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» Je reviens à la facilité précieuse que procurera à la circulation la proportion de quatre et demi pour cent

d'intérêt.

» Elle offre pour un billet de mille livres un intérêt de trente deniers ou deux sous six deniers par jour; trois cents livres produisent neuf deniers; cent livres produiraient trois deniers ou un liard, parce que nous vous proposerons d'adopter la division précise de l'année en douze mois égaux de trente jours chacun, qui est suivie assez généralement, et usitée parmi les gens d'affaires.

» Nous ne vous proposerons point de faire des billets audessous de deux cents livres; ce serait, selon nous, une grande faute, parce qu'ils éloigneraient de plus en plus l'argent que nous cherchons à rappeler; il ne faut point que la pénurie de l'argent se fasse sentir dans la classe des citoyens qui vivent du produit journalier de leurs bras.

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Quant aux fractions simples de l'intérêt journalier, elles seront infiniment commodes pour la facilité des décomptes, surtout lorsque les assignats pénétreront dans les campagnes. Il eût été impossible de trouver des fractions aussi nettes dans tout autre calcul sans changer la coupure des billets, ce qui est impossible dans ce moment: c'est faciliter beaucoup la circulation du nouveau numéraire, et remplir par conséquent une de vos intentions, que d'attribuer aux assignats un intérêt journalier qui les suive à chaque pas pour ainsi dire. Mais un autre objet important de notre opération est de nous liquider promptement avec la caisse d'Escompte, de rompre sans délai les liens qui attachent cette caisse au trésor public, et l'échange des billets de caisse contre des assignats ne peut être trop tôt consommé. Dans la combinaison de l'intérêt que nous vous proposons les coupures des billets se concilieront complétement avec celles des billets actuels de la caisse d'Escompte, et par là on évitera dans leur échange les difficultés qu'il serait dangereux de faire naître en négligeant cette circonstance, qui n'est nullement minutieuse.

» On pourrait faire des billets plus forts par la suite, si on le juge à propos, pour faciliter les gros paiemens : la dif

férence des couleurs annoncera la quotité du billet, et l'intérêt par jour sera mentionné en marge.

» L'un des articles du projet de décret de votre comité vous offre le moyen de faire jouir dès à présent le public porteur des billets de la caisse d'Escompte d'une partie des avantages qui résulteront des nouveaux assignats, en attribuant sur le champ un intérêt équivalent à celui des assignats aux porteurs de ces billets, afin de leur faire attendre avec plus de patience la nouvelle fabrication. Aussi, à compter du 15 de ce mois, les actionnaires de cette caisse ne jouiront plus d'aucun intérêt ; il appartiendra aux porteurs de billets, leurs véritables créanciers. Aussitôt après la fabrication des nouveaux assignats la manière de nous acquitter avec ces actionnaires sera bien simple : le trésorier de l'extraordinaire retirera des mains du public les billets de la caisse d'Escompte, et aussitôt il rendra à cette caisse le papier qu'elle nous avait prêté; rien de plus simple que cette opération.

» Les avis se réunissent pour que les assignats portent un signe de la garantie nationale; ce muet interprète de la volonté publique peut être un motif de confiance de plus auprès de quelques capitalistes d'habitude, ou auprès de ceux qui aiment ce qui frappe les yeux avant d'arriver jusqu'à l'entendement.

» Enfin le cómmerce demandait que les assignats fussent à ordre, pour la sûreté des transports d'un lieu à un autre : la signature qui serait apposée volontairement derrière l'assignat ne serait point un endossement; elle ne serait que l'indication de la transmission de l'assignat: mais il nous a semblé qu'elle paraîtrait souvent inutile, surtout dans une même ville. Nous pensons qu'il y a lieu de ne pas interdire cette précaution à ceux qui voudront l'employer quand l'assignat passera d'une ville dans une autre; mais nous croyons aussi qu'il ne faut pas en faire une des conditions indispensables de l'assignat; ce serait une gêne de plus; il n'en faut point dans la circulation. Ceux qui feront des envois d'assignats dans les différentes parties du royaume prendront à cet égard ou les mêmes soins que pour les envois d'argent, ou la précaution de la signature au dos de l'assignat, à volonté. Mais

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un autre motif, plus important encore, nous a déterminés à ne point prescrire cette formalité; ce serait dénaturer le caractère de monnaie que la nation lui aura donné: il s'agit ici d'un numéraire; les assignats ne peuvent trop en réunir toutes les qualités.

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Quant à la quotité de l'émission des assignats, il existe à cet égard plusieurs opinions différentes. Nous ne nous arrêterons point à celle qui propose hardiment un et même deux milliards de papier pour payer toute la dette arriérée, rembourser les offices, les cautionnemens, etc. : cette opération n'est pas proposable; ce serait étouffer dans sa naissance l'effet du nouveau numéraire, et se jeter volontairement dans un abîme de maux. Nous ne vous proposerons pas même six cents millions, comme le désirent quelques personnes dont l'opinion est plus recommandable.

>> Nous avons pensé que deux motifs irrésistibles devaient réunir définitivement toutes les opinions sur la masse des assignats, et vous décider à ne pas la porter au-delà de 400 millions: le premier est qu'il serait imprudent de ne la pas fixer au-dessous de la quotité des impositions; il ne faut pas perdre de vue que c'est par le paiement des impositions que circulera le plus rapidement la masse divisée des nouveaux assignats, et que le raisonnement, la prudence, la justice même concourent à ne point excéder cette limite naturelle.

