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déclamations politiques déplacées et des plus vigoureuses mesures de salut public, la hache meurtrière des proconsuls, en mission dans les départements, n'était pas moins active que celle dont Fouquier-Tinville frappait ses victimes à Paris. Le comité convaincu qu'il ne pouvait sauver la France qu'en opposant à la coalition un million de bras armés, et qu'il n'obtiendrait les levées nécessaires qu'en frappant d'épouvante tout ce qui chercherait à entraver sa marche, envoya dans les départements les hommes qui s'étaient le plus signalés à la tribune des jacobins, par des propositions forcenées. Ces farouches apôtres de la terreur renchérirent encore sur les instructions qui leur avaient été données. Saint-Just et Lebas, délégués à Strasbourg, ne se contentaient pas d'y lever 10 millions sur les riches, d'envoyer à l'échafaud l'élite de sa population, et de prendre des arrêtés « pour » mettre les aristocrates pieds nuds, afin de » donner des souliers aux défenseurs de la pa» trie. » Ils répandaient l'effroi jusque dans les campagnes les plus reculées. Les habitants de la basse Alsace expièrent par milliers, le crime d'avoir conservé quelque respect pour leurs usages religieux, et quelques rapports de langage avec les troupes allemandes; plus de 50,000 de ces malheureux, contraints d'abandonner leurs foyers, s'enfuirent dénués de tout, pour chercher un asile sur ce sol qu'on nommait alors la terre de l'esclavage le patriotisme reconnu des habitants de cette province a suffisamment prouvé, de nos jours, l'injustice et l'inutilité de ces proscriptions.

exploits; on nous saura gré d'observer la même réserve à l'égard de Collot-d'Herbois, réalisant à Lyon son horrible pensée des transpirations politiques (1).

Si ces ministres de mort n'avaient eu en vue

que la levée des armées et le salut de la république, on serait enclin à pardonner leurs fureurs ; l'histoire fournit en effet plus d'un exemple semblable, et Tacite justifiant Octave, avoue que dans les guerres civiles on ne peut réussir par les voies ordinaires. En appliquant aux hommes de 1793, les maximes de ce grand historien, il serait peutêtre permis de tirer le voile sur les excès commis à Toulon pour punir cette cité imprudente d'avoir livré son port et son escadre aux ennemis jurés de la France on pardonnerait de même à Saint-Just d'avoir fait condamner les patriciens de Strasbourg, qui voulaient livrer ce boulevard de la république à Wurmser; enfin Lequinio aurait droit à quelque indulgence, s'il n'avait fait décapiter que les dix officiers de marine expédiés de Toulon après sa reddition aux Anglais, pour exciter à Rochefort un mouvement semblable, et faire remettre ce port aux armes britanniques sous le prétexte de le conserver à Louis XVII.

Mais ces grands actes de vengeance nationale furent suivis de mille atrocités, sans autre but que d'assouvir d'affreuses passions; et si Garnot, Fouché, Barrère, et quelques autres, n'eurent réellement en vue que de résister aux coalisés, il est juste d'avouer aussi que le plus grand nombre des factieux ne décora ces saturnales du nom de salut public, que pour mieux cacher la turpitude de ses projets? Tout porte effectivement à croire que la plupart de ces énergumènes avaient conçu l'hor

Nantes était le théâtre de plus grandes atrocités : la plume est prête à nous échapper en écrivant le nom de Carrier; ce tigre, dont les bateaux à soupapes et les mariages républicains épouvan-rible pensée d'un nivellement complet de conditeront la postérité la plus reculée, ne doit trouver place dans l'histoire que pour fournir un nouveau nom symbolique des crimes pour lesquels on ne trouverait aucune expression.

L'avocat d'Arras ne ménagea pas sa patrie; il lui délégua, dans sa colère, Joseph Lebon, dont nous n'aurons pas le courage d'énumérer les

tions et de fortune. Avec la loi sur les suspects et celle sur l'emprunt forcé qui ordonnait un recensement des moindres capitaux mobiliers, aussi bien que celui des immeubles, il était facile, non-sculement de décimer la France, mais de la réduire à la moitié de sa population, comme les cordeliers et les hébertistes le voulaient alors les biens,

(1) Ennuyé des lenteurs de la guillotine, Collot faisait sir à ces exécutions, et les nominait des transpirations samitrailler les Lyonnais par centaine pour se venger d'a- | lutaires au corps politique.

voir été sifflé sur le théâtre de cette ville; il prenait plai

également répartis entre les prolétaires, eussent | résistance combinée, dès qu'il n'y avait ni commuassuré la subsistance du bon peuple sans-culotte, nications d'idées, ni moyens de rassemblements qui, fuyant désormais les asiles du luxe, de l'oisi- que pour les anarchistes. veté et du vice, eût abandonné les cités pour se réfugier dans les champs.

