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temens, et employé directement à secourir les indigens. Mais il est impossible de supprimer les impôts sans les remplacer, et l'on a prouvé que le remplacement proposé par M. l'abbé Maury était plus nuisible au peuple que les impôts

mêmes. >>

M. l'abbé Maury, convaincu en secret sans doute, ne voulut point cependant laisser trop d'avantage à ses adversaires (il désignait ainsi les orateurs qui combattaient ses opinions); il retira sa motion, mais en déclarant qu'on l'avait mal compris, qu'il n'avait pas précisément proposé un impôt sur le luxe... Un murmure qui s'éleva fit connaître que ses adversaires avaient plus de mémoire que lui. Du reste l'Assemblée adopta la motion de M. let marquis de Lancosme, en créant un comité des impositions, dont nous ferons plus tard connaître les principaux travaux.

ÉMISSION DES ASSIGNATS-MONNAIE.

Rapport fait au nom du comité des Finances par M. Anson. (Séance du 9 avril 1790.)

« Messieurs, par votre décret du 26 février dernier vous avez demandé au premier ministre des finances l'état des besoins de l'année présente et des moyens d'y pourvoir.

» Le premier ministre des finances s'est conformé à ce décret; il vous a adressé un mémoire très-détaillé qui vous a été lu le 6 du mois dernier; il présente le tableau de la situation des revenus en 1790, et des ressources que le ministre vous propose pour suppléer à leur déficit. Votre comité des finances, chargé de l'examen de ce mémoire, vous en a rendu compte le 12, et, après vous avoir exposé ses vues, un peu différentes de celles du premier ministre des finances, il vous a soumis un projet de décret.

>>

Quelques articles de ce projet avaient rapport aux assignats sur les biens domaniaux et ecclésiastiques, ainsi qu'à la vente de ces biens. Votre décret postérieur du 17 ayant décidé que cette vente serait faite aux municipalités du royaume, et celle de Paris ayant présenté un plan qui avait paru mériter votre attention, il était naturel de l'examiner avant de

se décider définitivement sur la forme et sur la nature des assignats donnés en paiement à la caisse d'Escompte, qui par ces ventes éprouve nécessairement une altération.

» D'un autre côté les anticipations sur les revenus ordinaires, qui forment encore dans ce moment une partie considérable de vos ressources journalières, et dont la continuation vous paraît contrarier l'ordre que vous voulez établir dans les finances, ne pouvant être subitement abandonnées sans y substituer aussitôt des assignations équivalentes sur des rentrées extraordinaires, vous avez sagement pensé qu'il y avait également lieu de suspendre encore votre décision sur la partie du décret qui en prononçait la cessation.

» Vous nous avez chargés de conférer de tous ces objets tant avec le premier ministre des finances qu'avec les députés du commerce : nous avons rempli vos intentions.

» Voilà les deux objets dont votre comité des finances vient vous rendre compte aujourd'hui.

» Ces assignats doivent tout à la fois suppléer à la rareté du numéraire, et prendre la place des anticipations; c'est donc principalement sur leur valeur, leur activité, leur forme et leur quotité, que je viens vous proposer aujourd'hui, au nom de votre comité, de prendre une délibération définitive.

» Vous voyez, messieurs, que de cette délibération importante dépend le sort de l'année 1790, et par conséquent le succès de tous vos efforts pour assurer les bases de la constitution sur des fondemens inébranlables.

» Votre comité a cru devoir, messieurs, présenter avec cette précision l'état de la question qui doit vous occuper aujourd'hui, afin d'écarter pour le moment toutes les idées générales sur la dette publique et sur un plan vaste et universel de finances que quelques membres éloquens de cette Assemblée vous offrent de temps en temps: elles sont prématurées; elles vous détourneraient de l'objet unique de votre délibération; il ne faut pas perdre de vue que tous les plans de cette nature ne sont applicables qu'à l'année 17915 que vous avez ordonné positivement, par plusieurs de vos décrets, que vos regards ne se porteraient sur l'année

prochaine seulement que pour la régénération des différentes branches de l'administration des finances; que vous avez établi un comité particulier pour s'occuper des formes constitutionnelles à donner à l'impôt, à commencer de 1791; qu'un autre est chargé spécialement de la liquidation de la dette arriérée non liquidée, dont le travail et les résultats entreront nécessairement dans l'ensemble du plan général de recette et de dépense à compter de 1791; enfin, que votre comité des finances, qui dans le courant de ce mois vous présentera le tableau de la dette constituée, a dû, dans les circonstances présentes, et d'après vos derniers décrets, chercher préalablement les moyens de pourvoir au service de 1790. Voilà l'objet pressant qui doit aujourd'hui vous occuper exclusivement.

