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Grégoire et autres paroisses de la région rennaise, ainsi qu'en Louvigné-du-Désert.

La même influence avait agi sur le produit des lods et ventes, proportionnel au produit des terres, et des moulins banaux, où le droit de mouture se payait ordinairement en grains. Or les premiers formaient souvent le plus important revenu des seigneuries et, là même où le revenu des rentes avait baissé, on ne constate aucune diminution du leur, au contraire. Le revenu moyen des lods et ventes de la mense abbatiale de Saint-Melaine fut évalué à 4.000 1. en 1790, contre 1.500 ou 2.000 1. en 1770, suivant que l'on doive y comprendre ou non les lods et ventes du prieuré de Morlaix; le revenu moyen des dix années 1780-89 s'était même élevé à 5.954 1. 14 s. 11 d.

On évalue de même à 4.000 1. seulement les lods et ventes de l'évêché, dont le revenu moyen s'était élevé à 5.834 1. 5 d. pour les années 1780-89. En 1790, les religieuses de l'abbaye de Saint-Georges portèrent à 3.017 1. 7 s. 3 d. le produit moyen des mêmes droits, pendant la même période, dans leurs bailliages du diocèse de Rennes, alors que l'état général de leurs revenus l'avait évalué, 16 années auparavant, à 3.000 1. pour tous les fiefs et seigneuries de l'abbaye dans les diocèses de Rennes, de Dol et de Saint-Malo.

La progression rapide des lods et ventes augmenta naturellement leur importance relative par rapport aux autres droits seigneuriaux. Pour l'évêché de Rennes, leur produit atteignait, en 1790, 4.000 1. au moins contre 7.200 1. au plus; pour la mense abbatiale de Saint-Melaine, 4.000 1. contre 1.500; pour le chapitre de Rennes, 1.000 1. contre 2.400; pour l'abbaye de Saint-Georges, dans le diocèse de Rennes, 3.000 1. contre 2.000; pour l'abbaye de Rillé, 500 1. contre 800; pour le Petit Séminaire, 250 1. contre autant.

L'accroissement du revenu de la propriété foncière suffit à expliquer celui du produit des lods et ventes sans qu'il soit utile d'invoquer une fréquence plus grande des mutations.

Dans l'ensemble, le revenu des banalités augmenta également. Il est à remarquer, toutefois, que le prix de fermage des fours ne s'est jamais accru que dans une faible proportion et qu'il est même souvent resté stationnaire, tandis que celui

des fermages de moulins a suivi la hausse générale des denrées et des terres; c'est que le monopole des moulins était beaucoup plus rigoureux, et que le droit de mouture se percevait en grains.

De tous les revenus seigneuriaux, celui de la justice est, avec les rentes en argent, le seul qui n'ait témoigné d'aucune tendance à s'accroître. Toutefois, à peu près partout où des comparaisons sont possibles avec les époques antérieures, il paraît être resté stationnaire. Le greffe des juridictions du chapitre de Rennes est le seul dont le produit ait, à notre connaissance, diminué. Affermé 350 1. en 1745, il ne rapportait plus que 166 1. en 1768, et 117 1. 7 s. 9 d., en moyenne, de 1780 à 1789. Les divers greffes des abbayes de SaintMelaine et de Saint-Georges, toujours affermés, ont au contraire conservé leur prix; celui de Saint-Melaine rapportait même 700 1. en 1770 et en 1790, contre 580 1. en 1688. Sans être très considérables, ces revenus judiciaires n'étaient jamais négligeables.

Depuis trois siècles, certaines redevances avaient perdu de leur importance et de leur valeur, et parfois même disparu; depuis une vingtaine d'années, le mécontentement général des paysans était une menace sérieuse pour les revenus seigneuriaux du clergé, et ceux-ci, en définitive, étaient moins bien assurés en ses mains que ceux de ses immeubles et de ses dimes. Ils n'en constituaient pas moins pour leurs possesseurs, à la veille même de la Révolution, une grosse ressource, en voie d'accroissement par le seul effet du progrès des prix, et une lourde charge pour les redevables. Il faut remarquer, en effet, que l'évêché et le chapitre de Rennes, les abbayes de Saint-Melaine, de Saint-Georges, de Saint-Sulpice, de Rillé et de Savigny, et l'hôpital Saint-Nicolas de Vitré, soif neuf établissements, se partageaient plus de 30.000 1., c'est-à-dire la totalité, à peu de chose près, des droits seigneuriaux perçus par le clergé dans nos trois districts. Si l'on considère, d'autre part, que les vassaux de l'évêché, en Bruz et en SaintGrégoire, et ceux de l'abbaye de Savigny, en Louvigné-duDésert, payaient annuellement, dans chacune de ces paroisses, de deux à trois mille livres, pour des terres qui n'en occupaient probablement pas la superficie entière, que la petite

paroisse de Saint-Sulpice payait, tant en nature qu'en argent, 872 1. à l'abbaye de Saint-Sulpice, soit en moyenne 1 1. 8 s. par hectare, et que la même abbaye pouvait tirer plus de 2.000 1. d'une partie seulement des paroisses de Betton, Chasné et Mouazé, on peut juger de combien le clergé augmentait parfois, comme seigneur, la charge qu'il imposait déjà, comme décimateur, aux propriétaires fonciers et aux cultivateurs. A Saint-Grégoire, l'augmentation allait à 50 % au moins, et, à Louvigné, à 30 %, en supposant que les fiefs de l'évêché et de Savigny aient intégralement occupé le territoire des deux paroisses. Or, c'est peu probable, et nous n'avons tenu compte d'aucun produit casuel, pas même des lods et ventes.