Ce noir projet expliquerait aussi celui de prolonger les désastres de la Vendée, dont Philipeaux accusa plusieurs agents du comité; car cette guerre, moissonnant particulièrement la classe des aristocrates, devait réaliser enfin le rêve des niveleurs. Ce système affreux qui pesa sur la France jusqu'au milieu de l'année suivante, contrastait trop avec les bienfaits attendus de la révolution, pour ne pas être insupportable. Le grand nombre d'ennemis qu'il devait naturellement se faire, rendait la position du parti révolutionnaire chaque jour | plus critique, et de là s'accrut successivement son exaspération. L'idée de s'enfoncer de plus en plus dans le crime, pour compromettre d'autant mieux le peuple français, et rendre toute réaction impossible, fut une des conceptions les plus hardies des jacobins qui, d'un même coup, se débarrassaient de leurs antagonistes, et rendaient la masse de la nation plus docile aux sacrifices qu'ils lui impo

saient.

Forcées de se servir des plus vils instruments, ils ne purent se dispenser de flatter leurs passions et leurs vices; on ne rougit pas même de les transformer en vertus civiques. Il fut un temps où l'on demandait aux fonctionnaires quel crime ils avaient commis pour être livrés au supplice, dans le cas où la contre-révolution aurait lieu.

Si la postérité s'étonne un jour que la France ait pu se façonner à un joug aussi odieux, elle trouvera l'explication de ce mystère dans l'excès même de l'infortune publique. L'élite de la nation était à l'armée ou fugitive; ceux qui se trouvaient aux frontières, étrangers aux complots, croyaient à l'existence de tous ceux qu'on leur révélait, et applaudissaient au triomphe de la république, pour laquelle ils versaient leur sang, et cueillaient des lauriers. Le reste composé d'hommes paisibles, disséminés, et sans aucuns rapports entre eux, se trouvait comprimé par l'armée révolutionnaire et les bourreaux marchant à sa suite : chacun se renfermait dans son intérieur; un signe mal interprété était un signe de mort. Il ne pouvait exister aucune

Pressés par le désir de quitter ces lugubres sujets, nous allons poursuivre notre narration; mais avant de rapporter le choc des partis et la chute des hébertistes, nous répéterons toutefois que l'écrivain impartial, voulant classifier les crimes qui souillèrent la Montagne, distinguera eeux commis par d'atroces furibonds, de ceux susceptibles d'être excusés par d'impérieuses circonstances; puis il sera juste aussi de ne point confondre les hommes qui se contentèrent d'ordonner la punition des complices de la guerre étrangère, avec ceux qui se noyèrent dans le sang français sans distinction. Les premiers, quoiqu'entraînés par une exaltation funeste, pratiquaient la plupart des vertus privées qui feraient honneur à tout homme de bien, et leurs fautes provinrent de leur situation désespérée, et du fatal esprit du temps, plutôt que d'un penchant au crime ou d'une cruauté froide. et réfléchie.

Nous avons annoncé une nouvelle faction sous le nom d'hébertistes; il devient indispensable d'entrer dans quelques détails sur cette secte anarchique, dont les chefs jusqu'alors avaient été confondus dans la foule des agents subalternes. Chaumette, Hébert et le prussien Clootz, si ridiculement surnommé Anacharsis, dirigèrent ce qu'on appelait la faction des Athées, laquelle prit aussi indistinctement le nom d'un de ses membres. Elle était d'autant plus dangereuse auprès du peuple, et devait d'autant plus porter ombrage à la popularité de Robespierre, qu'en substituant un grossier matérialisme à toute espèce de croyance religieuse, les coryphées de cette secte affichaient le plus impudent cynisme, et prêchaient la débauche effrénée comme le pillage. Ils commençaient à lever une tête indépendante, et à vouloir se soustraire à l'influence qui les avait longtemps dirigés; mais ils étaient trop redoutables pour ne pas attirer les regards soupçonneux du dictateur. En effet, les hébertistes disposaient par la municipalité de la force armée de la capitale, et pouvaient soulever d'un seul mot la lie du peuple, dont le père Duchêne était l'oracle impur et vénéré : ils comptaient d'ailleurs parmi leurs partisans, Ronsin, général de

l'armée révolutionnaire, et la nombreuse troupe | arrêté pour faire traduire en italien et envoyer au

des cordeliers.

