 1791. Arch. dép. d'I.-et-V.,

2 L 112).

« Les inventaires mobiliers faits jusqu'à ce jour, annoncent que la plupart » des maisons [religieuses] sont en bon état. MM. les Bénédictins forment une > exception bien défavorable pour eux. Il n'est point de fournisseurs à qui ils ne

⚫ doivent considérablement. Ils ont pris à viage des sommes assez considérables » que les prêteurs sont exposés à perdre... » (1790).

Une seule de ces maisons, celle des Bénédictins, a laissé à acquitter 3.620 1. » de rentes constituées, 9.450 1. de rentes viagères, et en dettes exigibles, connues jusqu'à présent, 50.439 1. 8 s. 2 d.... » (1791).

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Voir au surplus, infra, pp. 64 et sqq., et 72.

(2) Voir pages 86 et sqq.

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