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guerre ou la paix (u); mais montrez-moi comment le corps représentatif, tenant de si près à l'action du pouvoir exécutif, ne franchira pas les limites presque insensibles qui les sépareront. Je le sais; la séparation existe encore; l'action n'est pas la volonté ; mais cette ligne de démarcation est bien plus facile à démontrer qu'à conserver; et n'est-ce pas s'exposer à confondre les pouvoirs, ou plutôt n'est-ce pas déjà les confondre en véritable pratique sociale, que de les rapprocher de si près?

» Si j'examine, etc.»

Je veux la guerre ou la paix (u);
mais montrez-moi comment le
corps représentatif, tenant de si
près à l'action du pouvoir exécutif,
ne franchira pas les limites presque
insensibles qui les sépareront. Je
le sais; la séparation existe encore;
l'action n'est pas la volonté ; mais
cette ligne de démarcation est bien
plus facile à démontrer qu'à con-
server; et n'est-ce pas s'exposer à
confondre les pouvoirs, ou plutôt
n'est-ce pas déjà les confondre en
véritable pratique sociale, que
les rapprocher de si près ? N'est-ce
pas d'ailleurs nous écarter des prin-
cipes que notre constitution a déjà
consacrés ?

de

(u) « Nouvelle preuve du changement de système. Dans le premier discours M. de Mirabeau refuse au corps législatif la simple faculté de dire: Je veux la guerre ou la paix; dans le nouveau discours il lui refuse seulement le droit exclusif de dire: Je veux la guerre ou la paix. Dans le second discours il s'appuie sur les principes déjà consacrés de la constitution; dans le premier il paraissait convenir que la théorie pure était contre lui. »

(Page 292 de ce volume.)

. Enfin, par rapport au roi, par rapport à ses successeurs quel sera l'effet inévitable d'une loi qui concentrerait dans le corps législatif le droit de faire la paix ou la guerre? Pour les rois faibles la privation de l'autorité ne sera qu'une cause de découragement et d'inertie; mais la dignite royale n'est-elle donc plus au nombre des propriétés nationales? Un roi environné de perfides conseils, ne se voyant plus l'égal des autres rois, se croira détrôné; il n'aura rien perdu, car le droit de faire les préparatifs de la guerre est le véritable exercice du droit de la guerre (v) ; mais on lui persuadera le contraire, et les choses n'ont de prix, et jusqu'à un certain point de réalité, que dans l'opinion. »

Enfin, par rapport au roi, par rapport à ses successeurs, quel sera l'effet inévitable d'une loi qui concentrerait exclusivement dans le corps législatif le droit de faire la paix ou la guerre? Pour les rois faibles la privation de l'autorité ne sera qu'une cause de découragement et d'inertie; mais la dignité royale n'est-elle donc plus au nombre des propriétés nationales? Un roi environné de perfides conseils, ne se voyant plus l'égal des autres rois, se croira détrôné; il n'aurait rien perdu qu'on lui persuaderait le contraire (v), et les choses' n'ont de prix, et jusqu'à un certain point de réalité, que dans l'opinion.

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(1) << Ici, comme sur les hostilités, M. de Mirabeau cherchait à persuader que le droit de faire des préparatifs

(qui, comme on le sait, ne peuvent excéder la masse de force qui a été déterminée par la législature) était le véritable exercice du droit de faire la guerre et la paix, afin que l'Assemblée se déterminât sans répugnance à donner, soit à la majesté royale, soit au désir d'attacher le monarque à la constitution, un droit que, par la nature des choses, il ne pouvait, disait-il, manquer d'exercer. Le retranchement de cette phrase, dans le nouveau discours, et l'addition du mot exclusivement quelques lignes plus haut, sont donc encore des moyens employés par M. de Mirabeau pour déguiser son premier système.

