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prochaine seulement que pour la régénération des différentes branches de l'administration des finances; que vous avez établi un comité particulier pour s'occuper des formes constitutionnelles à donner à l'impôt, à commencer de 1791; qu'un autre est chargé spécialement de la liquidation de la dette arriérée non liquidée, dont le travail et les résultats entreront nécessairement dans l'ensemble du plan général de recette et de dépense à compter de 1791; enfin, que votre comité des finances, qui dans le courant de ce mois vous présentera le tableau de la dette constituée, a dû, dans les circonstances présentes, et d'après vos derniers décrets, chercher préalablement les moyens de pourvoir au service de 1790. Voilà l'objet pressant qui doit aujourd'hui vous occuper exclusivement.

» Je ne vous retracerai point le tableau de nos embarras : c'est en même temps la plus facile et la plus triste partie de notre ouvrage : il suffit de vous rappeler que trois cent millions manquent cette année à vos revenus si vous vous déterminez à renoncer sur le champ à la ressource des anticipations, qui en forment environ cent trente; que, de quelque manière que votre comité ait combiné les ressources de l'année présente, un vide de cent trente millions se trouve toujours ouvert devant vous; que la caisse d'Escompte, laquelle vous en devez cent soixante-dix, ne peut plus supporter le fardeau des secours que vous avez exigés d'elle; qu'il devient urgent de remplacer ce numéraire insuffisant par un autre; que Paris né peut faire de plus longs sacrifices sur un papier dont le cours est à peu près renfermé dans l'enceinte de ses murailles; qu'une portion des intérêts arriérés représente l'aliment nécessaire aux malheureux rentiers, dont la patience et le patriotisme ont tant contribué aux succès de vos travaux. Vous n'oublierez sûrement jamais les avantages que vous retirez tous les jours de ce courage, caché dans l'ombre de la douleur, plus recommandable peut-être que celui qui est embelli par l'éclat de la publi

cité.

» C'est à ces maux, messieurs, qu'il devient indispensable de porter remède, et il est bien impor tant de choisir celui qui

nous tirera enfin de cet état d'inquiétude habituelle si contraire au calme qui convient à des législateurs.

» On vous a présenté, on vous présentera sans doute encore des moyens moins tranchans que l'émission d'une certaine quantité d'assignats en circulation; on vous parlera de donner un intérêt à ceux de la caisse d'Escompte, en les faisant circuler dans les provinces; on vous offrira de faire négocier à un gros intérêt des assignats vis-à-vis d'une partie de vos créanciers; on vous reparlera de l'établissement d'une banque nationale à la place de la caisse d'Escompte; on vous engagera même à user encore quelque temps du secours intermédiaire des anticipations: mais d'abord, messieurs, il faudrait, dans les circonstances présentes, employer presque tous ces moyens à la fois pour obvier aux diverses difficultés qui nous assiégent, et alors de cette complication mème naîtrait plus d'incertitude encore pour le succès : en second lieu tous ces moyens nous ont paru aussi ruineux qu'impraticables; toutes ces idées sont tellement contraires au vou présque unanime que vous avez annoncé sur les différentes ressources de l'ancienne administration, que votre comité ne croit pas devoir employer à discuter ces différens objets un temps devenu si précieux pour apporter à nos maux le remède qué vous avez lieu d'attendre plutôt d'une opération hardie, mais simple, que d'une multiplicité inextricable de mesures incertaines et de palliatifs discrédités.

:

» Je ne vous parleréz pas longtemps du sort des anticipations délivrées jusqu'à présent sur les revenus ordinaires; vous avez fait connaître sur elles votre improbation d'une manière si marquée, qu'il en résulte un découragement et une résistance absolue de la part de ceux qui s'étaient prêtés jusqu'alors à leur renouvellement le trésor publié vient d'être obligé d'en acquitter pour environ 12 millions dans le mois dernierVà leur échéance. Il est donc devenu indispensable de ne pas laisser plus longtemps votre décision en suspens à cet égard, puisque vos comités des finances et des impositions l'attendent l'un et l'autre pour marcher avec assurance dans la route qu'ils se sont tracéé. Votre comité des finances croit > cependant devoir donner sur cet objet une marqué particu

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lière de déférence à l'opinion toujours imposante d'un administrateur aussi éclairé que le premier ministre des finances, en vous représentant, d'après ses réflexions, qu'en renonçant à cette ressource on s'expose à augmenter en proportion les effets circulans qu'on sera obligé de lui substituer; que cette manière d'emprunter, usitée habituellement chez un peuple voisin de nous, n'est point dispendieuse : si l'on s'en était privé plutôt, on eût été obligé d'accroître dans la même proportion les billets de la caisse d'Escompte; et sous ce dernier rapport on ne peut se dissimuler que les anticipations ont retardé de quelques instans le discrédit de ces billets; tant il est vrai qu'en administration ce n'est pas toujours sur le principe général que doivent porter rigoureusement les opérations; que son application demande une longue expérience, et que de cette application dépend souvent le bonheur d'une nation entière.

