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Le Nelmour & le Volfimon introduits dans l'action de la piece ont perdu, le premier une fille qui avoit donné, en fecret, fa main à un Volfimon; le fecond, fon frere aîné, l'époux même de cette jeune femme, lequel et mort au fervice, fans dévoiler le myftere de fon mariage. Près de rendre le dernier foupir, la fille de Nelmour l'a révélé à fon pere, lui a confié Roféide, unique fruit de cet hymen ; & dans la crainte qu'il ne défavouât cette belle enfant, elle a remis fecrétement à un vieux domestiqué de Nelmour un billet qui conftate la naiffance de Roféide. Le pere, malgré fa haine pour les Volfimons, ne peut s'empêcher d'aimer tendrement fa petite-fille; mais il ne veut être regardé que comme fon tuteur; & lorsqu'elle eft parvenue à l'adolefcence, il prie une comteffe de perfectionner fon éducation, Roféide voit chez Mme. d'Ermance (c'eft le nom de la comteffe) Verville, intrigant auffi méprifable qu'adroit, & Dolfé, jeune homme qui réunit une ame honnête, un cœur fenfible, à l'ingénuité la plus aimable. Tous deux recherchent fa main: elle voudroit la donner au fecond; mais Nelmour prefere le premier, parce qu'il fçait que Dolfé à Volfimon pour ami.

Verville interroge le vieux domeftique de Nelmour, & tire parti de certains aveux que lui fait cet homme. Volfimon, après plufieurs queftions, obtient du même vieillard le billet dont il étoit le dépofitaire, fe hâte de défabufer Nelmour, & l'engage à ratifier par l'hymen l'union que l'amour avoit déjà formée entre Roféide & Dolfé.

Telle eft la fable de cette comédie, qui, dégagée de certaines longueurs, a obtenu, à la feconde & furtout à la troifieme repréfentation, un fuccès complet & brillant qu'elle n'avoit pas eu d'abord. On y a remarqué une action très

intéreffante, quoiqu'un peu embarraffée, des caracteres bien deffinés, des contraftes piquans, un dialogue ingénieux & facile, enfin un style tantót énergique, tantôt plein de grace ou de fineffe, & toujours élégant. Il n'y a qu'une voix fur ce dernier article; & pour mettre nos lecteurs à portée d'en juger, il nous fuffira de citer le portrait que Verville fait de lui-même dans une scene avec fon valet.

Rien n'eft indifférent, rien n'est à négliger.
De poids & de mesure il faut fçavoir changer,
Extravagant ou fage, & toujours plein d'adreffe,
Des refforts opposés faire agir la foupleffe;
Saifir tous les rapports apparens ou fecrets,
Se gliffer au milieu de tous les intérêts,
Dépendre du moment, & fuir les habitudes,
Epier le crédit dans fes viciffitudes.

(Regardant s'ils font feuls.)

Si ton œil fçavoit voir, butor, tu verrois bien
Que de tous les efprits je fais former le mien,
Vanter le prix de l'or au Crefis qui végete,
A la prude l'honneur, l'intrigue à la coquette,
Oifif en apparence, & pourtant occupé,
Tirer parti d'un bal, briller dans un soupé,
Mettre à profit furtout, en dépit du myftere,
Beaucoup moins ce qu'on dit que ce qu'on cherche à taire;
Que je poffede enfin, au suprême degré,

Cet art de s'arranger un visage à fon gré,

Et l'utile fecret de vivre avec délice,

Aux dépens de l'état, fans lui rendre un fervice.

Nous aurons foin d'entrer dans de plus grands détails fur cette piece, lorfqu'elle fera imprimée; notre deffein, aujourd'hui, a feulement été d'en donner une idée générale.

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ARLEQUIN ROI, DAME ET VALET, comédie ades, jouée, pour la premiere fois, Paris, fur le théatre italien, le 5 Novembre 1779.

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Ne tempête a jetté Lélio, fon valet Arlequin, & Argentine, maîtreffe de ce dernier, fur les bords d'une ifle dont la loi porte que le monarque doit, à fa mort être remplacé par le premier étranger qui y aborde, pourvu que cet étranger épouse la veuve du prince. Le fouverain de l'ifle vient de mourir : Arlequin eft proclamé roi; mais il préfere la main d'Argentine à celle de la reine. Outrée de cette préférence, la princeffe fait marcher fes troupes contre Arlequin, qui eft battu. Il cherche fon falut dans la fuite, & fe déguife fous des habits de femme. Ce traveftiffement n'empêche pas qu'on ne le reconnoiffe: il eft arrêté; on va le conduire au dernier fupplice, lorfque Lélio, que la reine a choisi pour fucceffeur du monarque follicite & obtient la grace de fon valet, qui finit par époufer Argentine.

