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prince de Condé avait pour tâche de s'emparer des hauteurs et de la redoute qui défendait Dorrenbach et le Guttemberg.

Si toutes ces dispositions s'effectuaient sans obstacles, l'armée devait se réunir sur Weissenbourg et le Geisberg. Enfin pour en assurer d'autant mieux l'exécution, le duc de Brunswick avait promis d'attaquer l'armée ennemie trois jours auparavant dans les montagnes, de la chasser de Bondenthal et de Limbach, et de se porter ensuite le 14 jusqu'à Werth. En même temps le général Stein commandant les troupes du cercle de Souabe, dut faire de grandes démonstrations sur la rive droite du Rhin.

nouveaux obstacles à mesure qu'ils pénétraient dans les bois, et forcés d'ailleurs de laisser la moitié de leurs troupes à la garde du pont, ne s'avancèrent vers Modern qu'avec la plus grande circonspection. Waldeck attendait ici la division Dubois que Jellachich devait repousser de Lauterbourg : le prince n'entendant plus tirer sur ce point, et l'épaisseur du brouillard l'empêchant de voir ce qui se passait, il crut l'opération manquée, et repassa le Rhin à six heures du soir, n'osant rester dans une position si aventurée, au milieu de l'ennemi, qui pouvait le couper du fleuve; il se contenta de laisser deux bataillons à la garde du pont.

Cependant le général Jellachich repoussé dans ses premières tentatives mais favorisé ensuite par les attaques de Waldeck et de Hotze, parvint à passer les lignes à gauche de Lauterbourg, et à s'avancer à quelque distance au delà de ce poste. Croyant sa tâche remplie, il avait permis à sa cavalerie de mettre pied à terre et de rafraîchir, lorsqu'elle fut attaquée tout à coup par la division Dubois qui, dirigée par le représentant Niou, opérait sa retraite sur Sulzbourg. Cette surprise lui eût été funeste, si les hussards hessois, qui s'étaient mieux gardés, ne l'avaient tirée de ce mauvais pas, par une charge très-heureuse. Ainsi le projet sur la droite des Français n'eut qu'un succès éphémère, et leur retraite ne fut nullement inquiétée.

L'armée française, passée depuis quelques jours sous les ordres du général Carlen, se trouvait disséminée en avant-postes, etn'avait pas moitié de son monde dans les lignes. Il est vrai de dire, que son front était défendu par une multitude de redoutes et d'abatis, mais sans liaison entre eux. Ce qu'elle avait de mieux, était le Geisberg, poste retranché en arrière de la gauche de ses lignes, pour assurer la retraite par le point stratégique le plus sûr. Du reste, le chef d'état-major Clarke étant destitué de la veille, et les divisions manquant de généraux, chacun ignorait ce qu'il avait à faire en cas d'attaque, et sa ligne de retraite en cas d'échec. Une partie des dispositions arrêtées par Wurmser, fut exécutée le 13 octobre; mais les généraux alliés montrèrent peu d'habileté dans l'emploi de leurs forces. L'entreprise du prince de Waldeck rencontra, il est vrai, des obstacles presqu'invincibles. Après avoir réuni ses pontons près de Plittersdorf, il parvint sous le feu de ses batteries à jeter 3 à 400 Serviens de Michalowitz sur la rive gauche, deux autres bataillons furent successivement débarqués, et le pont commencé s'acheva assez rapidement. Cette opération fut facilitée par la négligence du général Dubois, qui, instruit des préparatifs de l'ennemi, se contenta de laisser sur ce point un demi-bataillon des Pyrénées. Ces braves, attaqués à Selz par la brigade du prince de Lichtenberg, qui traversa la rivière ayant de l'eau jus-garde qui couvrait la grande redoute de Steinfeld qu'aux épaules, y firent une résistance admirable. Selz brûlant fut enfin cédé aux Autrichiens, et un bataillon de ligne arrivé trop tard ne put le reprendre. Les Impériaux arrêtés néanmoins par de

Le corps de Hotze, au centre, attaqua à plusieurs reprises le moulin de Bienwald, s'en empara vers onze heures, et se logea dans le bois situé sur la route, entre Weissenbourg et Lauterbourg; coupant ainsi les communications directes entre le général Carlen, commandant le centre, et la division Dubois qui était en marche de Nieder-Roder par Forstfeld sur Druzenhein, où son général et le représentant voulaient la conduire contre leur première pensée.

