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que j'ai faite? Le pouvoir législatif n'est pas le corps législatif; n'est-il pas composé du corps législatif délibérant et du roi consentant et sanctionnant? Qu'on réponde; c'est là le principe du système auquel vous avez accordé la priorité. »

(On demande la question préalable sur cet amendement.) M. Camus. « Il est impossible d'admettre la question préalable. Cet amendement a deux objets : l'un de déclarer un principe qu'on soutient être constitutionnel; l'autre d'exposer un vœu que l'on croit être celui de l'Assemblée. Quand il s'agit d'un principe constitutionnel il ne peut y avoir de doute; ce principe est « qu'à la nation seule appartient le droit de paix et de guerre, et qu'il faut donner au roi le droit de proposer la paix ou la guerre. » Je vais plus loin, et je dis que dans les principes mêmes de l'auteur du projet de décret il devrait s'opposer à la question préalable. «< Aussi ne l'ai-je pas demandée. »

M. de Mirabeau.

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M. Camus. - «On dit que tout le monde est d'accord de ce principe; il me semble que la question préalable est dès lors impossible. Il s'agit d'exprimer ce dont tout le monde

convient. >>

M. de Mirabeau. << Cela est exprimé dans l'article. »

M. Camus. « Je dis que cela fût-il exprimé clairement, il n'y aurait pas d'inconvénient à l'exprimer plus clairement encore. L'Assemblée est flottante entre ces questions: Le principe est-il exprimé assez clairement par M. de Mirabeau, oui ou non? La nation ne peut exprimer son vœu que par le corps législatif; il faut donc dire nettement que la guerre ne peut être déclarée que par un décret du corps législatif.

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M. de Menou. « Il y a un premier article dont toute l'Assemblée convient; je l'adopte: mais M. de Mirabeau a dit que l'amendement présenté par M. Fréteau est compris dans son décret; s'il n'y est pas compris, comme je le crois, il faut en faire un article à part. Je demande qu'on aille aux voix par appel nominal sur cet amendement, qui deviendrait un article.

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M. de Mirabeau.

« Il est nécessaire d'examiner par

quel étrange motif on s'obstine depuis si longtemps à ne pas voir dans mon décret ce qui y est, et à prétendre que j'ai dit ce que je n'ai pas dit. Si l'ordre des numéros est à changer, je laisse l'honneur et la gloire de cette sublime découverte à qui voudra s'en emparer. Comme le cinquième article porte précisément le principe; comme il n'est pas un seul article qui ne suppose le principe; qu'il n'en est pas un qui ne dise que le roi sera tenu d'obéir à la réquisition du corps législatif; comme nulles de mes dispositions, nuls de mes articles ne sont équivoques, vous me permettrez de ne pas changer mon opinion en faveur des bienveillans qui depuis deux heures veulent faire croire au public que mon opinion n'est pas mon opinion. »

(L'Assemblée, consultée, décide qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement de M. Fréteau.)

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M. Desmeuniers. « J'ai demandé la parole pour appuyer l'amendement; mais il me paraît ne pas suffire. Dans le cours de la discussion j'ai entendu que deux choses sont nécessaires, la volonté et le consentement du roi, la volonté et le consentement de la législature. Il ne faut pas que le roi puisse seul déclarer la guerre; je le crois dans mon âme et conscience.... (Murmures.) Je déclare, une fois pour toutes, que je défendrai jusqu'à la mort la liberté; on pourra alors murmurer lorsque je parlerai de ma conscience. Il ne faut pas non plus que le corps législatif puisse seul déclarer la guerre; il faut donc l'exprimer nettement. Si le mot proposition ne suffit pas, on peut y substituer notification; mais puisqu'il faut aussi le concours du roi, on doit l'exprimer positivement: « Une déclaration de guerre ne pourra avoir lieu que d'après un décret du corps législatif proposé par le roi et consenti par lui. » Cette rédaction est simple, conforme à vos principes et à l'intention de tout le monde. »

M. Fréteau. — « Je rédige définitivement ainsi l'article, avec l'amendement :

» 1°. Le droit de la paix et de la guerre appartient à la na

tion; 2°. la guerre ne pourra être décidée que par un décret de l'Assemblée nationale, qui sera rendu sur la proposition formelle et nécessaire du roi, et qui sera consenti par lui. »

M. de Mirabeau. — « On n'aura pas de peine à croire que j'adhère de tout mon cœur à cet amendement, pour lequel je combats depuis cinq jours. Si j'avais su plutôt que ceci n'était qu'une lutte d'amour-propre, la discussion aurait été moins longue. Je demande que le mot sanctionné, mot de la constitution, soit mis à la place de consenti. »

On approuve ce changement de mot, et l'article 1er, base principale du décret, est ainsi adopté presque unanimement. Les autres articles sont successivement adoptés aussi, avec les amendemens de M. Chapelier; et, le 22 mai 1790, le huitième jour d'une discussion à jamais célèbre, l'Assemblée nationale proclame enfin, au bruit des applaudissemens, des cris de joie et de reconnaissance des nombreux amis de la liberté, que la nation est rentrée dans l'exercice de celui de ses droits qui importe le plus à sa sûreté, à sa gloire et à son bonheur.

