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en écartions la procédure par écrit, du moins à dater de l'époque où l'instruction pourra être publique, et où les jurés seront appelés.

» Si toutes ces raisons ne suffisaient pas pour enrichir dès aujourd'hui cette partie de notre procédure de la belle institution des jurés, il est fort à craindre qu'il ne fallût y renoncer pour toujours, et en la perdant, nous ne pouvons trop le répéter, il faudrait renoncer aussi à nous précautionner jamais contre l'arbitraire du pouvoir judiciaire.

» La décision du fait par un juré est aussi la meilleure réponse que nous puissions faire à ceux qui trouveraient qu'ils reste encore du vague dans quelques-uns des premiers

qu'elle a dû paraître telle à celui qui la présente, il demeurera respon. sable solidairement avec la personne dont il a reçu ladite garantie.

» Art. XXX. L'auteur d'un ouvrage ne sera responsable de son impression que dans le cas où elle aura été faite par sa volonté ou

son consentement.

» Art. XXXI. Ceux qui ont vendu ou distribué un ouvrage, celui qui l'a imprimé, celui qui l'a remis à l'imprimeur, seront déchargés de toute responsabilité sitôt que, conformément aux articles précédens, ils auront fait connaître l'auteur, ou celui de qui ils tiennent l'ouvrage, en exceptant toutefois le cas où ils pourraient être convaincus d'avoir été volontairement et sciemment complices du délit. Il faut excepter aussi les comédiens et musiciens pour le fait seulement des représentations publiques; leur délit et leur responsabilită étant à part du délit et de la responsabilité de l'auteur ou de l'imprimeur.

» Art. XXXII. La forme de responsabilité indiquée dans les articles ci-dessus aura lieu également pour les délits qui peuvent être commis par la publication des gravures, par la contrefaçon des ouvrages ou par la fausse indication soit de l'imprimeur, soit de l'auteur.

» Art. XXXIII. Nulindividu n'ayant le droit de disposer pour un usage particulier des rues, des places, des jardins publics, et l'intérêt commun exigeant que rien ne trouble les proclamations des actes émanés des pouvoirs établis par la loi, et qu'aucune autre proclamation ne puisse se confondre avec elles, il est défendu, sous peine d'une amende de 24 livres, et même d'un emprisonnement en maison de correction dont la durée ne pourra excéder huit jours, de crier publiquement aucun livre, papier, journal, etc., l'exception de ces mêmes actes publics et dans le seul cas où la publication en aurait été ordonnée par

articles. La loi que nous vous proposons n'est pas parfaite; elle n'est pas même aussi bonne qu'il sera facile de la faire dans deux ans : vous en savez la raison; il a fallu la lier à l'ordre actuel des choses en même temps nous cacherions mal à propos la moitié de notre pensée en ne disant point que, même dans son état d'imperfection, cette loi nous paraît encore en ce genre la meilleure qui existe en aucun pays du. monde.» (Voyez le projet en note.)

L'Assemblée applaudit à ce travail, en ordonne l'impression, et l'année s'écoule sans que le projet de loi présenté soit mis en délibération. Cependant le nombre des pamphlets s'augmente; les délits s'aggravent : l'Assemblée nationale n'en persiste pas moins dans sa délicate réserve pour tout ce qui peut compromettre la liberté de la presse. Par un

le pouvoir dont ils émanent, et cette peine pourra être imposée sous forme de police.

TITRE III. De l'instruction et du jugement.

» Art. XXXIV. L'instruction pour les délits commis par la voie de l'impression sera faite par les juges ordinaires, et du moment où elle devra commencer à être publique elle sera continuée en présence de dix notables-adjoints ou jurés, qui feront les fonctions de juges du fait, décideront souverainement en conséquence toutes les questions de fait, de la manière qui sera fixée ci-après; et les juges seront tenus. de prononcer conformément à ces décisions.

» Art. XXXV. Du moment que les notables-adjoints ou jurés auront été appelés à l'instruction, la suite de la procédure ne pourra plus être que verbale; les jurés pourront seulement prendre des notes de tout ce qu'ils entendront.

» Art. XXXVI. Les jurés seront choisis par le procureur syndic du département, ou à son défaut par celui du district, ou, si ni l'un ni l'autre ne sont sur les lieux, par le procureur syndic de la municipalité

» Art. XXXVII. Les jurés seront pris, autant qu'il sera possible, parmi les auteurs, et à leur défaut parmi les personnes dont la profession suppose l'étude des sciences et des lettres.

» Art. XXXVIII. Ils seront désignés au nombre de vingt, et l'accusé ou les accusés en commun choisiront sur ce nombre les dix qui doivent exercer les fonctions de juge du fait dans leur cause.

» Art. XXXIX. Avant de procéder au jugement des personnes accusées comme responsables d'écrits ou autres ouvrages imprimés

décret du 31 juillet elle défère aux tribunaux un écrit reconnu coupable; mais le 2 août suivant elle s'empresse de rendre un second décret pour éviter qu'on donne au premier un effet rétractif, et elle se borne à témoigner son indignation sur la licence à laquelle plusieurs écrivains s'abandonnent.

ou de gravures, ou de représentations de théâtre, il leur sera déclaré auquel des cas mentionnés dans la loi se rapporte l'accusation portée contre elles; alors elles seront admises à soutenir qu'elle doit se rapporter à un cas plus favorable, ou qu'elle n'est dans aucun : l'examen de cette question sera remis aux jurés, qui la décideront séparément, et le jugement rendu d'après cette décision ne pourra être porté contre l'accusé que s'il a été rendu à la pluralité de huit contre deux au moins.

