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l'armée. Comme ce décret change absolument mon plan, je me suis occupé d'en rédiger un nouveau d'après les bases du décret, & de donner le nombre des individus de chaque grade. Je le joins à la présente.

Un secrétaire en a fait aussi-tôt lecture; mais comme ce mémoire consiste uniquement en chiffres, l'assemblée, après en avoir entendu le commencement, en a ordonné l'impression.

M. de Noailles a répété que le premier pas à faire étoit de décréter ce nombre de 151 mille hommes, pour les repartir ensuite entre les différentes armes.

MM. de la Galissoniere & le Bouthillier ont été du même avis. Le premier a combattu quelques passages du rapport imprimé du comité: On ne peut voir sans effroi, a-t-il dit, l'assertion consignée dans la page 4 la voici L'armée doit être à la disposition du chef suprême à qui la nation l'a confiée: le choix des soldats & des officiers, leur avancement leur suspension & leur destitution, les récompenses que mérite leur zèle, doivent donc être également à sa disposition. Cependant il ne faut pas que tous ces avantages ne soient dans ses mains qu'un moyen de faveur & de corruption, avec lequel il puisse se ménager des conspirateurs, & fomenter la sédition.

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M. de la Galissoniere alloit sans doute attaquer cette assertion un peu hardie, lorsqu'on lui a rappellé qu'il ne s'agissoit pas en ce moment de discuter l'ensemb du plan. A ce mot il s'est retiré.

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M. de Crillon: Il existe un plan d'un des membr s du comité, M. Emery, qui propose une réduction de troupes en temps de paix; je voudrois qu'il fût entendu il n'est pas plus cher que le plan du comité, & il tient 50 mille hommes de plus prêts à marcher. Au premier coup de canon Vous auriez 200 mille hommes en activité, & déjà exercés, puisque pour entrer dans son armée sédentaire il faut avoir servi six ans & se rassembler un mois tous ans pour se remettre aux manoeuvres. On lui reproche de subordonner le principal à l'accessoire

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ou l'armée active

en temps de

à l'armée auxiliaire. Qui, sans doute

paix; & je crois que c'est-là faire l'éloge de son plan Il réunit de plus l'avantage de ne point enlever les bras à l'agriculture. Je conclus à ce que M. Emerý

soit entendu.

D'après ces observations de M. de Crillon le jeune, M. Emery est monté à la tribune pour développer son plan. Je vais en rapporter ici les deux premiers articles.

L'armée, sans y comprendre la maison du roi, les vétérans, ni élèves, sera composée de 200 mille soldats, tant actifs qu'auxiliaires, qui seront répartis dans l'infanterie, la cavalerie & l'artillerie dans la proportion qui va être fixée.

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Cent vingt mille de ces soldats seront ment sous les armes ;

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constam

savoir 28 mille de cavalerie, 84 dans l'infanterie & huit mille dans l'artillerie. La réserve sera de 12 mille dans la cava❤ lerie, de 68 mille tant pour l'infanterie que pour T'artillerie.

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Nous avons dit-on a continué M. Emery, 180 mille hommes de troupes effectives qui, jointes à soixante mille hommes de milice; portent notre armée à 240 mille hommes. Une telle force étoit nécessaire dans l'ancien systême; mais aujourd'hui que nous avons renoncé à tout esprit de conquête, que notre systême est de nous tenir sur la défensive, il ne nous faut pas une armée aussi nombreuse sur-tout si l'on réfléchit que l'on doit compter beaucoup sur le zèle & le patriotisme des gardes nationales, qui sauront bien défendre nos frontières; l'ardeur qu'elles montrent depuis le commencement de la révolution nous est un sûr garant de ce qu'elles peuvent faire lorqu'elles combattront pour la défense de leurs foyers sous les yeux de leurs concitoyens, de leurs feuxmes & de leurs parens..

Ces considérations ont fait adopter à M. Emery une armée en activité de cent-vingt mille hommes comme très-suffisante; à la différence du comité militaire, qui veut porter l'armée à 151,940 hommes. Les raisons de M. Emery sont que l'armée de ligne aură moins de postes à garder, un service plus doux

que jamais, au point que l'armée réduite d'un tiers aura moitié moins de fatigues. Il faut mettre en ligne de compte le service que rendra la garde nationale. Mais en n'admettant que 120 mille soldats, il veut toujours avoir sur pied le nombre suffisant d'officiers pour une armée de 200 mille hommes. Ce cadre sera Susceptible de s'ouvrir à volonté, & on pourra y faire entrer, quand on voudra, les 80 mille hommes qu'on appelle troupes auxiliaires. Ceux-ci seroient sédentaires; leur service seroit fort doux ; ils ne se rassembleroient qu'un mois de l'année pour reprendre l'habitude du service je dis reprendre l'habitude du service, car l'auteur du plan n'admet personne dans les auxiliaires qu'après un congé de six ans.

Dans son armée de 120 mille hommes, les officiers n'y sont pas compris ; de façon qu'il y auroit, d'après le calcul, une armée de 130 mille hommes en activité.

La dépense qu'occasionneroient les forces militaires, tant actives qu'auxiliaires, ne montroit qu'à 88 millions. M. Emery parvient à ce résultat, parce qu'il n'accordé que demi-solde aux troupes auxiliaires, & que chaque individu ne lui revient qu'à 96 liv. par an, tándis que le soldat dans l'armée active coûte, & pour sa solde, & pour les dépenses acccessoires, 250 liv. par an.

