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rir le pouvoir exécutif de négocier la paix; et dans le cas où le roi fera la guerre en personne le corps législatif aura le droit de réunir le nombre de gardes nationales, et dans tel endroit, qu'il le trouvera convenable. »

» Art. 9. A l'instant la guerre cessera le corps législatif fixera le délai dans lequel les troupes levées au-dessus du pied de paix devront être congédiées, et l'armée réduite à son état permanent. La solde des troupes ne sera continuée que jusqu'à la même époque, après laquelle, si les troupes excédant le pied de paix restent rassemblées, le ministre sera responsable et poursuivi comme criminel de lèze-nation.

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Dans son projet M. de Mirabeau avait ajouté à cet article un paragraphe que l'Assemblée supprima; le voici : « ..... criminel de lèzenation. A cet effet le comité de constitution sera tenu de donner incessamment son travail sur le mode de la responsabilité des ministres. »

» Art. 10. 11 appartient au roi d'arrêter et de signer avec toutes les puissances étrangères tous les traités de paix, d'alliance et de commerce, et autres conventions qu'il jugera nécessaires au bien de l'Etat ; mais lesdits traités et conventions n'auront d'effet qu'autant qu'ils auront été ratifiés par le corps législatif. »>

Article adopté selon le projet de M. de Mirabeau.

Nota. Le nom de Mirabeau est justement attaché sans doute au souvenir des principales délibérations de l'Assemblée nationale; mais, sans affaiblir en rien les sentimens d'admiration que nous portons à cet illustre orateur, nous regardons comme indispensable de rappeler ici un fait qui achevera de démontrer que c'est aux lumières réunies, au patriotisme de la majorité de l'Assemblée que nous devons enfin une doctrine sur l'exercice du droit de paix et de guerre, doctrine si négligée par tous les publicistes. Nos motifs sont, en rapportant ce fait, qu'il complétera l'importante discussion dont nous venons d'offrir le fidèle tableau, et que la gloire de l'Assemblée nationale, de même que nos hommages pour ses immortels travaux, être communs entre tous ses membres.

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doivent

La France entière avait ainsi dire pris part pour à cette délibération : son vœu n'était point équivoque; il était celui de la majorité de l'Assemblée. Mirabeau, en soutenant une opinion contraire à l'opinion générale, ne pouvait échapper aux reproches publics, que des écrivains sans mission se croient trop souvent chargés de manifester. Mirabeau était donc poursuivi par une foule de pamphlets (1) qu'il aurait dû mépriser. Obligé de battre en retraite devant le succès mérité de Barnave, contraint de céder au vœu formel de la majorité, il voulut le faire en conservant l'apparence de la victoire. Quand le décret fut rendu, d'après son projet amendé, il fit imprimer et répandre dans toute la France et son discours et sa réplique, avec une lettre d'envoi aux administrateurs des départemens : dans son épître il se permit les plus injustes accusations envers des députés exempts de tout reproche, affectant de les confondre avec les faiscurs de pamphlets; il eut en outre le tort bien grave de travestir sa première opinion du 20, et de glisser dans sa réplique du 22 des injures contre Barnave. Ces discours ainsi altérés caractérisaient une doctrine qui n'avait pas été la sienne, mais celle de ses adversaires, et les objections de ceux-ci semblaient n'avoir plus de base.

Cependant le Moniteur, sur le manuscrit même de Mirabeau, avait déjà publié et son discours et sa réplique tels qu'ils avaient été prononcés à la tribune. M. Alexandre de Lameth entreprit de détruire toute dangereuse insinuation, et de rendre hommage à la vérité. Il fit à son tour imprimer en regard, et accompagnés de notes, le discours que Mirabeau avait prononcé à la tribune, et celui qu'il adressait comme authentique à tous les départemens. M. de Lameth fit en outre précéder cet Examen (2) d'une réponse pleine

() Mirabeau dut à un de ces pamphlets un de ses plus beaux mouvemens d'éloquence. Le 22 mai, au moment il allait monter à la tribune pour prononcer sa réplique à Barnave, un de ses collègues lui dit:Votre opinion est juste; elle est favorable à la nation, et cependant on vous accuse, on vous menace: tenez, lisez.... Trahison du comie de Mirabeau... Soyez ferme; hier au Capitole, aujourd'hui à la roche Tarpéienne........ Mirabeau, après avoir jeté un coup d'œil sur le ramphlet, J'en sais assez, répond il; on m'emportera de l'Assemblée triomphant ou en lambeaux. Mirabeau n'obtint cette fois qu'un demi-triomphe; on ne le mit point en lambeaux; mais il anima son discours par ce beau mouvement: « Je n'avais pas besoin de cette lecon pour savoir qu'il est peu de distance du Capitole à la roche Tarpéienne, etc.» (Voyez page 316.)

