Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

SUPPLÉMENT au No IO.

DEPARTEMENT du Morbihan.

De Lorient. La municipalité de Lorient, par sa proclamation du 12 de ce mois, a ordonné à tous les citoyens, tant à ceux qui sont armés qu'à ceux qui ne le sont pas, de se rendre particulièrement le 14 à leurs compagnies respectives pour y prendre le rang qui leur sera désigné. En leur prescrivant cette obligation, elle a cru prévoir le vœu de leurs cœurs.

Toutes les villes suivront sans doute une autre fois cet exemple. Un citoyen qui n'est pas encore armé n'en est pas moins revêtu du titre honorable de garde national: c'est donc uniquement le défaut de réflexion sur ses devoirs qui l'empêche de paroître dans une cérémonie où, sans faire aucun exercice des armes, il ne s'agit que de prendre l'Etre suprême à témoin du serment solemnel de conserver jusqu'au dernier soupir les sentimens patriotiques dont il est déjà pénétré.

[ocr errors]

L'on nous annonce aussi de Lorient que les quatre autels que l'on devoit élever en cette ville à la religion à la bienfaisance, à la liberté & la patrie seroient les lieux où se feroit publiquement un acte rélatif aux vertus dont ils portoient le nom.

[ocr errors]
[ocr errors]

Sur l'autel de la religion les citoyens ont déposé leurs aumônes, pour être ensuite distribuées aux pauvres de cette ville.

Sur celui de la bienfaisance, les dames ont placé le produit d'une cotisation faite entr'elles pour être donnée à une fille domestique qui aura montré les bonnes qualités de son état.

A l'autel de la liberté, on a décidé de rendre ce bienfait à un prisonnier détenu pour dettes.

Enfin, sur l'autel de la patrie on a mis une cou - ronne , que MM. les officiers municipaux ont déclaré devoir être la recompense de tout citoyen qui pourra s'en rendre digne par quelque trait de patriotisme,

B. tom. VI. J. tom. I. Abonnement de juillet. 10,

[ocr errors]

De Questembert, le 23 juillet 1790. Dans toutes les villes la fête du 14 juillet a été marquée par des danses & des divertissemens; mais à Questemberg outre les cérémonies ordinaires, on alluma un feu de joie à midi & le patriotisme exaltant toutes les ames, l'on en vit éclater les traits les plus touchants. Rien n'inspire mieux l'humanité que l'égalité établie par la constitution. Des tables furent placées sous les halles, & tous les pauvres furent invités à s'y asseoir. Ils oublièrent un instant leurs peines; ils sentirent qu'il se formoit un nouvel ordre de choses dans lequel ils prévoyoient que l'on feroit attention à leur sort. Â3heures on distribua de l'argent à ceux que la honte avoit empêché de paroître. Ces infortunés bénirent une fête qui n'étoit point bornée à de vaines pratiques : ils exprimèrent formellement leur vou pour que cette fête auguste qui faisoit éclore des actions aussi conformes à la charité prescrite par le christianisme, fut mise au rang de celles que l'église célèbre avec éclat. Ce voeu se repandra sans doute parmi tous les pasteurs; il obtiendra un jour son accomplissement, & nous nous féliciterons d'en avoir été l'organe. Ces pauvres nos frères n'ont pas sçu faire d'adresses; mais ce simple fait parle bien éloquemment aux ames remplies de l'amour du bien public.

[ocr errors]
[ocr errors]

DEPARTEMENT de l'Ille & Vilaine.

[ocr errors]

De Rennes. Le décret rendu le 23 de ce mois à la presqu'unanimité sur la motion de MM. Pethion & Chabroud, & que nous avons fait connoître ce matin (No. 10, page 96,) enlève en cette ville l'état à une classe de citoyens aussi intétessante que nombreuse; mais leur patriotisme n'en est point altéré : ils offrent un grand exemple aux ennemis du bien public. Personne ne peut se dissimuler que l'assemblée nationale vient de poser un des plus grands principes de l'ordre judiciaire il diminue, il est vrai, l'influence des grandes villes; mais il proscrit à jamais jusqu'à l'idée des anciens corps judiciaires ; il rapelle les juges à une parfaite égalité, il les rapproche des justiciables, il leur mprime u mouvement uniforme de communication-¡

:

l'exécution n'en est pas dispendieuse, puisque 540 tribunaux de district ne coûteront pas plus de 5 à 6 millions ; enfin il dissemine dans toutes les parties de l'empire les bienfaits de la nouvelle constitution.

Le conseil général de la commune s'est assemblé hier. Ce décret lui offre l'occasion de faire une adresse touchante, pour rappeller à l'auguste assemblée l'intérêt que doit inspirer une ville qui n'a jamais murmuré de ses pertes, qui a sçu les prévoir, & n'en a pas brisé ses chaînes avec moins de courage, quoiqu'elles fussent dorées par le luxe & l'opulence qu'y produisoit la réunion des abus, qui a déjà vu avec satisfaction le partage égal & juste des différentes administrations qu'elle concentroit dans son sein. En pliant sous le poids de la révolution, elle ne démentira jamais son énergie & son zèle pour la soutenir; les auteurs de l'adresse qui peindront son dévouement vont sans doute redoubler la demande de la municipalité pour obtenir l'établissement d'une école d'artillerie. Un autre objet d'une grande importance & qu'ils n'oublieront point, c'est la continuation de l'entreprise des canaux qui reviveroient le commerce & fourniroient des débouchés aux manufactures que l'industrie pourroit élever. Le comité des finances ne refuseroit pas de solliciter un fonds nécessaire pour ne pas perdre au moins le fruit des travaux commencés afin de rendre la vilaine navigable d'ici à Redon.

