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de remplir avec facilité un emprunt que les circonftances exigeoient. Lorfque Guillaume III parvint au trône d'Angleterre, la dette nationale n'étoit que d'environ un million de liv. fterl.; mais la guerre qu'on eut à soutenir, le haut intérêt qui couroit sur la pla

& le numéraire enfermé dans les coffres d'un petit nombre de particuliers, rendirent très-difficile une levée d'argent: ainsi l'on fut obligé de chercher un expédient pour faire un emprunt de cette efpece, & opérer en même tems une réduction dans le taux de l'intérêt. Le capital qui devoit former le fonds de la banque de Londres, n'étoit pas destiné à être un dépôt pur & fimple, mais devoit être immédiatement à la difpofition de l'état, afin d'en ménager la circulation dans le public. C'étoit un prêt que faifoient plufieurs perfonnes excitées par l'appât d'un gros intérêt. Chaque particulier, & même les étrangers, fans être négocians, pouvoient placer leur argent dans cette banque. Lorfque les intéreffés eurent fourni à l'état les 1, 200, 000 liv., moyennant une redevance ou un intérêt annuel de 100,000 liv., cet argent fut verfé dans la caiffe de l'échiquier pour fubvenir aux frais de la guerre, & la banque fe pourvut ailleurs des fonds dont elle avoit befoin. Elle fit ce que les banquiers avoient fait jufqu'alors fur la place, avec cette différence, que les banquiers avoient en propre à eux des fonds pour

foutenir leur crédit & pouffer leurs opérations, au lieu qu'ici les particuliers, soit négocians, foit rentiers, &c., fournirent de l'argent à la banque, les uns moyennant un interêt, d'autres afin d'en difpofer à volonté. Ce fut enfuite fur cet argent que la banque négocia, & qu'elle fe ménagéa des profits confidérables en le faifant circuler dans le commerce fur la place de Londres. Tous ces objets réunis la mirent à portée de réduire le taux exorbitant de l'intérêt de l'argent qui avoit eu cours depuis quelques années, & de payer à fes propriétaires, tous frais déduits, un dividende vraisemblablement très-fupérieur à l'intérêt qui avoit alors cours fur la place. Tel eft le principe d'après lequel les opérations de la banque de Londres ont été dirigées jufqu'à préfent, à quelque petite différence près, que les circonftances ont fait naître. Les fonds des propriétaires de cette banque fe trouvent toujours entre les mains du gouvernement, ou du moins à fa difpofition; toutes les affaires qu'elle entreprend d'ailleurs, font conduites & foutenues uniquement au moyen de fon crédit. Mais quelle eft la bafe de ce crédit? Voici les vues ou les réflexions de l'anonyme fur cette matiere importante.

Pour que la banque de Londres ne pût caufer aucun préjudice, il faudroit que fes fonds repofaffent fur un capital fourni par l'état ou par plufieurs intéreflés; & ce capi

tal devroit être affez fort pour fubvenir à tous les befoins qui fe préfentent dans le commerce, comme, par exemple, d'efcompter les lettres de change, de faire en certains cas rares des avances fur les revenus de l'état, &c. Afin que de pareilles opérations fuffent conftamment avantageufes à la fociété, il faudroit qu'une partie du fonds de cette banque fe trouvât prefque toujours en caiffe, pour être à la difpofition de ceux qui feroient dans le befoin, & la banque ne devroit jamais venir à leur fecours fans de bonnes fûretés. Le refte du capital pourroit circuler fur la place ou dans le public, non en papier, mais en efpeces courantes, ou fi l'on faifoit circuler du papier, ce dernier, comme à Amfterdam, ne devroit reprélenter que ce qui feroit en dépôt dans la banque.

Tant que les banques commerçantes fe borneront à des opérations auffi fimples, elles ne cauferont point de préjudice, felon notre auteur; mais auffi les profits en feront alors très-médiocres, à caufe des frais qu'exigeront l'adminiftration, les honoraires des directeurs, des employés, &c.; un particulier trouvera un avantage plus réel & plus confidérable à faire valoir par lui-mênie fon argent fur la place: car il gagnera pour fon propre compte les frais dont on vient de parler, & ne tiendra d'argent oifif dans fes coffres, qu'autant que fes befoins en demanderont.

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Les moyens qu'on met en œuvre pour multiplier les efpeces en fabriquant des billets, dit Locke, ne nous délivrent point de l'état de pauvreté, mais nous cachent pour quelque tems notre mifere. En adoptant cette réflexion fenfée, l'anonyme obferve que l'argent eft avili dans la même proportion qu'on augmente le papier deftiné à le repréfenter; que plus on abufe de ce moyen de multiplier les fignes des richeffes, plus il en réfulte d'inconvéniens pour la fociété en géréral. « Une banque, ajoute-t-il, fait courir un rifque aux particuliers, lorfqu'elle fait circuler les fonds dépofés ; ce qui ne devroit jamais être permis, puifqu'elle abufe de leur confiance & met leur fortune en danger. Lorfqu'elle fait circuler plus que fon capital par le moyen de fon crédit ou de fes billets, elle caufe un préjudice mortel à l'état; elle fait renchérir les vivres, &c., & dérange toutes chofes dans la fociété; elle en réduit même une partie à la mendicité. Tous les voyageurs s'accordent à dire qu'il n'y a point de pays en Europe où il y ait plus de mendians qu'à Londres & dans le refte de l'Angleterre. Par la nature de l'inftitution de la banque d'Amfterdam, elle ne peut pas pouf fer fes opérations fur ces deux articles fans, ainfi que le fait la banque de Londres, expofer fon crédit, enforte que fi elle fait ufage de ce dernier, cela ne peut être que pour de tems 2 & fans jamais expofer la for

peu

de mê

tune des particuliers. Il n'en eft pas me de celle de Londres: fa caifle eft un vrai emprunt de l'état ; & le papier qu'elle fait circuler dans tout le royaume, repréfente plufieurs millions de liv. fter!. fans que l'argent que ces billets repréfentent le trouve nulle part en dépôt ».

Pour apprécier le préjudice occafionné par cette monnoie idéale, l'auteur examine la progreffion furvenue dans le prix des chofes. On pense communément qu'il y avoit en Angleterre, du' tems de la reine Elifabeth, 4 millions en efpeces qui circuloient dans le public. L'anonyme fuppofe que ces 4 millions équivaloient à environ 5 millions, parce que l'Angleterre étoit moins peuplée qu'elle ne l'a été depuis. Cette fomme fuffifoit pour fournir à tous les articles, y compris les falaires; elle repréfentoit donc toutes les richeffes de la nation. Environ un fiecle après, d'habiles calculateurs évaluerent les especes monnoyées à 18 millions & demi, lefquels étoient alors insuffisans, fi l'on en juge par le crédit & par le papier qui avoit été admis, probablement depuis la fin du regne d'Elifabeth, ou depuis le regne de Jacques I. Le prix de la plupart des articles ayant augmenté du triple depuis la fin du regne d'Elifabeth, il falloit, toutes chofes égales, au commencement du 18e. fiecle, le triple, an moins, d'argent pour repréfenter les mêmes articles en valeur, tels qu'ils étoient vers la

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