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s'etant rétirés dans les maisons, ont assailli l'armée patriote; le combat a duré trois heures. On est venu à bout de débusquer de tous leurs postes les soldats de la garnison de Nancy. A huit heures le feu a cessé. Tout a paru tranquille. Mais les lâches & les rébelles avoient crible de coup de feu la garde nationale & les troupes de ligne, en tirant par les fenêtres.

Il paroit qu'une grande partie du régiment de Châteauvieux a péri dans l'action; le reste a été fait prisonnier: & les débris du régiment ont eu ordre de se rendre où nous avons dit hier. Le général, sans déterminer le nombre des morts, parce qu'il n'a pas eu le tems de s'en assurer à fond, convient qu'il a perdu beaucoup de monde, que plusieurs officiers & 30 hommes de la garde nationale de Metz, avec le commandant en second, sont restés sur le carreau. L'armée de M. de Bouillé n'étoit nullement imposante pour le nombre. Elle consistoit 10, en 800 hommes de la garde nationale, 2,2000 hommes de troupes de ligne 1,400 hommes de cavalerte & huit piéces de canon.

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La lettre du directoire du département rend compte de tous les evénemens relatifs aux opérations de M. de Malseigne & aux conséquences qu'elles ont eues. Je passe sous silence les horreurs auxquelles s'est livrée une soldatesque effrénée, même sur les cadavres, pour venir à un trait comparable à celui d'Assas... Un officier du régiment du roi, qui avoit été obligé de marcher devant les rébelles avant que l'action s'engageât s'est jetté à l'embouchure d'un canon pour empêcher les soldats de se livrer à leur fureur. Comme il est resté opiniatrement dans ce poste, les soldats rébelles lui ont tiré quatre coups de feu. Heureusement aucun coup n'est mortel.

La discussion ouverte par M. de Beauharnais, il a dit en substance que sans s'expliquer sur le décret du 16 août, il s'en référoit totalement à la pro clamation de M. Barnave; mais il a penché ouvertement à approuver la conduite des troupes & dụ général. Cette opinion est devenue assez universelle. M. de Liancourt a appuyé le préopinant. M. de de Roederer s'est rangé du même parti. MM. Ale

xandre de Lameth & de Menou ont insisté pour que le décret du premier septembre ent son plein & entier effet; que les commissaires fussent envoyés sur les lieux comme le portoit le décret; que jusques-là on se contentat de dire que le général & les troupes de ligne avoient fait leur devoir. La majorité de l'assemblée demandoit quelque chose de plus. Elle vouloit approuver la conduite du général & des troupes. M. Regnier & plusieurs autres députés de ce département ont demandé des approbations pour leurs corps administratifs. Bizâre pétition dans un moment où la patrie est en souffrance; le plus morne silence devoit être le langage du corps législatif. Sans doute il y a de l'héroïsme, j'en conviendrai, à forcer des rebelles; mais quand on est obligé de teindre son glaive de leur sang, quand la patrie est obligée d'armer ses enfans les uns contre les autres, elle doit porter le deuil, approuver ceux qui lui sont fideles, mais intérieurement. Je ne vois dans tout ce qui s'est passé que l'action de l'officier qui mérite un éloge public. Il s'est dévoué pour l'humanité, puisqu'il a fait tout ce qui étoit en lui pour empêcher l'action de s'engager.

J'ai oublié de dire que le sentiment de M. de Bouillé est de faire passer au conseil de guerre les principaux moteurs de la rébellion des soldats de la garnison de Nancy; qu'il présume qu'il en aura beaucoup du régiment de Châteauvieux de pendus, qu'il faut casser le régiment de Mestre-de-Champ, dédoubler le régiment du roi, si on ne le licencie point, & le mettre à la queue de l'armée.

Après des débats assez longs, un choc d'opinions assez vif, on a fermé la discussion. M. de Mirabeau a résumé les différentes opinions & a présenté un projet de décret qui a été adopté en ces termes :

« L'assemblée nationale décrète que le directoire du département de la Meurthe, & les municipalités de Nancy & de Luneville seront remerciées de leur zèle.

Que les gardes nationales qui ont marché sous les ordres de M. de Bouillé, seront remerciées du

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patriotisme & de la bravoure civique qu'elles ont montrés le rétablissement de l'ordre à Nancy. Que M. de Lissy sera remercié pour son dévouement héroïque.

Que la nation se charge de pouvoir au sort des femmes & des enfans des gardes nationales qui ont péri.

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Que le général & les troupes de ligne seront approuvés, pour avoir glorieusement rempli leur devoir. Que les commissaires dont l'assemblée nationale a décrété l'envoi, se rendront, sans délai, à Nancy pour y prendre les mesures nécessaires à la conservation de la tranquillité & l'information exacte des des faits qui doit amener la punition des coupables, de quelque grade qu'ils puissent être. »

Les commissaires pour Nancy sont M. du Veyrier, & un autre avocat de Paris. On a répandu dans l'assemblée, vers la fin de la séance, que M. Necker a donné sa démission & qu'il s'en va aux eaux. Cette nouvelle paroît très-certaine, & n'a pas produit une grande sensation.