» Art. XL. Dans le cas où la personne injuriée ne serait pas nommée, mais seulement individuellement désigrée, et où les accusés sontiendraient que la désignation individuelle qui leur est imputée n'est pas réelle, cette question sera de même décidée par les jurés, en exigeant la même pluralité.

» Art. XLI. Dans le cas où la personne injuriée demanderait que ceux qui sont responsables de l'ouvrage soient tenus de faire preuve comme il est dit à l'art. 10, les jurés prononceront sur cette demande à la simple pluralité.

› Art. XLII. Dans le cas où celui qui est accusé de contrefaçon alléguerait que l'ouvrage n'est pas le même parce qu'il s'y trouve des changemens, des additions, des commentaires qui en font véritablement un autre ouvrage dont il serait injuste que le droit du premier auteur privât le public, la question relative à l'identité de l'ouvrage sera jugée séparément par les jurés et à la simple pluralité.

» Art. XLIII. La valeur des dommages et intérêts, la durée de la privation du droit de cité, et celle de la détention, le fait des billets de garantie, et généralement tous les faits, seront déterminés séparément par une décision des jurés à la simple pluralité, excepté dans les cas où la loi exige une pluralité plus forte.

» Art. XLIV. Les jurés prononceront que l'accusé est coupable ou non coupable, et il faudra la pluralité de sept voix au moins contre trois pour qu'il soit déclaré coupable.

DESTRUCTION DU PRÉJUGÉ ATTACHÉ AUX FAMILLES

DES CRIMINELS. - ABOLITION DE LA CONFISCATION DES BIENS DES CONDAMNÉS.

Motion de M. Guillotin, - discours de M. l'abbé Pépin,— décret de l'Assemblée, etc.

Avant de se livrer au grand travail de l'entière réorganisation de l'ordre judiciaire l'Assemblée nationale, dans sa sollicitude, s'était empressée d'apporter quelque adoucissement au sort des coupables que la barbarie de l'ancienne législation forçait en quelque sorte de plaindre; elle avait rendu son décret dú 8 octobre 1789. (Voyez notre premier volume, pages 370 et 400.) Mais la philosophie, la raison, armées contre les préjugés, réclamaient encore une prompte réforme dans les lois pénales : ce fut M. Guillotin qui sur ce point éleva le premier la voix au nom des amis de l'humanité. Dès le 1er décembre 1789 il lut à l'Assemblée son projet de réformation du code pénal, écouté avec intérêt, et souvent interrompu par des applaudissemens; le même jour il obtint l'adoption du premier article, ainsi conçu : « Les délits du même genre seront punis par le même genre de peine, quels que soient le rang et l'état des coupables. » Depuis le 1er décembre la discussion sur les autres articles, souvent sollicitée, avait toujours été remise, lorsque, le 21 janvier 1790, M. l'abbé Pépin la rappela en ces termes à l'attention de l'Assemblée :

<< Messieurs, ce n'a jamais été sans succès que les droits de la justice et de l'humanité ont été réclamés parmi vous; un cœur sensible qui s'intéresse pour le juste persécuté peut donc parler avec confiance. Hier un honorable membre a parlé peut-être pour des coupables : le vice de la procédure contre laquelle il a réclamé était qu'elle ait été tenue secrète ; il craignait le sort d'un jugement pour des hommes dont les délits n'étaient pas notoirement constatés : vous avez admis aussitôt sa réclamation; vous avez à l'instant statué que votre président écrirait pour qu'il fût sursis à l'exécution. Que ne dois-je done

pas espérer lorsque je prends la parole, non pour un coupable, non pas même seulement pour un juste, mais pour une foule d'individus honnêtes, irréprochables, qui ont bien mérité de leurs concitoyens, et qui se trouvent sur le point de subir un châtiment plus terrible que la mort même pour des fautes auxquelles ils n'ont eu aucune part, qu'ils abhorrent, qu'ils n'ont pu empêcher, et qu'ils voudraient avoir pu prévenir ! C'est pour de telles personnes, messieurs, que j'invoque votre clémence, que je réveille votre commisération : elle a déjà été sollicitée pour la même cause en deux fois différentes; des circonstances impérieuses, des affaires multipliées et instantes ont suspendu jusqu'à présent votre décret; mais il n'y a plus à différer aujourd'hui. Le tribunal est assemblé; les coupables vont être cités devant le juge intègre; ils méritent la mort: qu'ils la subissent; détournez-en vos regards: il faut des réparations; il faut des exemples: qu'ils en servent. Mais ne souffrez pas que leurs tourmens passagers rejaillissent éternellement sur leurs familles plongées dans la tristesse, et qui n'ont d'espoir que dans votre justice compatissante! Il existe pour nous un préjugé barbare qui dévoue à l'infamie les proches d'un criminel: cédez au cri de la raison; réprouvez ce que la saine philosophie condamne; que les fautes soient, chez une nation sage, uniquement personnelles. Par un reste de la tyrannie féodale, la confiscation des biens du condamné, en certains cas et pour certains délits, étendait la peine à une génération innocente, à des enfans, à des proches déjà trop malheureux d'appartenir à un coupable: réduisez, messieurs, par votre sagesse, la peine du délit au seul criminel; abrogez cette loi trop rigoureuse qui tue dans ses descendans celui qui a déjà subi la peine de ses forfaits. Enfin, messieurs, au milieu de tant de préjugés contre lesquels je m'élève, quelle barbarie de ne pouvoir justifier dans la suite des temps qu'un criminel n'est plus qu'en produisant sa sentence de mort! Souffrez, messieurs, que la famille réclame le cadavre; ordonnez au moins qu'il soit admis à la sépulture commune, et que rien dans l'acte qui atteste son décès ne retrace le souvenir du châtiment qu'il a subi. C'est à ces trois points essentiels que je réduis la motion de M. Guillotin; j'espère qu'il ne me désap

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