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et pour le maintien desquels ils ont établi la loi elle-même, et tous les moyens publics qui la servent.

» L'imprimerie n'a pu naître que dans l'état social, il est vrai; mais si l'état social, en facilitant à l'homme l'invention des instrumens utiles, étend l'usage de sa liberté, ce n'est pas pour que tel ou tel usage puisse jamais être regardé comme un don de la loi la loi n'est pas un maître qui accorderait gratuitement ses bienfaits; d'elle-même la liberté embrasse tout ce qui n'est pas à autrui; la loi n'est là que pour l'empêcher de s'égarer; elle est seulement une institution protectrice, formée par cette même liberté antérieure à tout, et pour laquelle tout existe dans l'ordre social.

» Mais en même temps, si l'on veut que la loi protége en effet la liberté du citoyen, il faut qu'elle sache réprimer les atteintes qui peuvent lui être portées. Elle doit donc marquer, dans les actions naturellement libres de chaque individu, le point au-delà duquel elles deviendraient nuisibles aux droits d'autrui là elle doit placer des signaux, poser des bornes, défendre de les passer, et punir le téméraire qui oserait désobéir. Telles sont les fonctions propres et tutélaires de la loi.

avant une sédition ou une émeute accompagnée de violences se trouve, même sans exciter directement les citoyens à ces crimes, renfermer des allégations fausses ou des faits controuvés propres à les inspirer, ceux qui sont responsables de cet écrit pourront être poursuivis et punis comme séditieux, s'il est prouvé que ces allégations ou ces faits controuvés ont contribué à porter les citoyens à cette sédition ou à ces violences.

» Art. IV. Si un ouvrage imprimé renferme des imputations injurieuses à la personne du roi, déclarée inviolable et sacrée par la loi constitutionnelle de l'Etat, ceux qui sont responsables de cet ouvrage encourront les peines graduelles portées par les lois contre les calomnies faites dans des actes juridiques.

Art. V. Si un ouvrage imprimé paraît aux juges du fait dont il sera parlé ci-après avoir été évidemment écrit dans l'intention de blesser les bonnes mœurs, celui ou ceux qui en sont responsables seront dénoncés et poursuivis par le procureur du roi, et punis soit par la privation du droit de cité pendant un intervalle plus ou moins long qui ne passera pas quatre ans, soit par une amende égale à la valeur de la moitié de leurs revenus, gages ou salaires, soit aussi par

» La liberté de la presse, comme toutes les libertés, doit donc avoir ses bornes légales. Munis de ce principe, nous sommes entrés avec courage dans le travail auquel vous nous avez ordonnez de nous livrer.

>> Nous avons dû commencer d'abord par examiner en quoi les écrits imprimés pouvaient blesser les droits d'autrui. » Nous avons dû spécifier ces cas, leur imprimer la qualité de délit légal, et à chacun d'eux appliquer sa peine.

>> Ensuite nous avons dû rechercher et indiquer les personnes qui doivent être responsables des délits de la presse.

» Enfin, après avoir caractérisé les délits, réglé les peines et atteint les accusés, nous avons déterminé l'instruction et le jugement par lesquels ils doivent être condamnés ou

absous.

» Telle est la marche que nous avons adoptée dans le projet de loi que nous vous offrons en ce moment. Son vrai nom est: Projet de loi contre les délits qui peuvent se commettre par la voie de l'impression et par la publication des écrits, des gravures, etc.

>> Beaucoup de personnes pensent que c'est en balançant les avantages et les inconvéniens de la liberté de la presse qu'on doit tracer la juste ligne de démarcation entre ce qui peut être défendu en ce genre et ce qui ne doit pas l'être.

la détention, dans une maison de correction légalement établie, pendant un terme qui ne pourra excéder deux années.

» Art. VI. Si un ouvrage invite directement les citoyens à commettre un crime, ou si, ayant été publié huit jours avant que le crime soit commis, il est jugé avoir excité à le commettre, ceux qui sont responsables de cet ouvrage pourront être poursuivis et punis comme complices de ce crime.

