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Invoque envain l'Amour, & cede en rougiant.
A cet hymen forcé les fylvains applaudirent;
Tous les bois d'alentour à leurs cris répondirent;
Et le ciel en courroux maudit le monftre affreux
Que devoit mettre au jour ce couple malheureux:
Bientôt l'événement confirma le préfage.

Des amours de Bacchus naît le libertinage,
Monftre dont les progrès rapides & conftans
S'étendent fans effort, & résistent au tems;
Ses beaux yeux font remplis des charmes de fa

mere;

Son cœur foible eft ouvert aux excès de fon pere; Fourbe, il prend de l'Amour & l'enfance & les

traits;

La Raifon fe déride en voyant fes attraits;
La Jeuneffe le fuit fur la foi de fes charmes,
Badine avec fon arc, fe joue avec les armes,
Serre, brife fes nœuds avec facilité,

Et prife dans fes fers, fe croit en liberté.
Tranquille, elle fourit au dieu qui la careffe;
Dans fes bras amoureux l'imprudente le prefle
Quand tout-à-coup, faifis d'une douce langueur,
Ses bras font accablés fous le poids du vainqueur,
A ce trouble inconnu la Jeuneffe allarmée,
Veut éviter les traits du dieu qui l'a charmée;
Mais, hélas ! fes combats fe changent en plaisirs,
Ses craintes en efpoir, fes remords en defirs;
Confufe, eile retombe au milieu de fes chaînes;
Un charme involontaire accompagne fes peines;
Elle voudroit hair, elle ne peut qu'aimer;
Son cœur cherche le calme, & fe laiffe enflammer.
C'eft alors qu'à fes yeux fe découvre l'abvme ;
Mais un chemin de fleurs la conduit jusqu'au

crime.

Le voile de l'Erreur tombe enfin fur ses yeux,
Et les Vertus en pleurs s'envolent dans les cieux.
Infenfible aux leçons, aux cris de la Sageffe
La Jeuneffe fe livre au vainqueur qui la bleffe:

;

Alors, de faute en faute, & d'erreur en erreur,
En épuifant le crime, elle accroît fon ardeur
Du poids de la raifon fon ame délivrée,
Au torrent des Amours s'abandonne enivrée.
Loix, Sageffe, Pudeur, Mœurs, Principes
Vertus,

A l'afpect du Plaifir qu'êtes-vous devenus ? (1) Nous voudrions bien qu'aucune femme ne pût fe reconnoître dans l'allégorie fuivante, dont l'auteur eft M. d'Arnaud.

Chez une Dame à Paris tranfplanté, Un jeune perroquet lui vint des bords du Gange; Soit jeuneffe, ignorance, ou bien timidité, Il ne fçavoit parler; le cas étoit étrange: Un perroquet chartreux! On fçait que, de tout

tems,

Femmes & perroquets font animaux jafans.
Il fe taifoit la dame en mouroit de trifteffe
L'oiseau fe reflentoit des traits de fon chagrin;
Dans fa cage enfermé, déplorant fon deftin
De fa douleur il s'occupoit fans ceffe;
On le maltraitoit même, hélas ! c'étoit envain;
Pas le moindre difcours, le moindre mot enfin.
Notre écolier, un beau matin,

D'un oui bien prononcé gratule fa maîtreffe ;
Force bonbons lui font donnés foudain ;
On l'appelle Mignon, mon cœur; on le careffe.
Le perroquet vola bientôt de main en main;
Plus d'une femme en devint envieuse ;

(1) Les huit derniers vers de ce fragment, & les huit autres qui les fuivent dans le 2c. cahier du volume que nous parcourons, fe trouvent auffi dans le premier, page 124, où ils font attribués à Piron. Nous efpérons que l'éditeur ne nous fçaura pas mauvais gré de cette petite remarque, qui ne tend qu'à la perfection de l'Encyclopédie poétique. Nous euffious même indiqué le véritable auteur des vers dont il s'agit, fi nous avions eu fous la main les œuvres de Piron & les poéfies de M. le cardinal de Bernis,

Plus d'une none en étoit amoureuse; Chacun fe l'arrachoit, le baifoit tour-à-tour. Qu'il eft beau, difoit-on! Que Madame eft heureufe!

C'étoit la nouvelle du jour.

