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consolation, que l'époque où l'on a reconnu votre innocence est celle d'un nouvel ordre de choses qui préviendra d'aussi funestes erreurs. »

LOUIS XVI A L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

Discours du roi,

Réponse du président. prété par tous les membres.

Serment

Un hommage étranger avait pu flatter l'orgueil d'une nation trop longtemps dédaignée; mais il manquait à la France un bonheur vraiment national, celui d'une approbation solennelle donnée à ses désirs, à ses volontés, enfin l'union franche et intime du trône avec les représ, ntans du peuple; ce bonheur Louis XVI le fit goûter aux Français dans la séance du 4 février 1790.

Peu après l'ouverture de cette mémorable séance le président fit lecture à l'Assemblée d'un billet que le roi venait de lui adresser, et qui était ainsi conçu :

« Je préviens M. le président de l'Assemblée nationale que je compte m'y rendre ce matin, vers midi. Je souhaite être sans cérémonie.

y

» Signé Louis. »

La lecture de ce billet fut couverte d'applaudissemens. L'Assemblée nationale, sur la demande de son président, envoya au-devant du roi une députation composée de trente membres, parmi lesquels on comprit tous les anciens présidens: MM. de La Fayette et Bailly, qui se trouvaient présens, furent ainsi appelés en tête de la députation. A peine eut-on le temps de faire quelques dispositions dans la salle; un seul tapis jeté devant la place du président annonça qu'elle était destinée au roi.

Le roi paraît; il est accueilli avec amour : la députation et les ministres précèdent et ferment son cortége. L'Assemblée est debout. Le roi indique qu'il va parler; le plus grand silence succède aux applaudissemens; enfin S. M., restée aussi debout, fait lecture du discours qui suit :

Messieurs, la gravité des circonstances où se trouve la France m'attire au milieu de vous. Le relâchement progressif

la sus

de tous les liens de l'ordre et de la subordination, pension ou l'inactivité de la justice, les mécontentemens qui naissent des privations particulières, les oppositions, les haines malheureuses qui sont la suite inévitable des longues dissensions, la situation critique des finances et les incertitudes sur la fortune publique; enfin, l'agitation générale des esprits, tout semble se réunir pour entretenir l'inquiétude des véritables amis de la prospérité et du bonheur du royaume.

» Un grand but se présente à vos regards; mais il faut y atteindre sans accroissement de trouble et sans nouvelles convulsions. C'était, je dois le dire, d'une manière plus douce et plus tranquille que j'espérais vous y conduire lorsque je formai le dessein de vous rassembler, et de réunir pour la félicité publique les lumières et les volontés des représentans de la nation; mais mon bonheur et ma gloire ne sont pas moins étroitement liés au succès de vos travaux.

» Je les ai garantis, par une continuelle vigilance, de l'influence funeste que pouvaient avoir sur eux les circons-tances malheureuses au milieu desquelles vous vous trouviez placés. Les horreurs de la disette que la France avait à redouter l'année dernière ont été éloignées par des soins multipliés et des approvisionnemens immenses. Le désordre que l'état ancien des finances, le discrédit, l'excessive rareté du numéraire et le dépérissement graduel des revenus devaient naturellement amener; ce désordre, au moins dans son éclat et dans ses excès, a été jusqu'à présent écarté. J'ai adouci partout, et principalement dans la capitale, les dangereuses conséquences du défaut de travail; et nonobstant l'affaiblissement de tous les moyens d'autorité, j'ai maintenu le royaume, non pas, il s'en faut bien, dans le calme que j'eusse désiré, mais dans un état de tranquillité suffisante pour recevoir le bienfait d'une liberté sage et bien ordonnée; enfin, malgré notre situation intérieure généralement connue, et malgré les orages politiques qui agitent d'autres nations, j'ai conservé la paix au dehors, et j'ai entretenu avec toutes les puissances de l'Europe les rapports d'égards et d'amitié qui peuvent rendre cette paix plus durable.

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Après vous avoir ainsi préservés des grandes contrariétés

qui pouvaient si aisément traverser vos soins et vos travaux, je crois le moment arrivé où il importe à l'intérêt de l'Etat que je m'associe d'une manière encore plus expresse et plus manifeste à l'exécution et à la réussite de tout ce que vous avez concerté pour l'avantage de la France. Je ne puis saisir une plus grande occasion que celle où vous présentez à mon acceptation des décrets destinés à établir dans le royaume une organisation nouvelle (1), qui doit avoir une influence si importante et si propice sur le bonheur de mes sujets et sur la prospérité de cet empire.