» Art. VII. Toute imputation imprimée d'une action mise par la loi au nombre des délits, et punie d'une peine quelconque, sera traitée comme dénonciation juridique. Si ce délit est de telle nature que les personnes qui l'imputent eussent été admises à faire cette dénonciation, et ceux qui seront responsables de l'ouvrage qui renferme cette imputation, seront punis si l'accusation n'est pas prouvée, comme auteurs d'une dénonciation fausse et téméraire, et comme calomniateurs si l'accusation est prouvée calomnieuse.

“Art. VIII. Si une imputation renfermée dans un ouvrage im

Ces personnes se trompent; le véritable rôle d'un législateur n'est pas de négocier comme un conciliateur habile : le législateur, toujours placé devant les principes, au lieu d'écouter une politique adresse, doit être sévère et immuable comme la justice; ainsi il ne s'occupera pas à comparer le bien et le mal, pour compenser l'un par l'autre, dans une loi de pure considération. Si on lui demande non de favoriser, mais de limiter l'exercice d'une liberté quelconque, il saura que le mal seul est de son ressort; que, n'y eût-il même aucun avantage public résultant de cette liberté, il suffit qu'elle n'ait rien de nuisible pour qu'il doive la respecter, et qu'en ce en un mot, l'indifférent est sacré pour lui comme

genre,

l'utile.

» Au surplus, en rappelant ici la rigueur des principes, nous devons remarquer que nous avons plutôt obéi à une considération de circonstances qu'à un besoin réel d'invoquer au secours de notre sujet des forces dont il peut facilement se passer; car vous ne regardez sans doute pas, messieurs, l'usage de la presse comme une chose indifférente: qui pourra, au contraire, calculer tous les avantages dont nous lui sommes redevables? et quel législateur, quel que soit l'esprit qui le conduise, oserait à cette vue vouloir suspendre ou gêner l'action d'une cause aussi puissamment utile, à moins de la plus absolue nécessité, celle de faire justice à tout le monde? Voyez les effets de l'imprimerie dans ses rapports avec

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primé, quoique relative à des actions mises par la loi au nombre des délits, est néanmoins de telle nature que les personnes qui la font n'eussent pas été admises à dénoncer ces actions, ceux qui sont responsables de l'ouvrage ne seront point admis à la preuve des faits imputés, ni à la preuve des faits tendans à justifier l'inputation, et ils seront punis par des dommages et intérêts qui ne pourront excéder la moitié d'une année de leur revenu, gages ou salaires, une fois payés; en outre ils pourront être condamnés à une privation du droit de cité, qui ne pourra excéder le terme de deux ans, et même être détenus dans une maison de correction, légalement établie, pendant un intervalle qui ne pourra excéder une année.

" Art. IX. Quoiqu'une imputation imprimée ne porte pas sur une action mise par la loi au nombre des délits, si d'ailleurs elle est

le simple citoyen; elle a su fertiliser son travail, son industrie, multiplier ses richesses, faciliter et embellir ses échanges, ses consommations, ses relations de société, améliorer de plus en plus ses facultés intellectuelles et physiques, l'aider dans tous ses projets, s'allier à toutes ses actions, à toutes ses pensées, servir enfin l'homme même le plus isolé en lui révé– lant dans sa solitude mille et mille moyens de jouissance et de bonheur.

