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bitans des campagnes. La compétence de ces juges doit être bornée aux choses de convention très-simples et de la plus pelile valeur, et aux choses de fait qui ne peuvent être bien jugées que par l'homme des champs, qui vérifie sur le lieu même l'objet du litige,'et qui trouve dans son expérience des règles de décisions plus sûres que la science des formes et des lois n'en peut fournir aux tribunaux sur ces matières.

- » Le comité propose que les juges de paix puissent juger sans appel jusqu'à la valeur de 50 livres, parce qu'un plaideur n'a rien gagné réellement, même en gagnant sa cause , lorsqu'il a plaidé par appel en justice réglée pour un aussi petit intérêt, s'il calcule ce qu'il lui en a coûté en perte de temps, en dépenses de déplacement et en faux frais de procédure. Je sais bien qne 50 livres peuvent former dans la fortune de plusieurs citoyens un objet important; mais ces citoyeus-là sont ceux qu'il faut défendre de la tentation de jouer à une loterie qui les ruine complètement s'ils perdent, et qui ne leur fait rien gagner s'ils ne perdent pas. Pour dé

. cider sainement si l'appel doit être permis ou non, ne considérez pas ce que l'objet du procès peut valoir relativement à celui qui plaide, inais ce qu'il vaut en lui-même, et s'il pou! rait, sans se trouver absorbé, supporter le déchet inévitable qu'il éprouverait par l'effet corrosif d'un appel.

» Il faut écarter des fonctions des juges de paix l'embarras des formes et l'intervention des praticiens, parce que la principale utilité de cette institution ne sera pas remplie si elle de procure pas une justice très – simple, très-expéditive, exemple de frais, et dont l'équité naturelle dirige la marche plutôt que les règlemens pointilleux de l'art de juger. Il faut que dans chaque canlon tout homme de bien, ami de la justice et de l'ordre, ayant l'expérience des meurs, des habitudes et du caractère des habitans , ait par cela seul toutes les connaissances suffisantes pour devenir à son tour juge de paix.

» Le comité a proposé que les juges de paix connaissent de toutes les causes personnelles jusqu'à la valeur de 100 livres, à la charge de l'appel, et il a déterminé plusieurs cas dans lesquels il lui a paru nécessaire que ces juges fussent compétens à quelque valeur que les demandes pussent se monter:

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ces cas sont ceux qui fournissent les plus fréquentes occasions de procès entre les habitans des campagnes, ceux dont le plus sûr moyen de décision est dans l'inspection de la chose contentieuse, ceux enfin que les tribunaux ne jugent euxmêmes qu'après avoir emprunté les lumières et le jugement préalable des experts. Cette compétence nécessaire dans l'esprit de l'instilution des juges de paix est d'ailleurs sans inconvénient, parce que peu de ces procès excéderont la valeur de 100 livres , parce que les habitans des campagnes sont toujours meilleurs juges en ces matières que les hommes de loi, et parce qu'en cas d'injustice maniseste leurs jugemens seront réformables.

» Enfin, l'appel des sentences des juges de paix se portant et se terminant sommairement au tribunal royal de district, il a paru á votre comité que tout était rempli pour que celle classe de procès minutieux, qui sont le fléau des campagnes, se trouve désormais expédiée avec celte simplicité et celle douceur de régime qui conviennent à un peuple raisonnable, et à un gouvernement populaire et bienfaisant.

» La compétence du tribunal royal de district commence où finit celle des juges de paix; elle complète le système du premier degré de juridiction dans l'ordre ordinaire.

» Le plan du comité n'offre que trois points essentiels à votre examen; le nombre des tribunaux de district, .;

le nombre des juges en chaque tribunal, et le taux de la compétence en premier et dernier ressort, jusqu'à la valeur de 250 livres.

» C'est le nombre des tribunaux de première instance sur. tout qu'il s'agit de fixer avec sagesse. Il n'en faut que pour la stricle nécessité, en ne mettant pas toutesois le besoin de plaider au niveau des premières nécessités de la vie ; car si vous vouliez le satisfaire avec cette aisance et cette commodité qui provoquent le goût et excitent la tentation, vous couvririez le royaume de tribunaux; chaque canton, chaque ville, ou même chaque bourg aurait le sien : mais alors ne serait-il pas évident que l'esprit de votre constitution, au lieu de réprimer la fureur de plaider comme un des fléaux les plus destructeurs de la prospérité des familles, tendrait au

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contraire à la favoriser ? Un seul tribunal doit suffire en chaque district, soit

que

l'on considère la mesure commune de territoire sur laquelle les districts ont dû être distribués, soit qu'on s'attache au taux commun de la population qu'ils doivent renfermer; et si le principe général de la composition des districts avait été négligé dans la division des départemens de manière que plusieurs excédassent de beaucoup la proportion commune, alors il paraîtrait sage de pourvoir au service suffisant de la justice plutôt par une augmentation de juges dans le tribunal de district, que par la multiplication des tribunaux dans le même district.

Quant au nombre des juges en chaque tribunal, il importe d'autant plus de le calculer sévèrement, que le nombre surabondant n'ajoute rien à la bonté du service, et que, va la grande quantité des tribunaux de district, les moindres réductions dans leurs dépenses présentent un objet d'économie très considérable.