(2) Examen u'un étintitulé. Discours et réplique du comte de Mirabeau, etc. Paris, 1790. Imprimerie nationale.

par

de modération et de dignité aux fausses assertions aváncées Mirabeau dans sa lettre d'envoi. Nous ne rapporterons ni cette lettre ni sa réfutation : ces pièces, la seconde surtout, présentaient dans le temps un puissant intérêt; il est affaibli aujourd'hui par la certitude acquise de plusieurs faits qu'elles ne laissent qu'entrevoir, qu'il nous faudrait éclaircir, et qui pourtant, quoique connus assez généralement, ne peuvent encore trouver place que dans des mémoires. Mais quant aux principaux passages altérés du discours de Mirabeau, nous les ferons connaître, en les accompagnant des remarques de M. de Lameth rendrons au lecteur la comparaison facile en indiquant les pages de ce volume où les passages cités sont rapportés d'après le Moniteur (1), qui cette fois se montra parfaitement fidèle à l'expression de la tribune.

EXAMEN, par M. Alexandre de Lameth,

Du Discours de Mirabeau prononcé à la tribune et inséré dans le Moniteur.

(Page 278 de ce volume.)

« Si vous décidez cette première question en faveur du roi, et je ne sais comment vous pourriez la décider autrement sans créer dans le même royaume deux pouvoirs exécutifs, vous êtes contraints de reconnaître, par cela seul, que la force publique peut être dans le cas de repousser une première hostilité avant que le corps législatifait eu le temps de manifester aucun vœu ni d'approbation' ni d'improbation: qu'est-ce que repousser une première hostilité, si ce n'est commencer la guerre? (a) »

2

et nous

Du Discours que Mirabeau envoya comme authentique dans tous les départemens.

« Si vous décidez cette première question en faveur du roi, et je ne sais comment vous pourriez la décider autrement sans créer dans le même royaume deux pouvoirs exécutifs, vous êtes contraints de reconnaître, par cela seul, que souvent une première hostilité sera repoussée avant que le corps législatif ait eu le temps de manifester aucun væu, ni d'approbation ni d'improbation: or qu'est-ce qu'une première hostilité reçue et repoussée, si ce n'est un état de guerre, non dans la volonté, mais dans le fait? (a) »

(a) << Ici commencent les changemens pour déguiser le système par lequel M. de Mirabeau avait attribué au pou

(1) Lettre de M. Hippolite de Marcilly, rédacteur du journal le Moniteur, à M. T. de Lameth.

« Je renouvelle à M. Théodore de Lameth l'assurance que M. de Mirabeau l'aîné nous a envoyé son discours et que c'est sur le manuscrit qu'il nous a fourni qu'on l'a imprimé littéralement dans le Moniteur; il est également vrai que M. de Mirabeau nous a envoyé directement sa réplique, imprimée aussi littéralement dans le Moniteur.

» Paris, le 14 juin 1790. Signé HIPPOLITE DE MARCILLY. »

voir exécutif le droit de décider la guerre, en la confondant avec les hostilités. Déjà l'on voit qu'au moyen de cette confusion il lui attribuait le pouvoir de commercer la guerre; la suite ne pourra laisser aucun doute sur ce système.

(Page 278 de ce volume, ligne 25.)

