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diguer contre nous les injures, les calomnies; pensez seulement que s'ils nous louaient la France serait perdue. Gardezvous surtout de réveiller leurs espérances par des fautes, par des désordres, par l'oubli de la loi! Voyez comme ils triomphent de quelques délais dans la perception de l'impôt! Ah! ne leur préparez pas une joie cruelle! Songez que cette dette.... Non, ce n'est plus une dette; c'est un tribut sacré, et c'est la patrie maintenant qui le reçoit pour vous, pour vos enfans; elle ne le laissera plus prodiguer aux déprédateurs qui voudraient voir tarir pour l'Etat le trésor public, maintenant tari pour eux; ils aspiraient à des malheurs qu'a prévenus, qu'a rendus impossibles la bonté magnanime du roi. Français, secondez votre roi par un saint et immuable respect pour la loi! Défendez contre eux son bonheur, ses vertus, sa véritable gloire! Montrez qu'il n'eut jamais d'autres ennemis que ceux de la liberté! Montrez que pour elle et pour lui votre constance égalera votre courage; que pour la liberté, dont il est le garant, on ne se lasse point, on est infatigable! Votre lassitude était le dernier espoir des ennemis de la révolution : ils le perdent; pardonnez - leur d'en gémir, et déplorez, sans les haïr, ce reste de faiblesse, toutes ces misères de l'humanité! Cherchons, disons même ce qui les excuse. Voyez quel concours de causes a dû prolonger, entretenir, presque éterniser leur illusion: eh! ne faut-il pas quelque temps pour chasser de sa mémoire les fantômes d'un long rêve, les rêves d'une longue vie? Qui peut triompher en un moment des habitudes de l'esprit, des opinions inculquées dans l'enfance, entretenues par les formes extérieures de la société, longtemps favorisées par la servitude publique, qu'on croyait éternelle, chères à un genre d'orgueil qu'on imposait comme un devoir, enfin mises sous la protection de l'intérêt personnel, qu'elles flattaient de tant de manières! Perdre à la fois ses illusions, ses espérances, ses idées les plus chéries, une partie de sa fortune, est-il donné à beaucoup d'hommes de le pouvoir sans quelques regrets, sans des efforts, sans des résistances d'abord naturelles, qu'ensuite un faux point d'honneur s'impose quelquefois à lui-même? Eh! si dans cette classe, naguère si

favorisée, il s'en trouve quelques-uns qui ne peuvent se faire à tant de pertes à la fois, soyez généreux; songez que dans cette même classe il s'est trouvé des hommes qui ont osé s'élever à la dignité de citoyens, intrépides défenseurs de vos droits, et dans le sein même de leur famille opposant à leurs sentimens les plus tendres le noble enthousiasme de la liberté.

» Plaignez, Français, les victimes aveugles de tant de déplorables préjugés; mais sous l'empire des lois que le mot vengeance ne soit plus prononcé. Courage, persévérance, générosité, les vertus de la liberté, nous vous les demandons au nom de cette liberté sacrée, seule conquête digne de l'homme, digne de vous, par les efforts, par les sacrifices que vous avez faits pour elle, par les vertus qui se sont mêlées aux malheurs inséparables d'une grande révolution ne tardez point; ne déshonorez point le plus bel ouvrage dont les annales du monde nous aient transmis la mémoire. Qu'avez-vous à craindre? Rien; non, rien, qu'une funeste impatience: encore quelques momens... C'est pour la liberté! Vous avez donné tant de siècles au despotisme !!! Amis, citoyens, une patience généreuse au lieu d'une patience servile: au nom de la patrie; vous en avez uue maintenant au nom de votre roi; vous avez un roi; il est à vous; non plus le roi de quelques milliers d'hommes, mais le roi des Français, de tous les Français! Qu'il doit maintenant mépriser le despotisme! Qu'il doit le haïr! Roi d'un peuple libre, comme il doit reconnaître l'erreur de ces illusions mensongères qu'entretenait sa cour, qui se disait son peuple; prestiges répandus autour de son bercean, enfermés comme à dessein dans l'éducation royale, et dont on a cherché dans tous les temps à composer l'entendement des rois, pour faire des erreurs de leurs pensées le patrimoine des cours! Il est à vous: qu'il nous est cher! Ah! depuis que son peuple est devenu sa cour, lui refuserezvous la tranquillité, le bonheur qu'il mérite? Désormais qu'il n'apprenne plus aucune de ces scènes violentes qui ont tant affligé son cœur ; qu'il apprenne au contraire que l'ordre renaît; que partout les propriétés sont respectées, défendues; que vous recevez, que vous placez sous l'égide des

Jois l'innocent, le coupable.... de coupable, il n'en est point si la loi ne l'a prononcé; ou plutôt qu'il apprenne encore, votre vertueux monarque, quelques-uns de ces traits génércux, de ces nobles exemples qui déjà ont illustré le berceau de la liberté française; étonnez-le de vos vertus pour lui donner plus tôt le prix des siennes, en avançant pour lui le moment de la tranquillité publique et le spectacle de votre félicité.

