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cu fous le regne de Créfus, roi de Lydie. Les hiftoriers anglois penchent à croire que les Grecs ont traduit les fables du premier, & qu'ils en ont enfuite fait naître l'auteur parmi eux. Les écrivains arabes difent que Locman étant encore efclave, s'endormit pendant la chaleur du jour, & fut réveillé par des anges qui le faluerent en difant: Nous fommes les meffagers de Dieu, ton créateur & le nôtre, qui nous a envoyés pour te dire qu'il changera ta condition en celle de monarque, & que tu feras fon lieutenant fur la terre. Locman, après avoir gardé quelques momens le filence, répondit: Si Dieu me deftine le fort que vous m'annoncez, fa volonté foit faite; mais j'espere qu'en ce cas il ne me refufera point fa grace, pour que je puiffe exécuter fes ordres fidélement. Si néanmoins fa volonté me laiffoit la liberté du choix, j'aimerois mieux refter dans mon état obfcur, & étre préfervé du malheur de l'offenfer; fans cette certitude, les honneurs fuprémes ne font qu'un fardeau. Cette demande parut fi jufte à Dieu, qu'il accorda à Locman une fupériorité de génie qui le rendit capable de composer 10, 000 apologues, maximes morales, ou fentences, dont chacune, felon les mêmes écrivains, vaut plus que le monde entier.

Les termes honorables dans lefquels Mahomet parloit de Locman, n'ont peut-être pas peu contribué à perpétuer la vénération qu'on

lui porte dans tout l'orient. Il affure dans P'Alcoran, que Dieu lui avoit accordé une fageffe extraordinaire. Nous rapporterons ici une des fables de Locman. Elle a pour titre : . Le forgeron & le chien.

Un forgeron avoit un chien qui dormoit pendant que fon maître travailloit; mais dès qu'il ceffoit fa befogne, & qu'il fe mettoit à table avec fes compagnons, le chien ne manquoit jamais de fe réveiller. Le forgeron lui dit: Méchant animal, comment le bruit des marteaux, qui ébranle la terre, ne t'éveille-t-il point, tandis que tu entends le mouvement des mâchoires, qui en fait fi peu ?

C'eft auffi dans les écrivains orientaux que nos auteurs ont cherché de préférence les détails qu'ils préfentent fur Zoroaftre ou Zerdusht. Il vécut fous le regne de Gushftafp, qui eft le même que le Darius, fils d'Hyftafpe, des Grecs. Selon eux, le magifme, ou la religion des mages, fut établi par Keyomaras, & réformé par Zerdusht; il fut confervé dans la forme que lui donna ce prophête, jufqu'à la diffolution de l'empire des Perfes. On s'attend bien que dans l'hiftoire d'un homme de ce caractere, l'imagi nation orientale a dû prodiguer les fables. Lorfque Zerdusht fe préfenta avec le Zenda Vefta devant Gushftafp pour l'exhorter à embraffer fa loi, ce prince lui demanda un miracle: le prophête fit celui-ci: il planta de

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vant la porte du palais un cyprès, qui en peu de jours crut à la hauteur de 10 braffes, & en prit autant de tour. Le roi parut fatisfait, & décidé à embraffer la nouvelle religion. Les ennemis de Zerdusht (& tout. novateur doit en avoir d'ardens) imaginerent, pour le perdre, de féduire le concierge de la maison qu'il habitoit, de se faire ouvrir fon appartement, & d'y cacher une multitude de matieres que la fuperftition atoujours cru fervir aux fortileges & aux maléfices; ils ne manquerent pas auffi-tôt d'aller l'accufer auprès du roi, de l'exhorter à faire vifiter l'appartement du prétendu prophête, où l'on trouva en effet les inftrumens du crime qu'on lui imputoit. Le roi, irrité, le fit mettre en prifon. Quelques jours après, fon cheval favori tomba malade; fes jambes s'étoient retirées dans fon corps; le roi se rendit lui-même dans fon écurie, & fit appeller tous les fages de l'empire pour les confulter fur les moyens de guérir fon cheval; ils n'en trouverent point. Zerdusht lui fit dire qu'il le rétabliroit infailliblement, s'il vouloit avoir confiance en lui. Le roi le fit auffi-tôt venir le prophête, après avoir examiné le cheval, déclara que Dieu feul avoit le pouvoir de le guérir, qu'il falloit ce que prince embraffat fa religion; Gushftafp, par amour pour fon cheval, n'héfita pas; & auffi-tôt une des jambes de cet animal fe rallongea; il fallut il fallut que fa femme & fes en

fans l'imitaffent pour en rétablir encore deux. La quatrieme ne le fut qu'après l'aveu que fit le concierge du mauvais tour qu'il avoit joué à Zerdusht, en se prêtant à la malice de fes ennemis.

Gushftafp, converti à la loi de Zerdusht, demanda une nouvelle grace au prophête; il vouloit voir la place qui lui étoit destinée dans le paradis, connoître l'avenir, être invulnérable dans toutes les guerres qu'il entreprendroit contre les infideles, & vivre jufqu'au jour du jugement. Cette grace en comprenoit quatre; Zerdusht lui dit qu'il n'en pouvoit obtenir qu'une, & choifir les trois perfonnes auxquelles il defiroit que les deux autres fuffent accordées. Le prince fit ce choix, & les prieres du prophête obtinrent l'accompliffement de fes vœux.

Les écrivains mufulmans, remplis de hai ne contre le magifme, n'en ont pas épargné le fondateur, ou le reftaurateur; il y a peu d'injures qu'ils n'aient épuifées contre lui & contre fes fectateurs. Les extraits que l'on a du Zend, font une réponse à tous leurs reproches. La morale la plus pure y regne partout; il recommande la charité & les bonnes œuvres ; felon lui, il n'y en a aucune de perdue. Quoi de plus touchant que cet apologue ?

Zerdusht fortant un jour de la préfence de Dieu, vit le corps entier d'un homme dans la géhenne, à l'exception feulement

de fon pied droit. Que vois-je, s'écria-t-il? Pourquoi ce malheureux eft-il dans cet état? On lui répondit: L'homme que vous voyez, étoit autrefois fouverain de 33 villes qu'il governa pendant plufieurs années, fans faire une feule bonne action, fe livrant au contraire, à tous les crimes. Quoiqu'il fût le fléau de fes fujets, & qu'il fut infenfible à leur oppreffion, il jouit dans fon palais de toutes les voluptés. Un jour cependant, étant à la chaffe, il vit une brebis prife par le pied dans un hallier, & prête d mourir de faim, faute de pouvoir atteindre à l'herbe qui étoit près d'elle; ce fpectacle le toucha; il defcendit de cheval, & dégagea le pied de la brebis. C'est à cause de cet acte de compaffion que le pied de ce méchant prince eft hors de la géhenne, quoique le refle de fon corps y foit plongé pour expier la multitude de fes crimes. Travaillez donc à faire le plus de bien qu'il vous fera poffible: car Dieu eft miféricordieux, & récompenfera jufqu'à la moindre bonne action que vous ferez

Les écrivains chrétiens, touchés, fans doute, de la morale de Zerdusht, le confiderent fous un point de vue entierement oppofé à celui fous lequel le virent les maho-, métans. Il y en a quelques-uns qui préten dent qu'il a prédit clairement la venue du meffie. Selon Shariftani, il annonce dans le Zend, que, vers les derniers tems, il naîtra

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