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Quelques établissements et quelques bénéficiaires ajoutaient au revenu de leurs biens, de leurs seigneuries et de leurs dîmes, le produit de droits perçus en raison, soit de leur qualité, soit d'une concession des pouvoirs publics ou de quelque seigneur. L'évêque levait ainsi des droits synodaux et cathédratiques sur certains membres de son clergé, le chapitre de Rennes diverses rentes et pensions sur des prieurés, des chapellenies et des cures, et le Grand-Archidiacre de Rennes, au début du XVIIIe siècle, percevait encore 430 1. 8 s. 10 d. sur les 102 cures et les 25 prieurés de son ressort. Nous n'avons pu tenir compte, dans nos calculs, que des 361 1. 6 s. 7 d. que le chapitre touchait encore en 1789, l'évêque n'ayant pas déclaré le montant de ses droits et le Grand-Archidiacre ayant cessé depuis longtemps de lever les siens. Il faut d'ailleurs noter que ces redevances ecclésiastiques formaient une somme égale de charges pour le clergé du diocèse.

Ceux des hôpitaux exceptés, les autres privilèges mentionnés dans nos tableaux de revenus rapportaient, en tout, 1.600 1. au plus, et certains tendaient à disparaître. Les plus productifs consistaient en droits d'entrée ou de foire sur diverses denrées. L'évêché reçut ainsi en 1789, pour sa part dans les droits d'entrée de la ville de Rennes, 353 l. 8 s. 10 d.,

et la déclaration de l'abbaye de Saint-Georges évalue à 300 1. le produit d'un droit de coutume dans la même ville. Les abbayes de Saint-Georges, de Saint-Melaine et de SaintSulpice pouvaient autrefois prendre, dans les forêts de Rennes, de Saint-Aubin-du-Cormier et de Liffré, tout le bois nécessaire à leur chauffage et aux réparations de leurs immeubles: mais, depuis le XVII° siècle, on avait réduit leur privilège à la jouissance du bois de chauffage, et encore en quantité strictement limitée.

Droits et privilèges valaient, au contraire, de très beaux revenus à certains hôpitaux. Les anciens hôpitaux, plus spécialement destinés aux malades, tels que Saint-Yves de Rennes, Saint-Nicolas de Vitré et Saint-Nicolas de Fougères, étaient ordinairement moins largement dotés, à cet égard, que les hôpitaux généraux. Nous ignorons quels droits pouvait posséder Saint-Nicolas de Fougères; mais Saint-Yves de Rennes n'avait que le monopole de la vente des cercueils, dont il tirait annuellement, en moyenne, 2.017 1., de 1780 à 1789. Le même monopole et quelques autres droits rapportaient à Saint-Nicolas de Vitré 754 1., en 1790.

Ses droits sur les boissons, son privilège de papegaut, ses droits de chapelle et de réception sur les officiers de justice, et ses divers monopoles, vente de la viande pendant le carême, services funéraires, cris publics, etc..., avaient, au contraire, procuré à l'hôpital général de Rennes 267.298 1., de 1780 à 1789 inclus, formant les deux cinquièmes de ses recettes totales. Nous savons qu'en vertu de ses lettres patentes de fondation, celui de Fougères jouissait du monopole de la vente des cercueils et du débit de la viande en carême, d'une partie du produit des aumônes publiques et des amendes reçues dans la ville, et de 50 cordes de bois de chauffage à prendre dans la forêt.

VI.

Pensions des recteurs et des vicaires.

Dans notre tableau général des revenus du clergé de nos districts, nous avons compris les pensions des recteurs à portion congrue et des vicaires des paroisses. Elles méritaient

d'y être comprises au même titre que toutes les rentes ou redevances servies à des membres du clergé sur ses propres

revenus.

Nous les avons comptées à raison de 700 1. pour les recteurs et de 350 1. pour les vicaires, suivant le tarif fixé par l'édit de septembre 1786; c'est d'ailleurs à pareilles sommes qu'elles sont généralement portées dans les déclarations. Quelques gros décimateurs ne les ont toutefois comptées dans leurs charges qu'à raison de 500 et de 250 1., et les observations de certains recteurs prouvent qu'en 1789 les pensionnés ne touchaient pas davantage (1). Les vicaires n'auraient ainsi reçu que 41.000 1., au lieu de 57.400, et les recteurs 17.500 1., au lieu de 25.100. La charge des décimateurs se trouvait ainsi réduite de 34,37 %.

A tous ces revenus s'ajoutait le produit de divers casuels. Mais la nature et l'importance de ces casuels dépendaient trop étroitement du caractère et des fonctions de leurs bénéficiaires, pour que nous puissions en séparer l'étude de l'étude particulière des différentes catégories d'établissements et de bénéfices (2).

(1) L'édit de septembre 1786 ne fut d'ailleurs enregistré au Parlement de Rennes que le 16 février 1789 (Arch. du Parl. de Rennes, B 48).

(2) Voir chapitre V.

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