Il y a dans cette piece quelques fituations affez comiques; mais elle n'a pas réuffi, parce que l'auteur a fait trois actes d'un fujet qui n'en pouvoit fournir qu'un feul capable d'intéreffer ju qu'à un certain point.

LA TOLÉRANCE, fragment politique, par M. Fr***, proteftant; traduit de l'allemand.

E principe politique de la tolérance eft la population. Ainfi c'eft la mesure qu'il faut fuivre, & c'eft d'après fon éten lue qu'on doit régler celle de la tolérance. La vérité de ce prin

cipe n'eft point aflez reconnue, & il n'eft cependant pas d'autre moyen de terminer les dificultés qui s'élevent à chaque inftant fur une ma

tiere aufli délicate.

Un pays n'est-il point affez peuplé ? Qu'on y appelle tous les hommes, & que chacun prie à fa maniere dans fon temple; mais qu'en même tems chacun foit tranquille; que les partifans d'un culte ne troublent point ceux d'un autre culte, & que tous obéiffent aux loix du prince. Retranchez du nombre des citoyens comme perturbateurs du repos public, ceux qui manqueront à quelqu'une de ces conditions.

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Si le pays eft affez peuplé, y bâtira-t-on des églifes pour toutes les nations? Non. Qu'on laiffe fubfifter celles qui y font déjà, mais qu'on n'en éleve point de nouvelles. Le feul cas à excepter, c'est lorfqu'un culte étranger apporteroit dans le pays des richeffes qu'on ne pourroit fe procurer autrement.

C'eft ici l'occafion de comparer un pays à l'eftomac, mais d'une autre maniere que Ménénius Agrippa. A-t-on faim? L'eftomac, reçoit & digere toutes fortes de mets. Eft-on raffafié? Ce n'eft plus la même chofe, on s'expoferoit à des maladies & à des douleurs affreufes. :

En un mot, réglez la tolérance d'après la population, & qu'il y ait une balance égale entre les états des différens citoyens. Les Juifs, par exemple, ne pouvant fe nourrir dans un pays que par le commerce, il eft imprudent de les y lailer multiplie au point qu'ils fe nuifent les uns aux autres & diminuent le commerce des autres citoyens. Une tolérance fans bornes ferait ici une faute contre les loix de la population. Ainfi P'homme d'état qui, dans cette occafion, réduiroit le nombre des Juifs, ne mériteroit pas le nom d'intolérant,

Cet exemple reffemble à tous ceux qu'on pour

roit citer, & l'on ne fçauroit imaginer de circonftance où la tolérance ne doive pas être fubordonnée aux regles de la population.

On a tant écrit fur la tolérance, qu'il femble intile de s'occuper davantage, d'une matiere auffi rebattue; cependant on ne l'a quere préfentée fous le point de vue de ce fragment, qui pourroit fournir des difcutiions très-importantes. On a bien, dit que la tolérance favorifoit la population; mais on n'a pas diftingué quand & comment; on n'a pas marqué les pays auxquels elle pouvoit être la plus utile & ceux auxquels elle pouvoit nuire, fi elle étoit fans bornes. Montefquieu avoit eu fans doute une idée à peu près femblable, lorfqu'il a dit : « Quand on eft maître de recevoir dans un état une nouvelle religion, ou de ne la pas recevoir, il ne faut pas l'y établir; quand elle y eft établie, il faut la tolérer ». od

Suite des Mémoires hiftoriques & critiques, par M. G*** de Troyes, fur plufieurs de fes illufires concitoyens; communiqués aux auteurs de ce Journal.

AVARRE (Jeanne de). A ce que difent de cette princeffe, Moreri & Baugler en fon Hiftoire de Champagne, ajoutez: fille de Henri III, dernier comte de Champagne, qu'elle perdit à l'âge de 3 ans, & de Blanche d'Artois, petite-niece de St. Louis. Elle fut, dès l'âge de 5 ans, promife en mariage, en 1275, à Philippe, fecond fils du roi Philippe le Hardi. Les rois de Caftille & d'Aragon prétendirent envain la marier dans leur maifon, où feroit entré le royaume de Navarre. Blanche d'Artois réfifta, à main armée, à leurs prétentions & fit paffer ce riche héritage dans la maifon de

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