Les attaques sur la gauche ne furent pas moins vives. Mezaros et Kavanach surprirent en quelque sorte, par le moyen de faux déserteurs, l'avant

et celle de Nieder-Otterbach; ce stratagème échoua cependant. La gauche de Mezaros qui s'engagea dans le Bienwald sous le feu d'une batterie masquée et retranchée, y perdit 4 à 500 hommes, et

vint bientôt se rallier à la lisière du bois; sa droite attaqua avec 7 bataillons et 10 escadrons sur 3 colonnes, la redoute entre Scheid et Steinfeld: les Français la défendirent avec courage; mais le général Meynier ayant été blessé, ses troupes prirent l'épouvante, et le général Combes eut mille peines à les rallier entre Capsweyer et Schweighofen, où des renforts lui permirent de se maintenir quelque temps.

Kavanagh n'avait pas eu moins de peine à déloger les républicains de Nieder-Otterbach, et Kospoth canonna vainement la redoute de Hafftel. Ces différentes colonnes s'étant ensuite dirigées de concert sur le général Combes, le forcèrent à se retirer à Weissenbourg:

çais tout le loisir d'effectuer leur retraite. Wurmser perdit un temps précieux à réunir les colonnes de Mezaros, Kavanagh et Kospoth, et ne marcha qu'à deux heures après-midi sur Weissenbourg, contre lequel il engagea une canonnade très-vive. La garnison, composée de quelques compagnies du 48° aux ordres du capitaine Fririon, ne résista que pour donner le temps nécessaire aux habitants d'emporter ce qu'ils avaient de plus précieux et de suivre le mouvement rétrograde de la gauche.

L'armée prussienne, dans cet intervalle, avait exécuté en majeure partie l'opération qui lui était dévolue. Kalkreuth resta en observation sur la Sarre. Le prince de Hohenlohe, pour contenir les Français et surveiller les mouvements qu'ils eussent pu entreprendre par les Vosges, s'avança à Engelhard au-dessus de Bitche.

Le prince de Condé, après avoir emporté le poste de Dorrenbach et d'Ober-Otterbach, et s'être réuni à la colonne du général Vioménil, se mit en Le duc de Brunswick, avec une partie de son communication avec Kospoth, attaqua le plateau corps de bataille, débouchant par Ramsbrun et de Schwegen, et le fit tourner par sa cavalerie, Steinbach sur Limbach dans l'intention de tourner tandis que la légion Mirabeau dirigea ses efforts sur les lignes, chassa aisément devant lui la brigade le bois. La division de gauche ne put résister à légère qui gardait les gorges; mais ses forces se cette double attaque, et se replia sur Weissen- trouvant insuffisantes pour porter un coup décisif, bourg, près duquel les émigrés vinrent se former. il n'osa pousser plus loin; son mouvement se trouva Sur ces entrefaites, le général Hotze essuyait des ainsi prématuré, puisqu'il resta à Mattstad où il chocs non moins rudes; après avoir franchi les re- était arrivé trois jours avant l'attaque générale, et tranchements du moulin et la Lauter (1), il fut il ne servit qu'à éveiller l'attention des républiassailli à plusieurs reprises par le centre des Fran- cains sur le danger que courrait leur flanc gauche : çais, et cut toutes les peines du monde à se soute- le duc ne s'avança effectivement sur Werdt que nir dans cette situation épineuse. Quoique son at-le 14, lorsqu'il n'était déjà plus temps de les en

taque n'eût pas tout le succès désiré, elle contribua néanmoins à la victoire, en décidant le général Carlen à évacuer Weissenbourg pour se replier sur le Geisberg; mais la marche du duc de Brunswick sur Limbach, le força bientôt à renoncer à cette position afin de gagner en toute hâte celle de Haguenau.

L'armée autrichienne trop morcelée, ne recueillit point le fruit de ce succès, comme elle aurait dû, en poursuivant en colonnes les troupes qui se retiraient des dispositions minutieuses prescrivirent aux différentes attaques de s'attendre pour se former en ligne de bataille, ce qui donna aux Fran

:

(1) Quelques rapports français assurent que les lignes ne furent point franchies, et que leur évacuation fut le résultat de l'attaque contre la division Meynier à Scheid,

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fournissant au cabinet de Vienne l'occasion de dé- | Sulz, le général Mezaros, avec l'avant-garde, å rouler ses projets. Voyant les frontières de l'Alsace une demi-lieue plus loin; les trois jours suivants fuet de la Lorraine découvertes, il crut l'instant pro-rent employés à donner des fêtes et chanter le Te pice de faire revivre ses anciens droits sur ces deux provinces et d'en achever la conquête.