» Je ne vous retracerai point le tableau de nos embarras : c'est en même temps la plus facile et la plus triste partie de notre ouvrage : il suffit de vous rappeler que trois cent millions manquent cette année à vos revenus si vous vous déterminez à renoncer sur le champ à la ressource des anticipations, qui en forment environ cent trente; que, de quelque manière que votre comité ait combiné les ressources de l'année présente, un vide de cent trente millions se trouve toujours ouvert devant vous; que la caisse d'Escompte, laquelle vous en devez cent soixante-dix, ne peut plus supporter le fardeau des secours que vous avez exigés d'elle; qu'il devient urgent de remplacer ce numéraire insuffisant par un autre; que Paris né peut faire de plus longs sacrifices sur un papier dont le cours est à peu près renfermé dans l'enceinte de ses murailles; qu'une portion des intérêts arriérés représente l'aliment nécessaire aux malheureux rentiers, dont la patience et le patriotisme ont tant contribué aux succès de vos travaux. Vous n'oublierez sûrement jamais les avantages que vous retirez tous les jours de ce courage, caché dans l'ombre de la douleur, plus recommandable peut-être que celui qui est embelli par l'éclat de la publi

cité.

» C'est à ces maux, messieurs, qu'il devient indispensable de porter remède, et il est bien impor tant de choisir celui qui

nous tirera enfin de cet état d'inquiétude habituelle si contraire au calme qui convient à des législateurs.

>> On vous a présenté, on vous présentera sans doute encore des moyens moins tranchans que l'émission d'une certaine quantité d'assignats en circulation; on vous parlera de donner un intérêt à ceux de la caisse d'Escompte, en les faisant circuler dans les provinces; on vous offrira de faire négocier à un gros intérêt des assignats vis-à-vis d'une partie de vos créanciers; on vous reparlera de l'établissement d'une banque nationale à la place de la caisse d'Escompte; on vous enga gera même à user encore quelque temps du secours intermédiaire des anticipations : mais d'abord, messieurs, il faudrait, dans les circonstances présentes, employer presque tous ces moyens à la fois pour obvier aux diverses difficultés qui nous assiégent, et alors de cette complication mème naîtrait plus d'incertitude encore pour le succès: en second lieu tous ces moyens nous ont paru aussi ruineux qu'impraticables; toutes ces idées sont tellement contraires au vou presque unanime que vous avez annoncé sur les différentes ressources de l'ancienne administration, que votre comité ne croit pas devoir employer à discuter ces différens objets un temps devenu si précieux pour apporter à nos maux le remède que vous avez lieu d'attendre plutôt d'une opération hardie, mais simple, que d'une multiplicité inextricable de mesures incertaines et de palliatifs discrédités.

Je ne vous parleréz pas longtemps du sort des anticipations délivrées jusqu'à présent sur les revenus ordinaires; vous avez fait connaître sur elles votre improbation d'une manière si marquée, qu'il en résulte un découragement et une résistance absolue de la part de ceux qui s'étaient prêtés jusqu'alors à leur renouvellement le trésor publié vient d'être obligé d'en acquitter pour environ 12 millions dans le mois dernier à leur échéance. Il est donc devenu indispensable de ne pas laisser plus longtemps votre décision en suspens à cet égard, puisque vos comités des finances et des impositionsl'attendent l'un et l'autre pour marcher avec assurance dans la route qu'ils se sont tracée. Votre comité des finances croit cependant devoir donner sur cet objet une marque particu-

lière de déférence à l'opinion toujours imposante d'un administrateur aussi éclairé que le premier ministre des finances, en vous représentant, d'après ses réflexions, qu'en renonçant à cette ressource on s'expose à augmenter en proportion les effets circulans qu'on sera obligé de lui substituer; que cette manière d'emprunter, usitée habituellement chez un peuple voisin de nous, n'est point dispendieuse : si l'on s'en était privé plutôt, on eût été obligé d'accroître dans la même proportion les billets de la caisse d'Escompte; et sous ce dernier rapport on ne peut se dissimuler que les anticipations ont retardé de quelques instans le discrédit de ces billets; tant il est vrai qu'en administration ce n'est pas tou jours sur le principe général que doivent porter rigoureusement les opérations; que son application demande une longue expérience, et que de cette application dépend souvent le bonheur d'une nation entière.

» Mais dans les circonstances présentes vous pensez, messieurs, que les ressources mêmes dont vous devez faire usage pour passer tranquillement l'année présente doivent être combinées de manière qu'elles ne puissent pas contredire d'avance les principes que vous allez poser pour les années et les générations suivantes; et votre comité, soumis à suivre votre marche, ne peut plus se dispenser de vous observer qu'il faut, d'après ce principe, renoncer à une ressource qui consommerait insensiblement les produits de 1791 par une imprévoyance aussi fâcheuse qu'inconstitutionnelle. L'anéantissement des anticipations sur les revenus ordinaires formera donc l'un des articles du projet de décret qui va vous être proposé; mais ce point si important une fois déterminé, nous n'avons plus le choix des moyens pour arriver au terme; nous sommes entraînés irrésistiblement vers la circulation d'un papier national : car assurément, messieurs, votre comité ne vous parlera jamais qu'avec l'improbation la plus marquée de la suspension des paiemens; cette proposition avilissante est indigne de vous, et déjà depuis trop longtemps les paiemens sont arriérés.

>> On va sans doute accumuler autour de vous la multiplicité imposante des objections, celle des inconvéniens insépa rables d'une opération de cette nature; on vous offrira des

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