>> Le second motif nous paraît plus puissant encore. Quelle est la nature des nouveaux assignats? C'est celle d'une délégation sur le prix de la vente prochaine d'un immeuble : voilà ce qui rend ce numéraire digne de la plus grande confiance. Pour que cette confiance soit pleinement assurée, pour que rien n'altère la matière connue et durable dont il est composé, il est impossible d'excéder la somme des 400 millions qui la composent; il faut que chaque assignat corresponde pour ainsi dire aux yeux de tous avec l'arpent de terre qu'il représentera. Ainsi nous vous proposerons, comme une condition impérieuse, de ne point excéder 400 millions. Un règlement particulier indiquera l'époque et la forme de l'extinction des assignats.

>> Le premier ministre des finances, avec lequel nous avons concerté suivant vos intentions le projet de décret rédigé

dans le comité, lui a donné,son assentiment; il a éclairé notre marche, et son zèle s'est réuni au nôtre. Lorsque vous aurez pris sur les assignats la détermination qu'attend de vous la France entière, il concourra de tout son pouvoir à en assurer le succès par cette surveillance des détails intérieurs de laquelle dépend si souvent la réussite des plus grandes entreprises; mais elle dépend surtout, messieurs, dans les circonstances présentes, d'un véritable accord de toutes les volontés. Réunissons-nous pour procurer promptement par ce nouveau numéraire, à toutes les parties de l'empire, le soulagement qu'elles réclament, et pour ainsi dire la nouvelle existence qu'elles attendent.

» Celles de nos provinces qui repoussaient les billets de la caisse d'Escompte attendent sans répugnance le papier national; plusieurs grandes villes le demandent; les négocians qui pouvaient hésiter encore reconnaissent maintenant que, sans un prompt changement dans l'état actuel des choses, il sera impossible de recevoir plus longtemps du papier sur Paris, parce que sa perte s'accroît tous les jours. Nous avons entre les mains des adresses revêtues des signatures les plus recommandables des manufacturiers et commerçans qui réclament un nouveau numéraire. Vous n'avez point oublié cette adresse éloquente et patriotique des négocians de Bordeaux, de cette cité si célèbre dans les fastes du commerce; elle a adopté l'une des premières la circulation des assignats: son exemple sera suivi de toutes ses rivales, ainsi que de toutes les villes qui ne peuvent prétendre à l'être.

>>>Elle a envoyé son adhésion anticipée à celle des opérations de finances qui vous paraîtrait la plus adaptée aux circonstances; ses commerçans réunis l'ont appuyée d'un serment solennel. Bientôt la circulation des assignats deviendra la plus libre des opérations, puisqu'elle sera secondée des efforts et des volontés de tous.

» La capitale, écrasée par un papier dont elle ne peut se servir habituellement pour acquitter le prix des consommations qui forment tous les jours sa dette vis-à-vis des provinces, recevra surtout avec reconnaissance un numéraire plus actif pour elle, et j'ose ajouter plus digne de vous.

»Votre comité des finances vous parlerait peut-être avec moins d'assurance s'il s'agissait de répandre pour la première fois un numéraire fictif; mais les choses ne sont plus entières à cet égard. Il en existe un qui est au-dessous d'un numéraire fictif, puisque, si j'ose m'exprimer ainsi, il n'est pas un numéraire effectif, et que rien ne deviendrait plus contradictoire en administration qu'un papier concentré dans une seule ville; il ne peut alors avoir aucun des avantages du papier circulant, et il n'en conserve que les inconvéniens. On peut encore moins s'arrêter à l'idée d'un papier municipal, qui varierait suivant la situation des immeubles ou des municipalités qui les auraient acquis; ce serait revenir à peu près à cette ancienne et absurde diversité des monnaies des anciens grands vassaux de la couronne. Votre comité ne vous propose donc que de remplacer un numéraire imparfait par un numéraire doué de tous les caractères qu'aucun papier connu n'a offert jusqu'à nos jours, puisque, malgré son heureuse mobilité, sa base repose sur un immeuble réel, sur une hypothèque spéciale, et quand il sera bien apprécié comme il doit l'être il ne tardera pas à l'emporter sur l'argent même.

» Enfin une dernière considération doit être sans cesse présente à votre esprit au moment de votre délibération; c'est que cette grande et puissante opération va lier tous les citoyens à la chose publique. Tous les possesseurs des assignats, quels qu'ils soient, habitans des campagnes ou des villes, auront entre leurs mains le gage de l'aliénation des immeubles domaniaux et ecclésiastiques; ils désireront rapprocher l'époque de cette aliénation. De toutes les classes de citoyens s'éleveront des voix qui accéléreront les ventes; et vous savez, messieurs, que le désir de tout un peuple laisse à peine entrevoir l'intervalle qui sépare l'acte de sa volonté de l'effet rapide et surtout infaillible de son exécution.» (Suivait le projet.)

Après la lecture de ce rapport, qui reçut les applaudissemens de la majorité de l'Assemblée, M. Anson fit connaître le vœu qu'il avait annoncé de la majorité de la France relativement à la création d'un nouveau numéraire;

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