» Vous savez, messieurs, qu'il y a plus de dix ans, et dans un temps où le vœu de la nation ne s'était pas encore expliqué sur les assemblées provinciales, j'avais commencé à substituer ce genre d'administration à celui qu'une ancienne et longue habitude avait consacré. L'expérience m'ayant fait connaître que je ne m'étais point trompé dans l'opinion que j'avais conçue de l'utilité de ces établissemens, j'ai cherché à faire jouir du même bienfait toutes les provinces de mon royaume; et pour assurer aux nouvelles administrations la confiance générale, j'ai voulu que les membres dont elles devaient être composées fussent nommés librement par tous les citoyens. Vous avez amélioré ces vues de plusieurs manières, et la plus essentielle, sans doute, est cette subdivision égale et sagement motivée, qui, en affaiblissant les anciennes séparations de province à province, et en établissant un système général et complet d'équilibre, réunit davantage à un même esprit et à un même intérêt toutes les parties du royaume. Cette grande idée, ce salutaire dessein vous sont entièrement dus : il ne fallait pas moins qu'une réunion de volontés de la part des représentans de la nation; il ne fallait pas moins que leur juste ascendant sur l'opinion générale, pour entreprendre avec confiance un changement d'une si grande importance, et pour vaincre au nom de la raison les résistances de l'habitude et des intérêts particuliers.

» Je favoriserai, je seconderai par tous les moyens qui sont

(1) La division par départemens et l'organisation des munic palités.

en mon pouvoir le succès de cette vaste organisation, d'où dépend le salut de la France; et, je crois nécessaire de le dire, je suis trop occupé de la situation intérieure du royaume, j'ai les yeux trop ouverts sur les dangers de tout genre dont nous sommes environnés, pour ne pas sentir fortement que, dans la disposition présente des esprits, et en considérant l'état où se trouvent les affaires publiques, il faut qu'un nouvel ordre de choses s'établisse avec calme et avec tranquillité, ou que le royaume soit exposé à toutes les calamités de l'anar

chie.

>> Que les vrais citoyens y réfléchissent, ainsi que je l'ai fait, en fixant uniquement leur attention sur le bien de l'État, et ils verront que, même avec des opinions différentes, un intérêt éminent doit les réunir tous aujourd'hui. Le temps réformera ce qui pourra rester de défectueux dans la collection des lois qui auront été l'ouvrage de cette Assemblée; mais toute entreprise qui tendrait à ébranler les principes de la constitution même, tout concert qui aurait pour but de les renverser ou d'en affaiblir l'heureuse influence, ne serviraient qu'à introduire au milieu de nous les maux effrayans de la discorde; et en supposant le succès d'une semblable tentative contre mon peuple et moi, le résultat nous priverait, sans remplacement, des divers biens dont un nouvel ordre de choses nous offre la perspective.

>> Livrons-nous donc de bonne foi aux espérances que nous pouvons concevoir, et ne songeons qu'à les réaliser par un accord unanime. Que partout on sache que le monarque et les représentans de la nation sont unis d'un même intérêt et d'un même vou, afin que cette opinion, cette ferme croyance répandent dans les provinces un esprit de paix et de bonne volonté, et que tous les citoyens recommandables par leur honnêteté, tous ceux qui peuvent servir l'État essentiellement par leur zèle et par leurs lumières, s'empressent de prendre part aux différentes subdivisions de l'administration générale, dont l'enchaînement et l'ensemble doivent concourir efficacement au rétablissement de l'ordre et à la prospérité du royaume.

» Nous ne devons point nous le dissimuler; il y a beau

coup à faire pour arriver à ce but. Une volonté suivie, un effort général et commun, sont absolument nécessaires pour obtenir un succès véritable. Continuez donc vos travaux sans autre passion que celle du bien; fixez toujours votre première attention sur le sort du peuple et sur la liberté publique; mais occupez-vous aussi d'adoucir, de calmer toutes les défiances, et mettez fin, le plus tôt possible, aux différentes inquiétudes qui éloignent de la France un si grand nombre de ses citoyens, et dont l'effet contraste avec les lois de sûreté et de liberté que vous voulez établir la prospérité ne reviendra qu'avec le contentement général. Nous apercevons partout des espérances; soyons impatiens de voir aussi partout le bonheur.

:

» Un jour, j'aime à le croire, tous les Français indistinctement reconnaîtront l'avantage de l'entière suppression des différences d'ordre et d'état, lorsqu'il est question de travailler en commun au bien public, à cette prospérité de la patrie qui intéresse également tous les citoyens ; et chacun doit voir sans peine que, pour être appelé dorénavant à servir l'État de quelque manière, il suffira de s'être rendu remarquable par ses talens et par ses vertus.

» En même temps néanmoins tout ce qui rappelle à une nation l'ancienneté et la continuité des services d'une race honorée est une distinction que rien ne peut détruire, et comme elle s'unit aux devoirs de la reconnaissance, ceux qui dans toutes les classes de la société aspirent à servir efficacement leur patrie, et ceux qui ont eu déjà le bonheur d'y réussir, ont un intérêt à respecter cette transmission de titres. ou de souvenirs, le plus beau de tous les héritages qu'on puisse faire passer à ses enfans.

» Le respect dû aux ministres de la religion ne pourra non plus s'effacer; et lorsque leur considération sera principalement unie aux saintes vérités qui sont la sauvegarde de l'ordre et de la morale, tous les citoyens honnêtes et éclairés auront un égal intérêt à la maintenir et à la défendre..

» Sans doute ceux qui ont abandonné leurs priviléges pécuniaires, ceux qui ne formeront plus comme autrefois un ordre politique dans l'Etat, se trouvent soumis à des sacrifices

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