.....

bien, par cela seul, la guerre existe, et la nécessité en a donné le signal. De là je conclus que, presque dans tous les cas, il ne peut y avoir de délibération à prendre que pour savoir si la guerre doit être continuée (b). Je dis presque dans tous les cas; en effet, messieurs, il ne sera jamais question pour des Français, dont la constitution vient d'épurer les idées de justice, de faire ou de concerter une guerre offensive, c'est à dire d'attaquer les peuples voisins lorsqu'ils ne nous attaquent point: dans ce cas sans doute une délibération serait nécessaire (c); mais une telle guerre doit être regardée comme un crime, et j'en ferai l'objet d'un article de décret. »

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« ..... Hé bien, j'en conclus que par cela seul la guerre existe, et que la nécessité en a donné le signal. De là il résulte que, presque dans tous les cas, il ne peut y avoir de délibération à prendre que pour savoir si l'on donnera suite à une première hostilité, c'est à dire si l'état de guerre devra être constitué (b). Je dis presque dans tous les cas en effet, messieurs, il ne sera jamais question pour des Français, dont la constitution vient d'épurer les idées de justice, de faire ou de concerter une guerre offensive, c'est à dire d'attaquer les peuples voisins lorsqu'ils ne nous attaquent point. Dans cette supposition sans doute la délibération devrait précéder même les préparatifs; mais une telle guerre doit être regardée comme un crime, et j'en ferai l'objet d'un article de décret. »

(b) « Dans le premier discours le droit du corps législatif se bornait à délibérer sur la continuation de la aujourd'hui c'est qui la constitue. »

guerre;

(c) Donc vous pensiez alors qu'elle n'était pas nécessaire dans les autres cas, tandis qu'aujourd'hui vous voulez seulement que les préparatifs puissent la précéder. »

(Page 278 de ce volume.)

« Ne s'agit-il donc que d'une guerre défensive où l'ennemi a commis des hostilités? voilà la guerre; où, sans qu'il y ait encore des hostilités, les préparatifs de l'ennemi en annoncent le dessein? déjà, par cela seul, la paix n'existe plus; la guerre est commencée. » (d)

« Ne s'agit-il donc que d'une guerre défensive où l'ennemi a commis des hostilités ? et nous voilà dans un état passif de guerre ; où, sans qu'il y ait encore des hostilités, les préparatifs de l'ennemi en annoncent le dess in? déjà, par cela seul, la paix étant troublée nos préparatifs de défense deviennent indispensables. n

(d) Ici le système est clairement énoncé; la guerre est commencée sans qu'il y ait eu aucune délibération du corps législatif.

>>

(Page 279 de ce volume.)

« Mais quoi, direz-vous, le corps législatif n'aura-t-il pas toujours le pouvoir d'empêcher le commencement de la guerre? (e) Non, car c'est comme si vous demandiez s'il est un moyen d'empêcher qu'une nation voisine ne nous attaque; et quelle moyen prendriez-vous? >>

Mais quoi, direz-vous, le corps législatif n'aura-t-il pas toujours le pouvoir d'empêcher le commencement de l'état de guerre? (e) Non, car c'est comme si vous demandiez s'il est un moyen d'empêcher qu'une nation voisine ne nous attaque; et quel moyen prendriez-vous?»

(e) « Il est à remarquer que M. de Mirabeau, en changeant de système, a partout changé ces mots, la guerre, en ceux-ci, l'état de guerre, qui, dans le sens qu'il leur donne, ne signifient autre chose que les hostilités. »

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(f) « Donc, dans votre premier système, le pouvoir exécutif pouvait commencer la guerre, et n'avait besoin du corps législatif que lorsqu'il lui fallait des fonds pour augmenter ou soutenir l'état de ses forces? >>

(Page 281 de ce volume.)

« La seconde mesure est d'improuver la guerre (g) si elle est inutile ou injuste, de requérir le roi de négocier la paix, et de l'y forcer en refusant les fonds. Voilà, messieurs, le véritable droit du corps législatif. Les pouvoirs alors ne sont pas confondus; les formes des divers gouvernemens ne sont pas violées, et, sans tomber dans Pinconvénient de faire délibérer sept cents personnes sur la paix ou sur la guerre, ce qui certainement n'est pas sans de grands dangers, ainsi que je le démontrerai bientôt (h), l'intérêt national est également conservé. »

« La seconde mesure est d'approuver, de décider la guerre (g) si elle est nécessaire; de l'improuver si elle est inutile ou injuste; de requérir le roi de négocier la paix, et de l'y forcer en refusant les fonds. Voilà, messieurs, le véritable droit du corps législatif. Les pouvoirs alors ne sont pas confondus, les formes des divers gouvernemens ne sont pas violées, et l'intérêt national est conservé. »

(g) «Dans l'ancien système la guerre est commencée; le pouvoir législatif n'a que le droit, presque toujours illu

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