Frédéric-Guillaume, guidé par plus de loyauté, ou par le sentiment d'une ancienne jalousie, devina les vues de son allié, et ne voulut point servir d'instrument à l'accroissement de sa puissance. Dès lors les deux armées ne se prêtèrent qu'un appui illusoire, plus favorable aux républicains que si l'une d'elles eût marché droit à son but. Cet état de choses entre les Prussiens et les Autrichiens, n'était cependant pas suffisant pour renverser les projets de ces derniers. D'un côté, la noblesse impatiente de ressaisir d'anciennes prérogatives; de l'autre, la partie éclairée et laborieuse de la population, exaspérée des vexations et des menaces d'une tourbe de transfuges allemands ou de prêtres apostats qui s'étaient emparés de la puissance depuis le 31 mai, semblaient s'être réunies pour tendre la main au corps de Condé, que Wurmser avait placé assez adroitement à son avantgarde.

C'était principalement dans Strasbourg, que le zèle des féroces apôtres de la démagogie avait fomenté des levains de haine et de discorde. Cette ville, si l'on devait en croire son maire, savoyard forcené, n'était faite pour la liberté ni par son idiome, ni par ses mœurs, ni par son commerce; elle ne pouvait être que dévouée à l'Autriche il fallait la régénérer, y transplanter une colonie de patriotes, et reléguer dans l'intérieur des terres, ses habitants façonnés pour l'esclavage.

Deum. Ce général, aussi violent qu'impolitique se permit de condamner les républicains de Weissenbourg à balayer les rues sous le bâton des caporaux croates, et continua sa marche le 28 octobre sur Haguenau.

Carlen s'était retiré pour aller s'établir à Brumpt et Druzenheim, dans l'intention de rester derrière la Zorn, sa droite appuyée à ce dernier bourg qui était alors à l'abri d'un coup de main ; il espérait ainsi conserver une communication par l'île de Dalhunden avec le Fort-Vauban, qui n'était point approvisionné, et que le cours des événements allait compromettre. Le général Dubois ayant abandonné cette ligne, il fallut s'établir sur les hauteurs de Saverne et de Strasbourg. Cette place seule mit les Français à l'abri d'un désastre complet, qu'ils s'étaient attiré, en conservant trop de troupes inactives sur le haut Rhin. Les garnisons répandues le long du fleuve jusqu'à Huningue, ne comptaient pas moins de 40,000 hommes, force beaucoup trop considérable, et dont l'emploi ne saurait être expliqué que par l'espèce de guerro d'opinion qu'on faisait alors.

Le désordre avec lequel l'armée républicaine effectua sa retraite, fit croire aux habitants de Haguenau qu'elle ne soutiendrait point un nouveau choc; l'arrivée de l'avant-garde autrichienne, suivie aussitôt presque par le corps de Condé, les confirma dans cette opinion. Cette ville, renfer mant la majeure partie de la noblesse alsacienne alliée de la famille de Wurmser, fit éclater les transports de la joie la plus vive, et accueillit avec enthousiasme les vainqueurs. Bientôt leur général eut par son intermédiaire des intelligences dans Strasbourg. Les notables fatigués du régime de terreur qui pesait sur eux, crurent le moment propice pour s'en affranchir : on avait laissé la place avec une faible garnison : le département, la municipalité,le général Isambert, le commandant de la garde nationale, tous les nobles enfin, envoyèrent d'un commun accord deux députés à Wurmser, pour lui proposer d'en prendre possession au nom de Louis XVII. Ce général, peu versé Wurmser vint camper le 24 sur les hauteurs de dans la conduite des affaires, redoutant toute

Une armée révolutionnaire parcourait les campagnes sous les ordres d'un des proconsuls, tandis que d'autres organisaient un plan de proscription collective. « Marat n'a demandé que 200,000 têtes >> disait Baudot; mais fussent-ils un million, nous >> les détruirons entièrement. » Ces menaces qu'accompagnaient de fréquentes exécutions, avaient aliéné l'esprit de la majeure partie des Alsaciens, qui ne voyaient dans les émigrés et les Autrichiens que des libérateurs. Erreur fatale! que les infortunés expièrent, comme les Toulonnais, par l'exil et la mort.

responsabilité diplomatique, ou plus jaloux peut- | ses pièces à mitraille, et s'avança dans cet ordre à la rencontre de l'ennemi. La cavalerie autrichienne crut en avoir bon marché; mais Burcy ayant démasqué son artillerie, la força bientôt à la retraite.