La séance s'est levée à quatre heures & demie. Des lettres écrites du 4 au matin annoncent qu'il est parti dans la nuit du 3 au 4.

Ó SULLIVAN, prêtre,

COSTARD

secrétaire.

DÉPARTEMENT de l'Ille & Vilaine.

District de Saint-Malo. Dans notre No. 34 9 page 368, nous annoncions, d'après nos lettres de Saint-Malo , que le régiment de Forez en garnison à Saint-Servant s'étoit livré à la plus grande joie en voyant l'union que la commission, envoyée par le roi , avoit rétablie parmi les officiers & les soldats; jamais ils n'en eurent un sujet plus juste: qu'il est consolant de voir ainsi la justice d'un côté, & la bonne-foi de l'autre concourir à faire oublier des momens d'erreur dont les amis du bien public ont gémi sincèrement !

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Le conseil supérieur d'administration composé de

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MM. de Behagues maréchal de camp, de Fressinaux lieutenant-colonel du régiment de Turenne & Bertier commissaire ordonnateur des guerres, M. Bretagne & de deux officiers, deux sous-officiers & deux soldats avec dix auditeurs s'assembla à Saint-Servant le 9 août , pour dresser une information extrajudiciaire, tant sur les différentes pétitions faites par les sous-officiers & sold ts, que sur leurs prétentions, relativement aux finances & masses de ce corps.

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Il est constaté par le procès-verbal des séances, que les 25 & 26 juin il leur fut donné en y comprenant une obligation de 2,004 livres qu'ils firent contracter une somme de 59,659 livres la paie des hommes morts en mer qui avoit été versée à la masse générale. Au mois de septembre 1781, ils avoient reçu 3,000 livres sur cet objet, comme l'avoua M. d'Arrainville quartier-maître, que l'on envoya chercher. M. Gosselin sergent, fit observer qu'ils avoient conclu de ce premier paiement.

Que le total ou le restant du produit de cette solde qu'ils ne connoissoient pas alors, leur appartenoit telle fut la cause de leurs vives réclamations. Ils donnèrent à MM. les officiers municipaux, présens à leur partage 500 livres en don patriotique, & 500 liv. pour les pauvres. Le conseil décida que la première somme délivrée librement au mois de septembre 1781, ne devoit pas être rapportée par le soldat, mais être payée par ceux qui l'avoient mal-à-propos ordonnée. !

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Les officiers & soldats eurent la permission de faire différentes questions au conseil d'administration; iļ renvoya plusieurs réclamations au ministre de la

guerre.

Il fut reconnu que le quartier-maître avoit retenu huit sous de bénéfice sur chaque veste, & culotte de basin qu'il avoit fournie en 1784 : le conseil ordonna qu'il en feroit le remboursement. M. d'Arrainville fit quelques observations, mais M. le président déclara en général qu'il ne suffit pas à tout quartier-maître d'être aussi en règle sur sa comptabilité que celui du régiment de Forez, & qu'il faut de plus être en garde contre cette espèce de luxe & de ton impératif dans l'ordre des distributions qui commencent par don

ner lieu à des soupçons, à des jalousies, & qui finissent quelquefois par être le foyer d'un mécontentement général.

Dans la dernière séance, M. Bertier lut le registre qui contient les recettes & dépenses de la masse noire & ils virent que ce produit n'étoit pas pris sur ce qui leur appartient, mais qu'il provenoit de causes particulières, comme les paiemens de congé au-delà du prix fixé par l'ordonnance, &c. &c. & que la dé pense en étoit entièrement employée au soulagement du soldat dans les cas imprévus.

Comme il ne restoit plus de réclamations à faire, M. le président annonça qu'il alloit clorre l'information. M. Gosselin membre du conseil, demanda la parole pour M. la Martinière, sergent auditeur, qui fit lecture d'une adresse des sous-officiers & soldats du régiment de Forez, au conseil supérieur d'administration. Cette adresse fut suivie du discours de clôture prononcé par M. le président.

Signés,

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GOSSELIN.

CULDAGUÉS.

BERTIER.

BEHAGUE S.

BOUCHER.

MAUVOISIN.

FRESSINAUX.

L'ordre se retabliroit bientôt si les ministres mettoient toujours la même célérité à faire exécuter les décrets de l'assemblée nationale. Celui du 6 août est exécuté le 9 à Saint-Servant. Voilà le zèle intéressant, qui devroit toujours paroître dans l'accord des deux pouvoirs. La première opération des commissaires informateurs leur a prouvé que si les soldats pouvoient être égarés quelquefois ils avoient aussi souvent de justes réclamations à faire, & qu'ils se rendoient à la voix de l'équité. D'un autre côté, rien ne pourroit désormais excuser dans les soldats le plus léger acte de violence, aujourd'hui que l'on accueille avec bonté leurs plaintes & leurs demandes qu'on écoute leurs observations & qu'ils entendent péser les motifs qui dictent les jugemens.

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Que l'on nous permette encore ici une observation. L'adresse du régiment de Forez dont nous venons

A

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