Pape tous les décrets ou procès-verbaux des actes publics et particuliers qui avaient amené le bouleversement de la religion (1).

Une simple insurrection les eût rendus maîtres des destinées de la France. Par une heureuse fatalité, Hébert et Chaumette n'y songèrent point, ou Ce fut à cette époque que Chaumette imagina le du moins attendirent trop longtemps. Se bornant culte de la raison. Dans la fête qu'il célébra en son à exhaler leur haine imprudente en vains discours | honneur le 10 novembre 1798, une chanteuse de et d'inutiles murmures, ils se plaignaient de l'ingra- !'Opéra, représenta la nouvelle déesse, telle qu'on titude de la Montagne qui, à les en croire, leur était nous dépeint Minerve s'appuyant sur une lance. redevable de son triomphe sur les girondins : « S'il Son cortége, formé d'une foule immense de jaco» y a des dangers à courir, disaient-ils, on nous | bins coiffés du bonnet rouge et entonnant des can» appelle les premiers; il n'en est pas de même tiques sacriléges, après avoir défilé devant la conlorsqu'il s'agit de partager cette autorité, fruit vention se rendit processionnellement à l'église de » de nos victoires; sans notre assistance, le 2 juin | Notre-Dame. La, cette divinité de théâtre, déposée » n'aurait point eu lieu, et nous n'avons recueilli avec un respect ridicule sur l'autel même du vrai » que la haine de la faction abattue, avec la certi- Dieu, reçut les hommages et l'encens de la multi>>tude d'être les premiers objets de sa vengeance, tude, et d'une troupe de vestales de coulisses. » si jamais la Gironde venait à renaître de ses >> cendres. >>

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voyé les auteurs à l'échafaud, de sanctifier la république en proclamant son Être suprême et l'immortalité de l'âme. Le Dracon de la France voulait aussi en être le Numa.

Jamais l'immoralité ne s'était montrée dans un appareil plus pompeux. Robespierre laissait faire Après avoir ainsi exprimé leur mécontentement, et observait en silence; peu inquiet des suites de ils veulent enfin se faire des prosélites et augmenter | cette saturnale, il se proposait, après en avoir enl'amour que leur porte déjà la multitude, en prenant l'initiative sur les mesures les plus violentes du gouvernement révolutionnaire. Ces modernes Diogènes, non moins cyniques, mais plus cruels que le philosophe grec, rivalisent d'efforts pour étendre les limites de la turpitude et de l'immoralité, et pour leur rendre justice, il faut dire qu'ils parcoururent cette carrière à pas de géants.

Encouragé par eux, l'évêque constitutionnel, Gobet, fit, le 17 novembre, une abjuration publique de la religion dont il était ministre; cet exemple fut suivi par une multitude de prêtres qui, animés d'une sainte apostasie, venaient à l'envi se dépouiller des marques de leur sacerdoce, et fouler aux pieds cette croix qu'ils offraient jadis à la vénération des peuples. La convention devint le théâtre de ccs farces révoltantes, et d'une impiété dont on chercherait vainement des exemples; on poussa l'oubli des convenances jusqu'à se vanter à la tribune d'avoir promené un âne revêtu de toutes les décorations épiscopales et autres attributs religieux: enfin, pour mettre un dernier sceau à leur impudence, les membres de la commune prirent un

(1) Nous entendons ici par religion, la morale religieuse, et non les abus d'un culte intolérant ou le fanatisme af

Ce genre de gloire touchait faiblement Danton, qui venait de reparaître sur la scène; mais il se réunit à son collègue pour écraser des rivaux dangereux toutefois ils ne les attaquèrent pas directement, et se servirent d'abord de Camille Desmoulins pour les accuser. Anacharsis Clootz, Hébert, Chaumette, Ronsin, commandant de l'armée révolutionnaire, et plusieurs autres de ces anarchistes furent arrêtés dans le même jour. Barrère, chargé de faire un rapport sur les délits dont ils étaient prévenus, s'en acquitta avec son bonheur accoutumé, et le dictateur paya d'un sourire les éloges prodigués à sa feinte modestie par le complaisant orateur du comité.

L'impatience d'arriver jusqu'au supplice de ces misérables, qui n'eut lieu qu'au milieu de mars, nous a fait dépasser les bornes chronologiques de cette campagne : avant de rapporter celle de 1794, il ne sera pas inutile de quitter un instant les ri

fecté d'un clergé ambitieux : choses qu'on a trop souvent confondues.