» Pour nous, poursuivant notre tâche laborieuse, voués, consacrés au grand travail de la constitution, votre ouvrage autant que le nôtre, nous le terminerons, aidés de toutes les lumières de la France; et, vainqueurs de tous les obstacles, satisfaits de notre conscience, convaincus, et d'avance. heureux de votre prochain bonheur, nous placerons entre vos mains ce dépôt sacré de la constitution, sous la garde des vertus nouvelles, dont le germe, enfermé dans vos âmes, vient d'éclore aux premiers jours de la liberté ! »

SUPPRESSION DES VOEUX MONASTIQUES;

DES ORDRES RELIGIEUX.

Rapport par M. Treilhard.

ABOLITION

DISCUSSION. Orateurs: MM. le duc de la Rochefoucauld, l'abbé Grégoire, Pétion, Dedeley d'Agier, Cayla, Barnave, de la Fare, Garat aîné, Dupont de Nemours, Roederer, de Cazalès, Charles de Lameth, l'abbé de Montesquicu.

Non moins cruel, non moins ambitieux que l'autre despotisme, le despotisme sacerdotal tenait courbé sous son joug la moitié de la société, et menaçait de l'asservir tout entière; le respect des vœux monastiques était commandé à l'égal du respect des décrets divins, et l'ignorance, esclave du fanatisme, confondait avec l'évangile les règles tracées par l'imposture : la religion s'en alarmait; l'humanité était outragée, et la politique même se voyait menacée dans ses justes prétentions.... Nous arrivons enfin à cette grande, à cette généreuse résolution, la plus instamment réclamée de l'Assemblée nationale; à ce triomphe éternel de la morale et de la raison sur les préjugés, l'erreur

et l'hypocrisie! Du fond de ces tombeaux où gémissaient tant de victimes ne vont plus s'échapper que des cris de reconnaissance et de joie; la société vengée va recouvrer ses familles, la politique ses domaines, la religion sa pureté. Tel fut en effet le résultat du décret de l'Assemblée nationale qui supprime les vœux monastiques et les ordres religieux.

Cette importante délibération donna lieu à une discussion des plus étendues, des p us contradictoires ; il en est peu où la raison et l'humanité, les passions et les préjugés aient fait entendre l'opposition de leur langage avec plus d'opiniâtreté et de force. Les discours prononcés dans cette circonstance pourraient former un volume: contraints de nous borner à quelques pages, nous tâcherons du moins, dans un tableau abrégé, de faire connaître l'ensemble de la discussion, qui s'ouvrit le 11 février 1790, par le rapport suivant: (1)

Rapport fait au nom du comité ecclésiastique, par M. Treilhard.

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Messieurs, la régénération que vous êtes appelés à consommer doit embrasser toutes les parties de ce vaste empire, parce qu'il n'en est aucune qui se soit préservée du relâchement et des abus que le temps amène toujours à sa suite : les ecclésiastiques en ont éprouvé la fatale influence comme les autres citoyens.

» La répartition vicieuse de leurs revenus, l'organisation non moins vicieuse de plusieurs établissemens, la négligence malheureusement si commune dans le choix des titulaires, les prétentions excessives de quelques ministres du culte, ont depuis longtemps excité de justes réclamations, et la nation attend avec impatience l'heureux instant où le mérite sera le seul titre pour parvenir, où les salaires se trouveront en proportion avec le service, où des réglemens sages éleveront des bornes immuables entre les deux juridictions,

(1) Dès le 28 octobre 1709 l'Assemblée avait rendu un premier décret qui suspendait l'émission des vœux monastiques; un autre décret du 5 février 1790 avait réduit le nombre des maisons religieuses.

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et préviendront pour toujours ces débats scandaleux qui tant de fois ont fait gémir la raison et désolé notre patrie. »Votre comité se propose de vous présenter successivement ses réflexions et ses vues sur ces importans objets; mais il a cru entrer dans vos intentions en fixant vos premiers regards sur l'état actuel de cette partie nombreuse du clergé qui se glorifie de devoir sa première existence à l'amour de la perfection, dont les annales présentent tant de personnages illustres et vertueux, et qui compte de si grands services rendus à la religion, à l'agriculture et aux lettres je parle du clergé régulier.

» Tel est le sort de toutes les institutions humaines, qu'elles portent toujours avec elles le germe de leur des

truction.

» Les campagnes, fécondées par de laborieux solitaires,

ont vu s'élever dans leur sein. de vastes cités dont le commerce a insensiblement altéré l'esprit de leurs fondateurs.

» L'humilité et le détachement des choses terrestres ont presque partout dégénéré en une habitude de paresse et d'oisiveté qui rendent actuellement onéreux des établissemens fort édifians dans leur principe.

» Partout a pénétré l'esprit de tiédeur et de relâchement qui finit par tout corrompre la vénération des peuples pour ces institutions s'est donc convertie, pour ne rien dire de plus, en un sentiment de froideur et d'indifférence; l'opinion publique, fortement prononcée, a produit le dégoût dans le cloître, et les soupirs de pieux cénobites embrasés de l'amour divin n'y sont que trop souvent étouffés par les gémissemens de religieux qui regrettent une liberté dont aucune jouissance ne compense aujourd'hui la perte.

» Le moment de la réforme est donc arrivé, car il doit toujours suivre celui où des établissemens cessent d'être utiles.

» Mais en cessant de protéger des liens qui blessent plusieurs individus, doit-on rompre la chaîne de tous? En venant au secours du religieux fatigué de son état, ne devezvous pas protéger celui qui désire d'y vivre encore?

>> Votre comité a pensé, messieurs, que vous donnerez un

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