être d'y entrer par droit de conquête, eut des scrupules de s'en rendre maître à cette condition, et demanda un délai pour en référer au conseil aulique.

Pendant ce temps, ne voulant sans doute pas que la place lui échappât, il proposa au duc de Brunswick de marcher de concert sur la PetitePierre, dans les gorges de Saverne, pour couper cette communication importante, et décider l'armée du Rhin à abandonner Strasbourg à ses propres forces, de crainte d'y être bloquée. Celui-ci, ne partageant pas les projets de son collègue, ou n'en découvrant que trop le but intéressé, préférait une guerre méthodique à des aventures incertaines; il conseillait au général autrichien de se tenir derrière la Motter et de ne songer, pour cette campagne, qu'à la reddition de Landau et de Fort-Louis, afin d'assurer les quartiers d'hiver. Prétextant de plus le manque de vivres, le duc resta à Mattstadt, croyant beaucoup faire de pousser le prince de Weimar à Lichtenberg.

Wurmser ne pouvant rien obtenir de plus, porta alors sa droite sous Hotze à Ingweiler et Neuweiler; le prince de Waldeck avec la gauche sur Wantzenau, d'où il chassa le 17 les généraux Dubois et Combes jusqu'au jardin anglais; Desaix, au contraire, se maintint dans les bois de Rechstett. L'armée républicaine prit poste derrière la Suffel et parallèlement à la route de Saverne qu'elle couvrait; Desaix commanda la division de droite, forte de 8,000 hommes; le reste en comptait 30,000 environ, outre 3 à 4,000 paysans armés. Le peu de secours qu'il pouvait se promettre du duc de Brunswick, ne détourna pas le général autrichien de son projet sur Saverne. Hotze attaqua, le 22 octobre, la brigade Sauter qui couvrait ces hauteurs importantes; déjà il s'était emparé de quelques postes, quand Ferino, ayant fait quelques démonstrations le même jour vers Hochfeld, lui imposa par son attitude mena

cante.

Le lendemain Hotze renouvela ses tentatives, et la victoire semblait pencher pour lui, lorsque le général Burcy, amenant à marches forcées une division de 5 à 6,000 hommes de l'armée de la Moselle, déboucha en colonnes serrées, chargea

Un rassemblement de forces aussi considérables sur ce point, fit échouer le projet de Wurmser, qui en rejeta toute la faute sur le duc de Brunswick; cependant lors même qu'il eût réussi à déloger l'ennemi de ce poste, cette circonstance ne lui eût point fait acquérir la place qu'il venait de manquer par sa maladresse. Le complot des Strasbourgeois avait été découvert; 70 personnes des familles les plus distinguées dans la magistrature et la noblesse, au nombre desquelles se trouvaient plusieurs de ses parents, avaient payé de leurs têtes ce coupable projet. Toutes les autorités civiles ou militaires avaient été renouvelées, et la place maintenant défendue par une nombreuse garnison se trouvait à l'abri de surprise.

Wurmser, honteux d'avoir compromis ainsi ses amis et ses parents, se borna alors au siége du Fort-Vauban. La tranchée fut ouverte le 29 octobre, et le commandant qui n'avait qu'une idée imparfaite de ses devoirs et des ressources de sa place, trop fier ou trop défiant pour s'en rapporter au capitaine du génie qu'il avait remplacé, capitula le 14 novembre, aussitôt que la seconde parallèle fut terminée, La garnison de 3,000 hommes mit bas les armes; elle était composée de très-bonnes troupes, dont une partie s'évada en traversant la Forêt-Noire, et rentra en France par la Suisse. Le défaut de farine et de moulins contribua à cette reddition prématurée, qu'on attribua d'ailleurs à l'incapacité du commandant.

Dans le même temps, le prince royal de Prusse, secondé par le général Ruchel, voulant intimider la garnison de Landau, fit construire 6 batteries de mortiers, et commença le bombardement le 27 octobre. En moins de quarante-huit heures, l'arsenal fut incendié, un magasin à poudre sauta avec une partie de la courtine; mais le commandant ne voulant pas même recevoir de parlementaires, on renonça à cette entreprise. Le siége fut converti en blocus si peu rigoureux, que la garnison communiqua dès lors constamment avec les deux armées destinées à la secourir.