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même, qui en prit une part suffisante pour se dédommager, disait-on, des frais de ce dépouille

ment.

Dès lors le malheureux établissement de Pondichéry, qui naguère disputait à Calcutta et à Madras, l'empire de la presqu'ile, jeté seul aujourd'hui au milieu des immenses possessions bri- Premières cau- tanniques, devint, en peu de semaines, la proie de ses ennemis.

Un

Événements des Colonies depuis 1790.
ses des désastres de Saint-Domingue. Incendie de
la plaine du Cap et du Port-au-Prince.
Négociation
d'un parti avec les Anglais. Destruction du Cap.-
La province de l'Ouest est livrée aux ennemis.
détachement britannique, appellé au Môle Saint-Nico-
las, prend possession de cette forteresse. Affaires
de la Martinique. — Émigration du gouverneur de Be-
hague. Rochambeau repousse l'amiral Gardner.

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Tandis que la France parvenait à repousser l'invasion des coalisés, par les résultats d'une exaltation sans exemple dans les annales du monde, mais qu'elle épuisait, par ces efforts mêmes, les sources réelles de crédit, de prospérité commerciale et de puissance fédérative, l'Angleterre se hâtait de profiter des embarras où sa rivale se voyait plongée, afin de saisir, de prime abord, toute la supériorité coloniale et maritime à laquelle elle aspirait. Trop habile pour compter sur une victoire facile, et se reposer sur ses alliés du soin de la lui procurer, elle redouble d'efforts, comme si elle eût dû soutenir seule une lutte contre tous. Lord Dundas avait fait décréter, dès le 28 janvier, la levée de 45,000 hommes pour la marine plus de 80 vaisseaux allaient être mis en commission, et porter son pavillon victorieux sur les points les plus reculés du globe.

La conquête des Antilles offrit plus de difficultés, malgré l'état déplorable dans lequel l'esprit de parti venait de plonger les colonies. Le choc établi entre les blancs et les hommes de couleur, fut d'autant plus violent qu'il se ressentit de la chaleur du climat, des mœurs de ses habitants et du froissement immédiat des intérêts les plus chers.

Les bornes de cet aperçu ne permettant pas de présenter le tableau complet de la situation des colonies et des révolutions qui les bouleversèrent, nous ébaucherons à grands traits les causes de ces événements et leurs résultats, en commençant par la plus importante.

La population de Saint-Domingue se composait en 1789, de 40,000 blancs, de 30,000 à 35,000 hommes de couleur libres, et d'environ 500,000 esclaves. Les intérêts de cette population se trouvaient plus divisés que partout ailleurs. Les grands planteurs européens étaient aristocrates quand il s'agissait de leurs prétentions envers leurs inférieurs, et partisans de la démocratie dès qu'il était question de lutter contre l'autorité royale. On va même jusqu'à dire que plusieurs d'entre eux, pétris d'égoïsme, sacrifiant tout à leur intérêt privé, et le plaçant bien au-dessus d'une patrie qu'ils connaissaient à peine (1), ne se firent aucun scrupule de désirer l'indépendance, au moyen de laquelle ils espéraient obtenir plus de liberté dans leurs spéculations, et se débarrasser des entraves mises au commerce dans l'intérêt de la métropole.

On se rappelle que la compagnie des Indes, profitant des embarras où la révolution plongeait le cabinet de Versailles, s'était hâté de porter le coup décisif à l'empire de Mysore, et que Cornwallis avait fait, en 1792, sous les murs de Seringapatnam, une paix qui ravit à Tippoo-Saïb la moitié de ses États. Le vainqueur partagea ces conquêtes entre le Ceux qu'on nommait petits-blancs, ouvriers arNizam, créature dévouée à la compagnie; les Ma- tisans ou àventuriers sortis d'Europe dans l'espoir rattes, qui l'avaient imprudemment secondé, et d'un meilleur avenir, démagogues par intérêt, ennequ'il espérait s'attacher; puis la compagnie elle-mis du gouvernement colonial dont ils ambition

(1) Nous sommes loin de penser que cet esprit fut taires créoles se distinguèrent par leur rare patriotisme; celui de la majorité, il était au contraire, celui d'un très- les Beauharnais, les Lameth, les Laborde, les Dugommier, petit nombre. On sait assez combien de riches proprié- | en fournissent d'assez grandes preuves.