» En examinant combien la subdivision des déparlemens en districts a été faite inégalement, puisque le nombre des districts varie depuis trois jusqu'à neuf, quoique les départemens soient à peu près égaux en surface, il parait difficile

à de conserver le nombre égal de cinq juges en chaque tribunal de district. Cette égalité numérique des juges était établie sur la supposition que les districts seraient à égaux en territoire et en population. Vous verrez, messieurs, s'il ne serait pas maintenant plus convenable de déterminer que

les tribunaux de district ne seront composés de cinq juges et d'un procureur du roi que dans les déparlemens où les districts sont au-dessous du nombre fixé, et que dans les déparlemens où il y a six districts et au-delà il n'y aura que trois juges et un procureur du roi en chaque tribunal. Ce nombre paraît réellement suffisant pour la nécessité du service, en obligeant ces tribunanx à donner autant d'audiences par semaine que l'expédition des affaires l'exigera , et en autorisant le secours des assesseurs pris par supplément parmi les hommes de loi , dans les cas de maladie ou d'absence légitime d'un des juges. Cette disposition , qui proportionnerait mieus la force des tribunaux à l'étendue de leurs ressorts,

peu près

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assurerait aussi une meilleure composition de ces tribunaux, en n'y laissant de places que pour les plus excellens sujets; elle produirait d'ailleurs une économie importante sur la dépense annuelle de la justice.

» A l'égard de la compétence en premier et dernier ressort à attribuer aux tribunaux de district, il ne pourrait y avoir de difficulté sérieuse que pour savoir si le taux de cette compé tence ne devrait pas être augmenté au-dessus de deux cent cinquante livres. Les considérations exposées plus haut pour motiver le dernier ressort des juges de paix jusqu'à cinquante livres reçoivent ici une nouvelle application, en remarquant de plus que, les tribunaux de district étant le premier degré de la justice réglée, c'est en ces tribunaux que seront portées les plus minutieuses affaires entre les citoyens les moins en état de supporter les frais de procédure; que ces tribunaux, obligés de suivre l'exactitude des formes, ne seront accessibles que sous la direction des officiers ministériels qui en occupent les avenues, et que les appels seront portés à des cours supérieures plus éloignées, toujours moins expéditives, et autour desquelles les dépenses inévitables d'abord, et trop ordinairement ensuite les occasions de dépenses superflues, se multiplient.

» Vérifiez la situation du plaideur qui a plaidé par appel dans une cour supérieure, ou même dans un présidial, pour une propriété de dix livres de revenu ou de deux cent cinquante livres de capital : s'il a perdu sa cause, voyez s'il n'a pas perdu deux ou trois fois la valeur de l'objet de ses pour suites; et s'il a gagné le procès, voyez encore s'il est vrai qu'il gagne réellement la valeur de la propriété qui lui est adjugée. Vous protégerez donc l'intérêt particulier en refusant l'appel dans tous les cas où, par la modicité de l'objet en litige, son avantage n'est qu'illusoire quand il n'est pas ruineux, et plus vous donnerez de latitude à cette base de la nouvelle organisation judiciaire, plus il vous deviendra facile d'en simplifier le système général.

» Je m'arrête ici, messieurs, parce que les observations qui se présentent ultérieurement, étant relatives à la constitution de la justice par appel, tiennent à une nouvelle branche

sur les

de la discussion ; elles me conduiraient trop loin en cet instant, , et seraient d'ailleurs prématurées. Je ne me suis proposé en ouvrant la discussion que de vous présenter de premiers aperçus , d'abord sur l'ordre qui me parait le plus utile à suivre dans le cours de celte discussion , ensuite vu s qui ont déterminé les premières parties du projet qui vous est soumis, et qui doivent être aussi les premières à prendre en considération.

» Je pense qu'il est avantageux de commencer par décréter explicilement les maximes constitutives du pouvoir judiciaire; j'en ai dit les raisons, et si elles vous paraissent déterminantes chacun des articles composant le premier titre. du projet doit être délibéré, et faire la matière d'un décret.

» Vous pourrez passer immédiatement après à l'organisation des tribunaux, qui formeront le premier degré de juridiction; vous vérifierez chacune des dispositions que le comité vous a présentées, et dont je viens d'exposer les principaux motifs sur l'établissement des juges de paix et des tribunaux de district.

» La constitution du degré supérieur de juridiction pour le jugement des appels, et celle des autres parties nécessaires pour compléter le système judiciaire, viendront se placer successivement dans l'ordre du travail; chacune de ces parties offrira des considérations particulières qu'il serait inutile, disons même nuisible à la bonté et à l'accélération de vos délibérations, de vouloir embrasser toutes à la fois. Je solliciterai , mais avec la plus grande retenue , l'indulgence de l'Assemblée pour lui présenter de nouveaux développemens lorsque le progrès de la discussion aura pu les rendre uliles. »

Depuis longtemps l'opinion publique s'était prononcée contre l'existence des parlernens; nous avons vu, par la discussion qui eut lieu à l'occasion du décret du 3 novembre 1789, que l'opinion non moins prononcée de l'AssemLlée éviterait plus tard de longs débats sur l'entière destruc. tion de ces corporations aristocratiques : dans la discussion qui suivit le discours de M. Thouret les parlemens trous

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