Nous allons rapporter cet important décret; et comme il est juste qu'on sache à qui l'on en doit les principales dispositions, celles qui seules ont provoqué de longs débats, puisque sur toutes les autres on était généralement d'accord, nous indiquerons les amendemens qu'a subis le projet qui avait obtenu la priorité.

Décret 'sur l'exercice du droit de la guerre et de la paix, rendu par l'Assemblée nationale le 22 mai 1790.

« L'Assemblée nationale décrète comme articles constitutionnels ce qui suit :

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» Art. 1. Le droit de la paix et de la guerre appartient à la nation.

» La guerre ne pourra être décidée que par un décret du corps législatif, qui sera rendu sur la proposition formelle et nécessaire du roi, et ensuite sanctionné par Sa Majesté.

Cet article 1er fut établi d'après les amendemens de MM. Alexandre

de Lameth, Fréteau et de Menou. Dans le projet de M. de Mirabeau

il était rédigé ainsi :

« Le droit de faire la guerre et la paix appartient à la nation. » L'exercice de ce droit sera délégué concurremment au corps législatif et au pouvoir exécutif, de la manière suivante :>>

» Art. 2. Le soin de veiller à la sûreté extérieure du royaume, de maintenir ses droits et ses possessions, est délégué au roi par la constitution de l'Etat; ainsi lui seul peut entretenir des relations politiques au dehors, conduire les négociations, en choisir les agens, faire des préparatifs de guerre proportionnés à ceux des états voisins, distribuer les forces de terre et de mer ainsi qu'il le jugera convenable, et en régler la direction en cas de guerre.

Les mots soulignés : est délégué au roi par la constitution de l'Etat, étaient remplacés par ceux-ci dans le projet de M. de Mirabeau : appartient au roi; ainsi lui seul, etc.

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» Art. 3. Dans le cas d'hostilités imminentes ou commencées, d'un allié à soutenir, d'un droit à conserver par la force des armes, le pouvoir exécutif sera tenu d'en donner sans aucun délai la notification au corps législatif, d'en faire connaître les causes et les motifs; et si le corps législatif est en vacance, il se rassemblera sur le champ.

Dans son projet M. de Mirabeau avait introduit ici une disposition que l'Assemblée supprima; la voici : « corps législatif, d'en faire connaître les causes et les motifs, et de demander les fonds nécessaires; et si... » etc.

» Art. 4. Sur cette notification, si le corps législatif juge que les hostilités commencées sont une agression coupable de la part des ministres, ou de quelque autre agent du pouvoir exécutif, l'auteur de cette agression sera poursuivi comme criminel de lèze-nation; l'Assemblée nationale déclarant à cet effet que la nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, et qu'elle n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple.

La seconde partie de cet article était ainsi conçue dans le projet de M. de Mirabeau : l'Assemblée nationale déclarant à cet

« ....

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effet que la nation française renonce à toute espèce de oonquête, et qu'elle n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. La déclaration comprise dans l'article 4 décrété, que la nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, ést le résultat d'une proposition amendée de M. de Volney, laquelle portait : La nation française s'interdit de ce moment d'entreprendre aucune guerre tendant à accroître son territoire actuel.

» Art. 5. Sur la même notification, si le corps législatif décide que la guerre ne doit pas être faite, le pouvoir exécutif sera tenu de prendre sur le champ des mesures pour faire cesser ou prévenir toute hostilité, les ministres demeurant responsables des délais.

Cet article est de M. Chapelier. Celui de M. de Mirabeau portait : « Sur la même notification, si le corps législatif refuse les fonds nécessaires, et témoigne son improbation de la guerre, le pouvoir exécutif sera tenu de prendre sur le champ des mesures pour faire cesser ou prévenir toute hostilité, les ministres demeurant responsables des délais. »

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Sur cet article l'Assemblée décréta l'ajournement et le renvoi au comité de constitution. Le voici d'après le projet de M. de Mirabeau :

. Dans le cas d'une guerre imminente le corps législatif prolongera sa session dans ses vacances accoutumées, et pourra être saus vacances pendant la guerre. »

» Art. 7. Toute déclaration de guerre sera faite en ces termes: De la part du roi des Français, au nom de la

nation.

Première rédaction de M. de Mirabeau : « La formule de déclaration de guerre et des traités de paix sera: de la part du roi et au nom de la nation. » L'amendement fut proposé par M. de Mirabeau lui-même.

» Art. 8. Pendant tout le cours de la guerre le corps législatif pourra requérir le pouvoir exécutif de négocier la paix, et le pouvoir exécutif sera tenu de déférer à cette réquisition.

Article de M. Chapelier. L'article du projet portait:

<< Pendant tout le cours de la guerre le corps législatif pourra requé

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