Paix s'écrioit la maîtreffe en extafe; L'entendez-vous ?.... Tout de fuite.... une phrafe ;

Encore.... Et cependant il n'avoit dit qu'un mot,
Du cœur humain l'impofture eft le lot.
On ne fe coucha point; à la cage fans ceffe
On admiroit l'objet de fa tendreffe ;
On l'en tira bientôt pour le mieux careffer :
Une femme en amour ne fut jamais contente.
L'oifeau, qu'on ne ceffoit de voir & de baifer
Sourd, d'ailleurs, aux leçons d'une bouche char
mante,

Tandifque la Dame veilloit,

Dévotement fur fon fein fommeilloit.

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Le jour vint; il lui dit nettement: Je vous aime: Nouveaux baifers, tranfports, raviffemens de même.

De fucre & de bonbons notre oifeau ne man

quoit ;

Chaque inflant voyoit naître une faveur nou

velle;

D'un bienheureux élu c'étoit le vrai modele.
De jour en jour il devint plus charmant,
Moins timide & plus féduifant.

Qu'aux yeux de fa maîtreffe il étoit adorable!
Elle quitta, pour ce caufeur aimable,
Ses enfans, fon époux. Eft-ce affez? Nullement.
Le fait eût été très-croyable;

Il nous faut quelque trait qui foit moins vraifemblable

Et véritable cependant.

Qui put-elle immoler encor ? Qui? Son amant.

Nous connoiffons plus d'une femme &

d'une jeune perfonne qui ne perdroient rien à ce dernier facrifice (2).

M. de Gaigne, éditeur de cet eftimable recueil avertit que la lifte dont fera précédé fon 10e. volume, offrira une augmentation de foufcripteurs qui approche d'un huitieme de la lifte déjà publiée. « Cette révolution avantageufe, continue-t-il, me fait prendre le parti invariable de ne plus prefcrire aucun terme pour l'abonnement. En conféquence, toutes les perfonnes qui defireront faire l'acquifition de l'Encyclopédie poétique, pourront, en indiquant leurs noms, qualités & demeures, fe préfenter ou envoyer chez moi, à Paris, rue de Grenelle, fauxbourg St. Germain, No. 23, ou chez le Sr. Moutard, imprimeur-libraire de la reine, rue des Mathurins, hôtel de Cluni. On leur -délivrera fans aucuns frais, les 9 premiers volumes qui paroiffent, en fignant un engagement par lequel elles s'obligeront de payer double les livraifons qui fuivront le tome IX, jufqu'à la parfaite exécution des 18 volumes annoncés, c'eft-à-dire que les nouveaux foufcripteurs paieront 4 liv. 16 f. pour les livraisons impaires (à caufe de l'eftampe), & 4 liv. pour les livraisons paires ».

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(2) L'amant, dit l'abbé Girard dans fes Synonymes françois, parle au coeur & ne demande que d'être aimé; le galant s'adreffe au corps & veut être favorifé ». Nous adoptons particulierement ici cette diftination, qu'il n'étoit pas tout-à-fait inutile de rappeller.

« Les mêmes conditions auront lieu pour les libraires, fans oublier la remise qui leur eft due, ni le 13e. exemplaire complet gratis (en prenant à la fois ou fucceffivement 12 foufcriptions); mais ils devront prendre de même un engagement. Ceux de province procureront un correfpondant qui s'obligera de fatisfaire en leur nom, à mefure que la fuite de l'ouvrage paroîtra

Annales poétiques, ou Almanach des mufes, depuis l'origine de la poéfie françoife. Tome X (*). A Paris, chez Delalain. 1779.

Uoique cet ouvrage foit annoncé comme l'hiftoire de la poéfie françoise, on per le confidérer encore comme une efpece d'arbre généalogique qui repréfente toute la famille de nos poëtes. Du tronc de cet arbre immenfe, font fortis quelques rameaux vigoureux & féconds; mais auffi il eft chargé de beaucoup de branches parafites. Un volume peut-être auroit fuffi pour l'histoire de l'art feul; Phiftoire des artifles devoit néceffairement être plus longue car les noms obfcurs viennent s'y gliffer parmi les

(*) C'est par inadvertence qu'on a fait paffer dans le Journal du 15 Octobre dernier, l'extrait du volume XI avant celui-ci ainsi, pour fuivre exactement les progrès de la poéfie Françoife, le lecteur eft prié de fubftituer un

extrait à l'autre.

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