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La mauvaise issue de l'entreprise sur Dunkerque; les justes récriminations de tous les militaires sur la fausse direction que les alliés avaient donnée à leurs efforts; la reddition du Quesnoy, étaient des motifs assez puissants pour les décider enfin à se diriger sur Maubeuge.

La prise de cette place réunissait tous les avantages politiques et militaires désirables, au point où en étaient les affaires : tentée quelques mois plutôt, elle eût décidé probablement du succès de la guerre; au commencement d'octobre, elle procurait encore aux alliés une base sur la ligne centrale et importante entre Sambre et Meuse. Ouvrant les plaines de Saint-Quentin et le département de l'Oise aux ennemis de la France, elle menaçait la capitale d'une prochaine invasion; à la vérité la saison déjà avancée n'eût peut-être pas permis d'en tirer tout le fruit désirable avant l'hiver; mais elle promettait un heureux début pour la campagne suivante qu'on espérait sans doute commencer avec plus de sagesse et de moyens.

Les Français de leur côté, quoique un peu rassurés par la victoire de Hondschoote, ne voyaient pas sans inquiétude leurs généraux disparaître de la scène, et se succéder avec une rapidité effrayante: ces fréquentes changements imprimaient aux opérations un défaut absolu de suite, d'harmonie et d'aplomb, sans lesquels on réussit rarement à la guerre. D'ailleurs l'échec sanglant essuyé par la division de Cambrai, la perte du Quesnoy, et l'accumulation des masses ennemies entre l'Escaut et la Sambre, inspiraient des appréhensions fondées: les hommes doués d'un coup d'œil exercé, y entrevoyaient un correctif puissant aux fautes commises précédemment par les chefs de la coalition, et un changement notable dans la marche des événe

ments.

droit d'attendre des succès, ils s'inquiétaient peu des détails, et ne demandaient, ou plutôt n'ordonnaient que la victoire.

Depuis la bataille de Hondschoote, tous les renforts tirés du Rhin, de la Moselle, de l'intérieur, joints aux hommes de la première levée qui devaient remplir les anciens cadres, avaient porté les forces actives au Nord à 130,000 hommes, y compris l'armée des Ardennes. Le général Jourdan, chef d'un bataillon au commencement de cette campagne, mais que la fréquente mutation des généraux et ses qualités, élevèrent en six mois au garde de général de division, s'était assez distingué au déblocus de Dunkerque pour mériter le suffrage des commissaires de la convention, qui lui firent conférer le commandement en chef de ces forces imposantes. Placé dans l'alternative de mériter une couronne de lauriers ou de monter à l'échafaud, Jourdan comptait peut-être assez sur ses talents, pour accepter l'immense responsabilité qui lui était imposée : mais l'exemple de Houchard lui prouvant que la victoire même était quelquefois réputée pour un crime le décida à tout faire pour éluder un tel fardeaų. Cependant une loi révolutionnaire ne laissait pas même aux Français le droit de disposer de leurs personnes et de leurs services, le commandement n'était plus un honneur, mais un sacrifice; il fallut s'y soumettre ou périr, et Jourdan n'eut pas même la chance du refus.

Craignant de commettre leurs jeunes soldats en plaine ou dans une bataille générale, les Français avaient pris le parti de les rassembler en plusieurs camps retranchés, pour avoir le temps de les aguerrir. Ce système semblait d'autant plus raisonnable, qu'à la suite des reproches faits à Kilmaine et à Houchard, la plupart des états-majors venaient d'être renouvelés, et que les chefs avaient autant besoin de leçons que les troupes. Au surplus, l'ennemi agissant lui-même sans énergie par une multitude de corps isolés, on ne devait pas redouter de sa part un effort concentré, qui eût compromis successivement ces différents camps.

On comptait donc six divisions principales depuis la Sambre jusqu'à la mer; savoir à Philippeville, 15,000 hommes; à Maubeuge, 25,000; à GavaLes jacobins seuls ne doutaient de rien; l'im-relle et Arleux, 28,000; à Lille et la Madelaine, mense levée qu'ils venaient de décréter leur donnant 30,000; à Cassel, 14,000; àDunkerque, 16,000;

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