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sort de l'indemnisé. L'adoption de la loi d'indemnité sera pour les garanties monarchiques; le rejet de la loi des rentes sera pour les garanties nationales notre place est sur les marches du trône entre le Roi et les peuples.

Je vote contre le projet de loi.

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DISCOURS

SUR L'INTERVENTION,

PRONONCÉ DANS LA CHAMBRE DES PAIRS 1,
EN MAI 1823.

On m'a sommé, messieurs, de répondre à des questions qu'on a bien voulu m'adresser. On a accusé mon silence, je vais vous en exposer les raisons, et peut-être vous paroîtront-elles avoir quelque valeur.

Un noble comte auroit voulu, messieurs, qu'à l'exemple de l'Angleterre nous eussions déposé sur le bureau les pièces officielles relatives aux affaires d'Espagne. On n'avoit pas besoin d'en appeler à cet exemple. La publicité est de la nature même du Gouvernement constitutionnel; mais on doit

1 Ce discours a été prononcé par l'auteur, en qualité de ministre des affaires étrangères.

garder une juste mesure, et surtout il ne faut jamais confondre les temps, les lieux et les na

tions.

Si le Gouvernement britannique n'est pas, sous quelque rapport, aussi circonspect que le nôtre doit l'être, il est évident que cela tient à la différence des positions politiques.

En Angleterre, la prérogative royale ne craint pas de faire les concessions les plus larges, parce qu'elle est défendue par les institutions que le temps a consacrées. Avez-vous un clergé riche et propriétaire ? Avez-vous une Chambre des pairs qui possède la majeure partie des terres du royaume, et dont la Chambre élective n'est qu'une sorte de branche ou d'écoulement? Le droit de primogéniture, les substitutions, les lois féodales normandes, perpétuent-elles dans vos familles des fortunes pour ainsi dire immortelles ? En Angleterre, l'esprit aristocratique a tout pénétré : tout est priviléges, associations, corporations. Les anciens usages, comme les antiques lois et les vieux monuments, sont conservés avec une espèce de culte. Le principe démocratique n'est rien; quelques assemblées tumultueuses qui se réunissent de temps en temps, en vertu de certains droits de comtés, voilà tout ce qui est accordé à la démocratie. Le peuple, comme dans l'ancienne Rome, client de la haute aristocratie, est le soutien et non le rival de la noblesse. On conçoit, messieurs, que dans un pareil état de choses, la couronne en Angleterre n'a rien à craindre du principe démocratique; on con

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çoit aussi comment des pairs des trois royaumes, comment des hommes qui auroient tout à perdre à une révolution, professent publiquement des doctrines qui sembleroient devoir détruire leur existence sociale : c'est qu'au fond ils ne courent aucun danger. Les membres de l'opposition angloise prêchent en sûreté la démocratie dans l'aristocratie rien n'est si agréable que de se donner les discours populaires, en conservant des titres, des priviléges et quelques millions de revenu.

En sommes-nous là, messieurs, et présentonsnous à la couronne de pareilles garanties? Où est l'aristocratie dans un état où le partage égal anéantit la grande propriété, où l'esprit d'égalité n'avoit laissé subsister aucune distinction sociale, et souffre à peine aujourd'hui les supériorités naturelles?

:

Ne nous y trompons pas il n'y a en France de monarchie que dans la couronne : c'est elle qui, par son antiquité et la force de ses mœurs, nous sert de barrière contre les flots de la démocratie. Quelle différence de position! En France, c'est la couronne qui met à l'abri l'aristocratie; en Angleterre, c'est l'aristocratie qui sert de rempart à la couronne : ce seul fait interdit toute comparaison entre les deux pays.

Si donc nous ne défendons pas la prérogative royale, si nous laissons les Chambres empiéter sur cette prérogative, si le Gouvernement croit devoir céder à toutes les interpellations qui lui sont faites, apporter tous les documents que l'opposition croira pouvoir lui demander, vos institutions paissantes

seront promptement renversées, et la révolution rentrera dans ses ruines.

J'ai peur, messieurs, d'avoir fatigué votre patience par ces développements un peu longs. Il m'étoit nécessaire d'établir solidement que ce n'est ni par ignorance de la constitution, ni par abus de pouvoir, que le Gouvernement n'a pas imité l'Angleterre, mais pour conserver à la prérogative royale cette force qui supplée à celle qui manque encore à nos institutions. Cette vérité une fois posée, je ne fais aucune difficulté d'examiner les autres objections.

Un noble comte a cru devoir reproduire tout ce qu'on a dit contre le congrès de Vérone. Un noble duc que vous venez d'entendre, est entré dans cette question avec la candeur, la noblesse, la sincérité, qui le caractérisent. Je pourrois donc me dispenser de répondre; mais je demanderai la permission de joindre quelques réflexions à celles du noble duc,

La préoccupation de nos adversaires les a fait tomber dans une singulière erreur; ils partent toujours du dernier congrès comme du commencement de tout en politique. Mais, messieurs, les transactions de Vérone ne sont point le principe et la cause de l'alliance, elles en sont la conséquence et l'effet l'alliance prend sa source plus haut. On peut dire qu'elle remonte jusqu'au congrès de Vienne; et lorsque M. le prince de Talleyrand a donné, au nom du Roi, son assentiment à l'union des grandes puissances contre l'invasion de Buo

naparte, il a réellement posé les premiers fondements de l'alliance. Régularisée au congrès d'Aixla-Chapelle, cette alliance, toute défensive contre les révolutions, a pris ses développements naturels dans les congrès qui se sont succédés. Les puissances y ont examiné ce qu'elles avoient à espérer ou à craindre des événements: cette politique en commun a l'avantage de ne plus permettre à des cabinets de poursuivre des intérêts particuliers, et de cacher des vues ambitieuses dans le secret de la diplomatie.

que

Ainsi tombe, messieurs, par cette grande explication, tout l'échafaudage qu'on a prétendu élever autour du congrès de Vérone. On voit encore par là la France n'a point amené à Vérone la question de l'Espagne comme une chose à laquelle personne ne pensoit. L'établissement de notre armée d'observation nous obligeoit d'en exposer les motifs à nos alliés, et la révolution d'Espagne n'étoit pas une chose assez inconnue, assez insignifiante, pour qu'elle ne se présentât pas dans la série des affaires de l'Europe: il y avoit déja long-temps qu'elle avoit fixé l'attention des cabinets; on en avoit parlé à Troppau et à Laybach; et avant d'être examinée à Vérone, elle avoit occupé les conférences de Vienne. Que la France, plus particulièrement menacée, et craignant d'être obligée tôt ou tard de recourir aux armes, ait voulu connoître le parti que prendroient les alliés, le cas d'une guerre avenant, elle a agi selon les règles d'une simple prudence.

Remarquez bien, messieurs (et ceci répond pé

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