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Là le roi n'éprouve d'autre obstacle que le refus des fonds; et l'énorme dette nationale prouve assez que cette barrière est insuffisante, et que l'art d'appauvrir les nations est un moyen de despotisme non moins redoutable que tout autre je vous propose au contraire d'attribuer au corps législatif le droit d'approuver ou d'improuver la guerre, d'empêcher qu'on ne recoure à la voie des armes lorsqu'il n'y a point encore d'hostilité, et même lorsque la guerre a été approuvée (x); de requérir le roi de négocier la paix.

» Enfin, etc..

(x) « Les deux systèmes de M. de Mirabeau sont ici l'un à côté de l'autre; on peut les comparer. Dans le premier le corps législatif témoigne son improbation sur une guerre déjà commencée : dans le second il l'approuve, c'est à dire il la décide, sur la proposition du roi, suivant le sens que M. de Mirabeau donne à ce mot approuver; il empêche de recourir à la voie des armes, etc. Pourquoi tous ces changemens, si M. de Mirabeau avait réellement soutenu, le 20 mai, le système qu'il s'attribue aujourd'hui ? »

(Page 296 de ce volume.)

« Il faut, continue-t-on, restreindre l'usage de la force publique

« Il faut, continue-t-on, restreindre l'usage de la force publique

dans les mains du roi: je le pense comme vous, et nous ne différons que dans les moyens. Mais prenez garde encore qu'en voulant la restreindre vous ne l'empêchiez d'agir, et qu'elle ne devienne nulle dans

ses mains.

» Mais, dans la rigueur des principes, la guerre peut-elle (y) jamais commencer sans que la nation ait décidé si la guerre doit être faite ?

:

»Je réponds: l'intérêt de la nation est que toute hostilité soit repoussée par celui qui a la direction de la force publique voilà la guerre commencée. (y) L'intérêt de la nation est que les préparatifs de guerre des nations voisines soient balancés par les nôtres voilà la guerre. (y) Nulle, délibération ne peut précéder ces événemens, ces préparatifs : c'est lorsque l'hostilité ou la nécessité de la défense, de la voie des armes, ce qui comprend tous les cas, sera notifiée au corps législatif, qu'il prendra les mesures que j'indique; il improuvera, il requerra de négocier la paix; il accordera ou refusera les fonds de la guerre; il poursuivra les ministres; il disposera de la force intérieure, il confirmera la paix, ou refusera de la sanctionner.n

dans les mains du roi : je le pense comme vous, et nous ne différons que dans les moyens. Prenez garde qu'en voulant la restreindre vous ne l'empêchiez d'agir.

» Mais, dans la rigueur du principe, l'état de guerre peut-il jamais commencer sans que la nation ait décidé si la guerre peut être faite?...

Je réponds: l'intérêt de la nation est que toute hostilité soit repoussée par celui qui a la direction de la force publique : voilà ce que j'entends par un état de guerre. L'intérêt de la nation est que les préparatifs de guerre des nations voisines soient balancés par les nôtres : voilà, sous un autre rapport, un état de guerre. Nulle délibération ne peut précéder ces événemens, ces préparatifs. C'est lorsque l'hostilité, ou la nécessité de la défense, de la voie des armes, ce qui comprend tous les cas, sera notifiée au corps législatif, qu'il prendra les mesures que j'indique il approuvera ou improuvera; il requerra de négocier la paix; il confirmera le traité de paix, ou refusera de le ratifier.

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(r) << Ici l'on voit clairement comment M. de Mirabeau, confondant la guerre avec les hostilités, même avec les préparatifs, avait su, par un abus de mots, la mettre entièrement dans la volonté du pouvoir exécutif. »

Tels sont les principaux passages du discours de Mirabeau comparés et commentés par M. Alexandre de Lameth. Quant à sa réplique à Barnave, les variantes qu'elle a subies portent principalement sur des attaques personnelles qui nous dispensent de les faire connaître malgré toute l'autorité de Mirabeau, on ne croirait jamais que le beau talent de Barnave ne fût qu'un talent de parleur; il est done inutile de rappeler plusieurs assertions de ce genre.

