dit, et mon décret a formellement prévu ce cas; ce sont des hostilités commencées, un droit à conserver, une guerre imminente: donc, avez-vous conclu, l'hostilité ne constitue pas l'état de guerre. Mais si, au lieu de deux navires pris et relâchés dans le Nord - Castle, il y avait eu un combat entre deux vaisseaux de guerre; si, pour les soutenir, deux escadres s'étaient mêlées de la querelle; si un général entreprenant eût poursuivi le vaincu jusque dans ses ports; si une île importante avait été enlevée, n'y aurait-il pas alors état de guerre? Ce sera tout ce que vous voudrez; mais puisque ni votre décret ni le mien ne présentent le moyen de faire devancer de pareilles agressions par la délibération du corps législatif, vous conviendrez que ce n'est pas là la question. Mais où est le piége? » Art. 5. J'ai voulu parler d'un fait possible, et que vous ne prévoyez pas dans votre décret. Dans le cas d'une hostilité reçue et repoussée il peut exister une agression coupable; la nation doit avoir le droit d'en poursuivre l'auteur et de le punir: il ne suffit pas alors de ne pas faire la guerre; il faut réprimer celui qui, par une démarche imprudente ou perfide, aurait couru le risque ou tenté de nous y engager. J'en indique le moyen; est-ce là un piége? Mais, dites-vous, je suppose donc que le pouvoir exécutif a le droit de commencer les hostilités, de commettre une agression coupable. Non, je ne lui donne pas ce droit; mais je raisonne sur un fait possible, et que ni vous ni moi ne pouvons prévenir. Je ne puis pas faire que le dépositaire suprême de toutes les forces nationales n'ait pas de grands moyens et les occasions d'en abuser; mais cet inconvénient se retrouve dans tous les systèmes. Ce sera, si vous le voulez, le mal de la royauté; mais prétendez-vous que des institutions humaines, qu'un gouvernement fait par des hommes, pour des hommes, soit exempt d'inconvéniens? Prétendez-vous, parce que la royauté a des dangers, nous faire renoncer aux avantages de la royauté? Dites-le nettement; alors ce sera à nous de déterminer si, parce que le feu brûle, nous devons nous priver de la chaleur de la lumière que nous empruntons de lui. Tout peut se soutenir, excepté l'inconséquence dites-nous qu'il ne vu que faut pas de roi; ne dites pas qu'il ne faut qu'un roi impuissant, inutile. » Art. 6, 7 et 8. Vous ne les avez pas attaqués , je crois s; ainsi nous sommes d'accord. Mais convenez que celui qui impose au pouvoir exécutif des limitations qu'aucun autre décret n'a présentées, n'a pas doté d'usurpation la puissance royale, comme on n'a pas rougi de le dire, et qu'il sait aussi munir de précautions constitutionnelles les droits de ce peuple qu'aussi bien qu'un autre peut-être il a défendų. » Art. 9. Que dans le cas où le roi fera la guerre en personne le corps législatif aura le droit de réunir tel nombre de gardes nationales , et dans tel endroit qu'il le trouvera convenable.... Vous me faites un grand reproche d'avoir proposé celte mesure. Elle a des inconvéniens, sans doute; quelle institution n'en a pas ? Si vous l'aviez saisie vous auriez si cette mesure avait été, comme vous l'avez dit, un accessoire nécessaire à mon système, je ne me serais pas borné à l'appliquer au cas, très-rare sans doute, ou le roi ferait la guerre en personne, mais que je l'aurais indiquée pour tous les cas de guerre indéfiniment. Si dans tout cela il y a un piége, ce piége est tout entier dans votre argumentation, et non dans le système de celui qui veut écarter le roi du commandement des armées hors des frontières, parce qu'il ne pense pas que le surveillant universel de la société doive être concentré dans des fonctions aussi hasardeuses; il n'est pas dans le système de celui qui mel dans votre organisation sociale le seul moyen d'insurrection régulière qui soit dans le principe de votre constitution. Il y a évidemment de la mauvaise foi à chercher la faiblesse de mon système, ou quelque intention artificieuse dans la prévoyance d'un inconvénient présenté par tous ceux qui ont parlé avant moi, et qui existe également dans tous les sys tèmes; car il est évident qu'un roi guerrier peut être égaré par ses passions et servi par ses légions élevées à la victoire, soit que le pouvoir législatif, soit que le pouvoir exécutif ait commencé la guerre. Si dans toutes les hypothèses constitutionnelles ce malheur terrible peut également se prévoir, il n'y a d'autre remède à lui opposer qu'un remède terrible : vous et moi nous reconnaissons également le devoir de l'insurrection dans des cas infiniment rares. Est-ce un moyen si coupable que celui qui rend l'insurrection plus méthodique et plus terrible? Est-ce un piége que d'avoir assigné aux gardes nationales leur véritable destination? Et que sont ces troupes, sinon les troupes de la liberté? Pourquoi les avonsnous instituées, si elles ne sont pas éternellement destinées à conserver ce qu'elles ont conquis?.... Au reste, c'est vous qui le premier nous avez exagéré ce danger: il existe ou il n'existe pas; s'il n'existe pas, pourquoi l'avez-vous fait tant valoir? s'il existe, il menace mon système comme le vôtre. Alors acceptez mon moyen, ou donnez-en un autre, ou n'en prenez point du tout, cela m'est égal, à moi qui ne crois pas à ce danger; aussi donné-je mon consentement à l'amendement de M. Chapelier qui retranche cet article. » Il est plus que temps de terminer ces longs débats. Désormais j'espère que l'on ne dissimulera plus