Par-là, a continué M. Emery vous n'avez pas à trembler d'une masse de 151 mille hommes, remise entre les mains d'un ministre qui peut la faire mouvoir contre la constitution. Cette considération n'est pas indifférente dans la situation où nous nous trouvons, sur-tout après une révolution comme la nôtre.

Les idées de M. Emery ont été goûtées assez généralement. M. de Mirabeau minor même les a approuvées; mais il est venu traverser la discussion par une motion qu'il croyoit être préalable: elle tendoit à donner plus de stabilité, plus de consistance aux places d'officiers dans notre armée. Depuis 1762 l'armée, au gré ou au caprice des ministres, à change six à sept fois & de costume & d'exercice.

M. de Noailles a répondu à M. de Mirabeau, que dans le nouvel ordre des choses, l'état d'un militaire ne dépendroit plus du caprice d'un ministre↳

puisqu'il ne pouvoit se faire aucun changement dáng l'armée que sur la proposition du roi, par un décret du corps législatif, sanctionné par lui.

Quant au nombre des individus qui doivent composer l'armée votre comité a cru que dans les circonstances actuelles il falloit le composer de 151 mille hommes. On verra que cette armée n'est que suffisante pour pouvoir nous mettre au niveau & en état de défense vis-à-vis des puissances formidables qui dans ce moment, ont des armées considérables, non seulement sur pied, mais campées. Ces troupes auxiliaires dont parle M. Emery, sont excellentes; mais quoiqu'il en puisse dire, l'habitude des exercices militaires ne se reprend pas si facilement. Il faut une activité continuelle dans l'homme de guerre : à l'offi-' cier il lui faut ce coup-d'oeil qui ne s'acquiert qu'au milieu des troupes: au subalterne, cette subordination, cette obéissance à la discipline que l'on perd facilement dans ses foyers. Voilà pourquoi nous avons cru qu'il nous falloit 151 mille hommes en pleine activité, & en cas de besoin, 50 mille auxiliaires.

Nous avons, a continué M. de Noailles, à craindre les entreprises des puissances qui nous environnent; les personnes qui les gouvernent ont intérêt à nous traverser & pour ce, à ne pas laisser se propager les sentimens de liberté qui animent en France 24 millions d'hommes. M. Cazalès & plusieurs autres ont représenté qu'on ne pourroit délibérer sur l'organisation de l'armée, sans avoir sous les yeux l'ensemble du travail, & en a demandé l'ajournement jusqu'après l'impression des neuf rapports du comité militaire. Parmi ces rapports, a continué M. de Noailles, il en est plusieurs qui ne sont que des conséquences des principes que vous adoptez, & qui ne font rien à la question actuelle : tel est, par exemple, le rapport sur la discipline, sur les délits & les peines sur la maréchaussée : ces rapports, quoique très intéressans, ne peuvent influer sur la question actuelle, où il ne s'agit que dè fixer le nombre de nos troupes. Une grande considé ration, c'est que vous priveriez une partie de l'armée de semestre, si vous la réduisiez au taux proposé par

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M. Emery. Cette considération est d'autant plus importante, que ce moyen nous servira beaucoup pour attacher nos soldats à la constitution, en les faisant jouir, pendant un certain tems de l'année, des douceurs de la liberté, au milieu de leurs parens.

M. de Toulongeon trouvoit cette différence entre les deux plans; que celni de M. Emery présentoit le moyen avec 88 millions, d'entretenir 130 mille hommes en activité, 120 mille soldats & 10 mille officiers, & 60 mille hommes de troupes auxiliaires, pendant que pour la même somme le comité ne présentoit que l'entretien de 151 mille hommes en activité, & laissoit de côté la dépense qu'occasionneroient les 50 mille hommes de troupes sédentaires.

Il ne s'agit pas de la fixation de la dépense, a dit M. Alexandre de Lameth, mais je crois devoir vous assurer ici que dans la latitude de 88 millions nous trouverons le moyen de suffire à tout.

afin

Au surplus je demande l'ajournement de la question, que l'assemblée puisse avoir sous les yeux, d'après un rapport que lui en fera le comité, & le nombre des troupes de ligne, & les sommes correspon→ dantes.

On a encore disputé long-temps pour l'ajournement de la question. M. Emery a présenté un projet de décret, M. de Menou un autre.

On s'est récrié particulièrement sur ce que l'esprit du décret de M, Emery tendoità diminuer l'initiative qu'on avoit accordée au roi en mettant le plan de M. Emery en concurrence avec celui du ministre. Cependant je ne sais pourquoi une partie de la gauche & la majorité de la droite, quoique MM. de Croix & Charles de Lameth aient représenté que c'étoit aller contre l'initiative accordée au roi, & ont voulu admettre la concurrence des deux plans & de tout autre. C'est, sans doute, cette disposition dernière qui a fait agréer le décret suivant.

Décret. L'assemblée nationale, en ajournant la question à lundi prochain, décrète que d'ici à cette époque le ministre de la guerre remettra un mémoire explicatif des motifs par lesquels il propose de tenir sur pied une armée de 151 mille hommes, avec un état des troupes

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