FIN DU LIVRE SECOND.

LIVRE III.

DU POUVOIR JUDICIAIRE.

LÉGISLATION CIVILE ET CRIMINELLE.

DES DÉLITS QUI PEUVENT SE COMMETTRE PAR LA VOIE DE L'IMPRESSION.

Discours de M. l'abbé Syeyes. - Projet de loi.

La liberté de la presse était garantie par la déclaration des droits; elle ne pouvait donc être contestée, ni devenir, quant au fond, l'objet d'une discussion constitutionnelle; aussi ne reconnaissait-on généralement que le besoin d'une loi qui en réprimât les abus. Toutefois l'Assemblée nationale, qui ne mit pas en doute un seul instant le respect dû au droit naturel qu'a tout homme de publier ses pensées, n'accueillait qu'avec une sage défiance les plaintes qui lui dénonçaient les excès de cette liberté, les motions qui tendaient à en restreindre la jouissance : une mesure prise contre les écrits coupables pouvait, dirigée par des mains perfides, être étendue aux écrits patriotiques. Ce religieux attachement aux principes se manifesta surtout dans la séance du 12 janvier 1790. De nombreux libelles attentatoires à la dignité des représentans de la nation venaient d'être signalés à l'Assemblée : quelques débats s'élèvent, quelques propositions sont faites; entre autres projets de décrets déposés sur le bureau, et dont un secrétaire fait lecture, l'un est rédigé en ces termes:

« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera nommé un comité de quatre personnes, chargé d'examiner tous les journaux, et de faire à l'Assemblée un rapport de ces écrits, qui seront renvoyés au procureur du roi du Châtelet.

» Il sera défendu à tout membre de l'Assemblée de faire un journal.

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La lecture de ce projet était à peine terminée, que de toute part on demanda l'auteur! l'auteur! - qu'on lui fasse lire la déclaration des droits, s'écria M. de Laborde; et l'auteur se montra; c'est M. Dufraisse-Duchey. Il voulut retirer sa motion; l'Assemblée s'y opposa, et condamna solennellement toute idée de censure et d'inquisition. littéraire en décrétant qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur le décret proposé.

Cependant l'Assemblée, dans la même séance, sur la proposition de M. Emmery, chargea par un décret son comité de constitution de lui présenter incessamment un projet de réglement relatif à liberté de la presse; et huit jours après (20 janvier 1790) M. l'abbé Syeyes présenta ce projet (1) à l'Assemblée, en exposant ainsi les considérations qui avaient dirigé le comité:

«

Le public s'exprime mal lorsqu'il demande une loi pour accorder ou autoriser la liberté de la presse. Ce n'est pas en vertu d'une loi que les citoyens pensent, parlent, écrivent et publient leurs pensées; c'est en vertu de leurs droits naturels, droits que les hommes ont apportés dans l'association,

(1) Voici ce projet, qu'on nous saura peut-être quelque gré de rapporter dans son entier :

Projet de loi contre les délits qui peuvent se commettre par la voie de l'impression et par la publication des écrits et des gravures, etc. — Présenté à l'Assemblée nationale le 20 janvier 1790, par M. l'abbé Syeyes, au nom du comité de constitution.

« Art. ler. La présente loi n'aura d'effet que pendant deux ans, à compter du jour de sa promulgation.

TITRE Ier. Des délits et des peines.

" Art. II. Si un ouvrage imprimé excite les citoyens à s'opposer par la force à l'exécution des lois, à exercer des violences, à prendre pour le redressement de leurs griefs, fondés ou non fondés, d'autres moyens que ceux qui sont conformes à la loi, les personnes responsables de cet ouvrage seront punies comme coupables de sédition.

" Art. III. Si un écrit imprimé, publié dans l'espace de huit jours

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