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» Mais dans les circonstances présentes vous pensez, messieurs, que les ressources mêmes dont vous devez faire usage pour passer tranquillement l'année présente doivent être combinées de manière qu'elles ne puissent pas contredire d'avance les principes que vous allez poser pour les années et les générations suivantes; et votre comité, soumis à suivre votre marche, ne peut plus se dispenser de vous observer qu'il faut, d'après ce principe, renoncer à une ressource qui consommerait insensiblement les produits de 1791 par une imprévoyance aussi fâcheuse qu'inconstitutionnelle. L'anéantissement des anticipations sur les revenus ordinaires formera donc l'un des articles du projet de décret qui va vous être proposé; mais ce point si important une fois déterminé, nous n'avons plus le choix des moyens pour arriver au terme; nous sommes entraînés irrésistiblement vers la circulation d'un papier national : car assurément, messieurs, votre comité ne vous parlera jamais qu'avec l'improbation la plus marquée de la suspension des paiemens; cette proposition avilissante est indigne de vous, et déjà depuis trop longtemps les paiemens sont arriérés.

>> On va sans doute accumuler autour de vous la multiplicité imposante des objections, celle des inconvéniens insépa rables d'une opération de cette nature; on vous offrira des

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théories brillantes, ou une réunion de prétendues ressources dont la complication seule indique la plus évidente impossibilité; mais, messieurs, vous êtes bien convaincus que la méditation la plus profonde sur les unes et les autres a précédé la résolution qu'a prise enfin votre comité général des finances.

>> Tout ce qui a été dit si souvent, et qui sera répété sans doute avec plus ou moins d'impartialité sur le papier-monnaie, ne peut s'appliquer qu'à ceux des numéraires fictifs qui n'ont de ressemblance que le nom avec celui qui va vous être présenté. Ce qu'on appelle ordinairement un papier-monnaie, ou même billet d'état, repose simplement sur une hypothèque générale : les assignats au contraire seront le signe représentatif d'une créance déléguée avec hypothèque spéciale sur des immeubles. Au reste ne nous flattons pas, messieurs, de réunir toutes les opinions; il faudrait pour y parvenir avoir trouvé l'art de satisfaire tous les intérêts, et cet art est encore inconnu sur la terre.

>> Entrons dans l'examen de notre position actuelle relativement au numéraire. Quelles que soient les causes diverses de la rareté de celui qui est en possession d'être dénommé le numéraire réel, qu'elle soit absolue ou relative, que ce numéraire se soit écoulé loin de nous ou qu'il soit enfoui, que ce soit enfin la malveillance ou la crainte qui le disperse, il nous manque; il faut y suppléer. Le papier de la caisse d'Escompte ne peut plus en tenir lieu; il faut le remplacer sans délai plus d'incertitude à cet égard, plus d'hésitation; elle deviendrait funeste. Il en est de la machine politique comme de celles qui concourent aux travaux de l'industrie : quand le secours des fleuves ou des ruisseaux lui est refusé par la nature, le fluide vient au secours de l'homme ingénieux qui sait soumettre l'air et le feu aux besoins des arts; employons à son exemple la ressource d'une circulation nouvelle au lieu de ces métaux enfouis qui refusent de couler dans le trésor public, et bientôt la grande machine de l'Etat, dont la stagnation nous effraie, va reprendre toute son activité.

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Déjà votre comité des finances, au mois de décembre dernier, vous avait fait sentir les inconvéniens de la disette du

numéraire; il vous avait proposé d'autoriser provisoirement la circulation des billets de la caisse d'Escompte, pour suppléer à la rareté de l'argent pendant les six premiers mois de l'année, et d'essayer si ce papier, auquel on paraissait habitué, pourrait en tenir lieu; il espérait que, son remboursement n'étant pas éloigné, il serait préférable à des billets d'état qui ne pourraient pas peut-être offrir cet avantage. L'échange volontaire de ces billets d'une compagnie de négocians contre des assignats sur des biens du domaine et du clergé avait paru suffisant pour retirer insensiblement les billets de la caisse. Votre comité avait pensé que, sans secousse et même sans efforts, cet échange rappellerait l'argent dans la circulation. Dans des temps plus heureux cet espoir n'eût point été trompé; mais il en est arrivé autrement; les efforts des actionnaires ont vainement retiré près de 30 ou 40 millions de billets de caisse, par les demi-actions qu'ils se sont empressés de prendre; les assignats n'ont point concouru à ces efforts; la caisse d'Escompte n'en a pu négocier que pour treize cent mille livres; nous n'avons pu en placer, parce que ç'aurait été manquer aux engagemens pris avec elle, et nuire à la diminution de la masse de ses billets. Bientôt les craintes sur cette caisse se sont renouvelées; les murmures se sont accrus, et avec eux la défiance. Je n'examinerai pas ici jusqu'à quel point ces plaintes peuvent être exagérées; il suffit qu'elles existent pour devenir dignes d'attention. Le paiement à bureau ouvert au 1er juillet devient incertain; la caisse d'Escompte est dans une position aussi critique que contraire au but de son établissement; il faut céder aux circonstances; c'est une intempérie à laquelle il faut se soumettre. Elle fait baisser trop sensiblement le thermomètre du crédit pour ne pas obéir à cet indicateur fidèle dans l'atmosphère orageux au milieu duquel nous vivons depuis quelque temps; mais puisons dans cette nécessité même de nouvelles

ressources.

»ll en eût été autrement, messieurs, il est permis de le croire, si les frais du culte eussent été définitivement réglés aussitôt après votre décret du 19 décembre, si le remplacement des dîmes eût été prononcé; peut-être alors les assi

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