naient les emplois et jalonsaient l'autorité, devin- | droits politiques, lorsque, par leurs propriétés ou leur état, ils pouvaient justement y aspirer.

rent aristocrates insolents dans leurs rapports avec les hommes de couleur libres. Ceux-ci, espèce Ce mot magique de liberté, se faisant entendre. d'affranchis, n'ayant de commun avec le citoyen jusque dans les ateliers des noirs, dut nécessaireque le droit de posséder une propriété, se trou- ment y produire de la fermentation, dès que d'avaient encore voisins de l'esclavage par l'opinion. droits ou imprudents instigateurs s'efforcèrent de Si les doctrines d'égalité avaient jeté de si pro- | leur en faire comprendre toute la signification. fondes racines en France, que l'abolition de toute distinction y fût désirée, il n'en était pas encore de même dans les Antilles, où, à part l'orgueil des rangs et des castes, de puissants préjugés mettaient une distance inouïe entre le riche colon ou le gentilhomme employé par l'État, et le rejeton adultérin d'une négresse. Indépendamment de cette considération particulière, les planteurs s'accordaient assez à regarder l'admission des hommes de couleur aux emplois publics, comme une tendance à l'abolition de l'esclavage; chance ruineuse qui devait tarir toutes les sources de leur fortune et de leur existence.

Il faut ajouter à ces éléments de discorde, l'influence que deux clubs absolument opposés dans leurs vues, exerçaient sur les différents partis de l'assemblée. Les riches colons, fixés dans la capitale pour y jouir d'une fortune immense, s'étaient réunis en comité à l'hôtel Massiac, afin de délibérer sur leurs intérêts avec l'administration; tandis qu'une société d'amis des noirs, composée de Mirabeau, Brissot, Condorcet, Lameth, etc., avisait aux moyens d'abolir la traite et l'esclavage.

Influencée alternativement par des opinions si contraires, et cherchant à concilier les convenances locales, l'assemblée adopta une législation ambiguë et versatile, qui alluma les passions sans savoir les faire servir à sa cause.

Une assemblée coloniale de 213 membres, convoquée à Saint-Marc, au commencement de 1790, pour débattre les intérêts du pays, se hâta bientôt, à l'imitation de l'assemblée nationale, de s'emparer de l'autorité; s'arrogea l'initiative des lois intérieures, avec le droit de les soumettre directement à la sanction royale, déclarant même que celles rendues par le corps législatif de France pour les

La séance du jeu de paume, le canon de la Bastille et la suppression des priviléges, du 4 août 1789, retentirent au fond du golfe des Caraïbes, et soulevèrent dans les Antilles, des passions et des intérêts plus violents encore qu'en Europe. Chacune de ces classes s'attribua les idées de liberté répandues dans la métropole. Les créoles y virent un moyen de se placer au-dessus de l'autorité du gouvernement: les petits-blancs, celui de se mettre de pair avec les privilégiés, qui, jusqu'alors leur avaient témoigné peu de considération : les hom-relations générales, n'auraient de force qu'autant mes de couleur attendaient que les nouveaux législateurs de la France les fissent participer à la réforme des abus; et, si on ne les mettait pas d'emblée au niveau des autres classes, ils espéraient du moins une amélioration graduelle, et une part dans les assemblées provinciales; prétentions assez fondées, puisqu'ils étaient pour la plupart propriétaires ou chefs d'atelier jouissant d'une honnête aisance. La condition humiliante dans laquelle on les avait tenus jusqu'alors, dut leur sembler d'autant plus vexatoire, que dans la partie espagnole, ils jouissaient de la plénitude de leurs

(1) Cette assemblée fut présidée par le nommé Bacon de la Chevalerie, intrigant célèbre qui, dans un discours hardi, réclama dès le premier jour l'abolition du système

qu'elle les aurait sanctionnées (1). L'institution des gardes nationales fut accueillie avec enthousiasme : les blancs seuls devaient y commander à des blancs; et tous étaient également avides de grades et de décorations militaires : un état-major aussi brillant que celui de Lafayette à Paris, fut créé comme par enchantement. Les députés, qui n'avaient pas craint d'usurper un pouvoir illégal, devaient voir avec plaisir une force armée qui surpassait celle du gouverneur, et les rendait en quelque sorte maîtres de l'île.

L'assemblée constituante sanctionna, le 8 mars

de douane, si nécessaire pour les intérêts du commerce de la métropole, et sans lequel la colonie eût été plus à charge qu'utile à la France.

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