L'adresse d'un conseil général d'une commune ne se bornera point à l'intérêt d'une classe dont les individus méritent sans doute l'estime, mais dont l'état funeste à la société ne pouvoit pas soutenir le grand jour de la réforme & de la régénération. Les amendemens sur ce décret prononceront sur les affaires dont les cours supérieures sont saisies; nos députés ne manqueront pas d'en faire la motion. Il faut un certain temps avant que les nouveaux tribunaux soient en activité. Les cours actuelles peuvent, avant cette époque, s'occuper fortement de faire rentrer les créances de leurs officiers & pourroient avoir un temps court pour terminer les affaires entamées : mais il est impossible qu'aucun tribunal prolonge ses fonctions jusqu'à l'ontière extinction

[ocr errors]

des instances qui y sont portées. Continuer ainsi
son existence, ce seroit presque l'éterniser ; si la
chicanne tortueuse peut empêcher, quand elle veut, de
terminer une affaire
Ice donc lorsque ses
, que seroit
détours combinés lui seroient utiles pour conserver son
pouvoir ?

Nous nous étions engagés dans le No. 6, page 54, de donner les idées justes que nous avoit communiquées un patriote snr le paiement des électeurs ; nous tenons aujourd'hui notre promesse.

Avant de procéder à l'organisation du corps administratif du département de l'ille & vilaine, le corps électoral vit s'élever dans son sein une étrange difficulté. On sait que l'assemblée nationale a dans sa sagesse interdit aux électeurs réunis toute discussion étrangère à leur mission. Ne pouvant donc s'occuper des affaires publiques, plusieurs d'entr'eux songèrent à leurs intérêts particuliers & demandèrent si les électeurs seroient payés. Quelques orateurs s'empressèrent de les seconder; ils firent entendre leurs voix, & la séance devint orageuse.

[ocr errors]

J'aime à croire que les intentions de ces Messieurs étoient pures. Mais par quelle fatalité se portoientils à favoriser des prétentions erronnées & peu délicates des prétentions qui tendoient à fouler l'état & à flétrir le plus beau des droits, le droit d'élire ses chefs? En effet, quelle énorme dépense pour le gouvernement, s'il étoit forcé de payer les électeurs dans toute l'étendue de l'empire françois! quelle làcheté d'exiger des indemnités d'une patrie qui nous rend tout ce qui nous appartient, tout ce que l'on nous avoit ravi ! On paiepour s'affranchir de l'esclavage; mais vit-on jąmais payer les hommes pour les engager à faire usage de leur liberté ? On repète que la plupart des électeurs suspendent quelque temps leurs travaux ordinaires & vivent alors loin de leurs familles & de leurs demeures ; que les plus douces habitudes sont interrompues; que les intérêts pécuniaires sont un peu dérangés.... Je rougis quand je vois des hommes libres s'arrêter à ces obstacles. N'est-ce pas nous faire entendre qu'ils pesent tout au poids de l'or,

[ocr errors]
[ocr errors]

& que la main qui en donnera le plus, les dominera sans éprouver de résistance? N'est-ce pas nous dire en d'autres termes que la liberté est un fardeau qu'on ne doit porter que pour une somme convenue. Au reste 9 nos députés à l'assemblée nationale & nos électeurs de département ont une tâche si différente à remplir, qu'il est impossible que le traitement des premiers soit même un prétexte de solliciter un salaire quelconque pour les autres. La législature exige des députés une absence de deux ans. Ils vivent tout ce temps - là loin de leurs affaires de leurs épouses, de leurs enfans. Tout est cher à Paris, les vivres, les logemens, les commodités de la vie & les secours dont on a besoin. Les représentans du peuple sont les arbitres des destinées d'un grand empire; aussi s'épuisentils en travaux en recherches, en méditations pour les asseoir sur une base inébranlable.... Voilà, sije ne me trompe, des raisons puissantes de les indemniser, tant que leurs mains travaillent à l'édifice de la législa tion. Les mêmes motifs viennent-ils appuyer la pétition pécuniaire des électeurs des corps administratifs. Ils quittent, comme on l'a déjà dit, leurs maisons leurs tâches ordinaires, & tout ce qui compose leurs familles. Mais cette éloignement ne dure que quelques jours. C'est une vacance momentanée; le cœur l'esprit, les bras se reposent alors pour retourner bientôt avec plus d'ardeur aux affections domestiques aux affaires & aux pénibles travaux : & cette vacance, où la passe-t-on ? Dans le voisinage des siens, à quelques lieues de sa demeure ordinaire, avec ses amis dans les villes où les denrées sont abondantes & où l'on vit commodément sans être contraint de sortir des bornes d'une prudente économie, Encore l'assemblée nationale a-t-elle ́ étendu sa vigilance jus. qu'à marquer le tems où désormais se réuniront messieurs les électeurs. C'est le dimanche qui suit la St. Martin, époque ou les travaux des campagnes ont le moins d'activité, & où dès-lors il est moins préjudiciable de les interrompre. Enfin, personne ne peut disconvenir qu'il est beaucoup plus facile de s'acquitter du devoir d'électeur, que de la tâche d'un

[ocr errors]
« PreviousContinue »