le vrai point de la difficulté. Je veux le concours du pouvoir exécutif à l'expression de la volonté générale en fait de paix et de guerre, comme la constitution le lui a attribué dans toutes les parties déjà fixées de notre système social.... Mes adversaires ne le veulent pas. Je veux que la surveillance de l'un des délégués du peuple ne l'abandonne pas dans les opérations les plus importantes de la politique; et mes adversaires veulent que l'un des délégués possède exclusivement la faculté du droit terrible de la guerre, comme si, lors même que le pouvoir exécutif serait étranger à la confection de la volonté générale, nous avions à délibérer sur le seul fait de la déclaration de la guerre, et que l'exercice de ce droit n'entraînât pas une série d'opérations mixtes où l'action et la volonté se pressent et se confondent! » Voilà la ligne qui nous sépare. Si je me trompe, encore une fois, que mon adversaire m'arrête, ou plutôt qu'il substitue dans son décret à ces mois : le corps législatif, ceux-ci: le pouvoir législatif, c'est à dire un acte émané des représentans de la nation et sanctionné par le roi, et nous sommes parfaitement d'accord, sinon dans la pratique, du moins dans la théorie; et nous verrons alors si mon décret ne réalise pas mieux que tout autre cette théorie. » On vous a proposé de juger la question par le parallèle de ceux qui soutiennent l'affirmative et la négative : on vous a dit que vous verriez d'un côté des hommes qui espèrent s'avancer dans les armées, ou parvenir à gérer les affaires étrangères; des hommes qui sont liés avec les ministres et leurs agens : de l'autre le citoyen paisible, vertueux, ignoré, sans ambition, qui trouve son bonheur et son existence dans l'existence, dans le bonheur commun. » Je ne suivrai pas cet exemple. Je ne crois pas qu'il soit plus conforme aux convenances de la politique qu'aux principes de la morale d'affiler le poignard dont on ne saurait blesser ses rivaux sans en ressentir bientôt sur son propre sein les atteintes : je ne crois pas que des hommes qui doivent servir la cause publique en véritables frères d'armes aient bonne grâce à se combattre en vils gladiateurs, à lutter d'imputations et d'intrigues, et non de lumières et de talens; à chercher dans la ruine et la dépression les uns des autres de coupables succès, des trophées d'un jour, nuisibles à tous et même à la gloire. Mais je vous dirai : parmi ceux qui soutiennent ma doctrine vous compterez tous les hommes modérés qui ne croient pas que la soit dans les extrêmes, ni que le courage de démolir ne doive jamais faire place à celui de reconstruire; vous compterez la plupart de ces énergiques citoyens qui, au commencement des états généraux (c'est ainsi que s'appelait alors cette convention nationale, encore garottée dans les langes de la liberté), foulèrent aux pieds tant de préjugés, bravèrent tant de périls, déjouèrent lant de résistance pour passer au sein des communes, à qui ce dévouement donna les encouragemens et la force qui ont vraiment opéré votre révolution glorieuse; vous y verrez ces tribuns du peuple que la nation comptera longtemps encore, malgré les glapissemens de l'envieuse médiocrité, au nombre des libérateurs de la patrie ; vous y verrez des hommes dont le nom désarme la calomnie, et dont les libellistes les plus effrénés n'ont pas essayé de ternir la réputalion ni d’lıommes privés ni d'hommes publics ; des hommes 2 > enfin qui, sans tache , sans intérêt et sans crainte, 's'honoreront jusqu'au tombeau de leurs amis et de leurs ennemis. » Je conclus à ce qu'on melte en délibéralion mon projet de décret amendé par M. Chapelier, » . Aussitôt après cette réplique on demande de toute part à aller aux voix : le président consulte l'Assemblée, et prononce que la discussion est fermée. Néanmoins M. Charles de Lamelb fait observer que M. de Mirabeau ayant obtenu de répondre à M. Barnave, il est de toute justice que M. Barnave puisse à son tour réfuter M. de Mirabeau ; M. de Noailles fait la même motion ; M. de La Fayette l'appuie, en annonçant qu'il prendra la parole après M. Barnave pour combattre son système; enfin M. de Mirabeau lui-même témoigne le désir que M. Barnave soit enlendu une seconde fois : mais l'Assemblée, consultée de nouveau, persiste dans sa première décision; la discussion est fermée, et M. Barnave n'est pas entendu. On fait alors lecture de tous les projets de décret proposés ; ils sont au nombre de vingt-deux. M. de Castellane demande la priorité pour le projet de M. de Mirabeau amende par M. Chapelier; MM. Alexandre et Charles de Lameth la réclament pour celui de M. Barnave. Dans les opinions qui se croisent nous remarquons les deux suivantes : M. Barnave. « On a fait la motion d'accorder la priorité au décret de M. de Mirabeau amendé par M. Chapelier, quoique ce projet soit différent de celui qui avait d'abord été proposé, et qui, restant dans les archives de l'histoire, n'a pas besoin qu'on , s'occupe à l'analiser. Il ne doit pas l'obtenir s'il n'énonce le væu réel de la majorité de l'Assemblée. (Murmures.) Je demande si le væu réel de la majorité de l'Assemblée n'est pas d'accorder l'initiative au roi, el la décision au corps législatif; je demande si l'intention de l'Assemblée n'est pas que, pour constituer la nation en état de guerre, on ait préalablement réuni la volonté du roi, qui proposera, et celle de la législature , qui consentira. Je dis que, si c'est là le but, le projet pro 7 |