» Dans ses rapports politiques la même cause se change en une source féconde de prospérité nationale; elle devient la sentinelle et la véritable sauve-garde de la liberté publique. C'est bien la faute des gouvernemens s'ils n'ont pas su, s'ils n'ont pas voulu en tirer tout le fruit qu'elle leur promettait! Voulez-vous réformer des abus, elle vous préparera les voies, elle balaiera pour ainsi dire devant vous cette multitude d'obstacles que l'ignorance, l'intérêt personnel et la mauvaise foi s'efforcent d'élever sur votre route. Au flambeau de l'opinion publique tous les ennemis de la nation et de l'égalité, qui doivent l'être aussi des lumières, se bâtent de retirer leurs honteux desseins. Avez vous besoin d'une bonne institution, laissez la presse vous servir de précurseur; laissez les écrits des citoyens éclairés disposer les esprits à sentir le besoin du bien que vous voulez leur faire; et qu'on y fasse

regardée comme déshonorante, ceux qui sont responsables de l'ouvrage qui renferme cette imputation seront traités comme dans l'article précédent, tant pour la non admission à la preuve que pour les peines qui y sont portées.

Art. X. Pourront néanmoins, les personnes qui croiraient leur honneur compromis par les imputations mentionnées dans les deux articles précédens, demander que leurs auteurs soient tenus d'en faire preuve. Lorsque cette demande leur sera accordée ceux qui sont responsables de l'ouvrage seront déchargés de l'accusation si la preuve est jugée acquise; si au contraire la preuve n'est pas acquise ils seront punis selon les articles VIII et IX, dans les cas mentionnés auxdits articles; mais la peine sera agravée, c'est à dire, la privation du droit de cité pourra être portée jusqu'à quatre ans, et la peine de détention jusqu'à deux ans.

Art. XI. Les mêmes lois seront exécutées à l'égard des imputations contre les personnes chargées de fonctions publiques, si elles ont

attention, c'est ainsi qu'on prépare les bonnes lois, c'est ainsi qu'elles produisent tout leur effet, et qu'on épargne aux hommes, qui, hélas! ne jouissent jamais trop tôt, le long apprentissage des siècles.

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L'imprimerie a changé le sort de l'Europe; elle changera la face du monde. Je la considère comme une nouvelle faculté ajoutée aux plus belles facultés de l'homme : par elle la liberté cesse d'être resserrée dans de petites agrégations républicaines; elle se répand sur les royaumes, sur les empires. L'imprimerie est pour l'immensité de l'espace ce qu'était la voix de l'orateur sur la place publique d'Athènes et de Rome par elle la pensée de l'homme de génie se porte à la fois dans tous les lieux; elle frappe pour ainsi dire l'oreille de l'espèce humaine entière. Partout le désir secret de la liberté, qui jamais ne s'éteint entièrement dans le cœur de l'homme, la recueille cette pensée avec amour, et l'embrasse quelquefois avec fureur! Elle se mêle, elle se confond dans tous ses sentimens. Eh! que ne peut pas un tel mobile agissant à la fois sur des millions d'âmes ! Les philosophes et les publicistes se sont trop hâtés de nous décourager en prononçant que la liberté ne pouvait appartenir qu'à de petits peuples: ils n'ont su lire l'avenir que dans le passé ; et lorsqu'une nouvelle cause de perfectibilité jetée sur la terre leur présageait des changemens prodigieux

pour objet leurs personnes individuelles, ou des prévarications personnelles dans l'exercice de ces fonctions; mais si ces imputations ne sont relatives qu'à leurs opérations publiques ou à leurs principes politiques, elles ne pourront être traitées que comme dans l'article suivant.

"Art. XII. Les accusations imprimées qui auront pour objet des abus ou des usurpations de pouvoir, des atteintes à la liberté, des machinations contre l'Etat, en un mot des délits quelconques à l'égard de la nation ou d'une portion de la nation, si elles sont portées contre des personnes chargées de fonctions publiques, ne donneront lieu à aucunes punitions, mais seulement les juges pourront, si les accusations ne sont pas prouvées, les déclarer ou fausses, ou téméraires, ou calomnieuses.

» Art. XIII. Les mêmes lois s'appliqueront à la publication des gravures diffamatoires ou séditieuses. Elles s'appliqueront aussi à la publication par la voie du théâtre, c'est à dire, aux représentations

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