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époque que celle à laquelle nous sommes enfin parvenus! Quel honorable héritage vous allez transmettre à votre postérité! Elevés au rang de citoyens, admissibles à tous les emplois, censeurs éclairés de l'administration quand vous n'en serez pas les dépositaires, sûrs que tout se fait et par vous et pour vous, égaux devant la loi, libres d'agir, de parler, d'écrire, ne devant jamais compte aux hommes, toujours à la volonté commune, quelle plus belle condition! Pourrait-il être encore un seul citoyen, vraiment digne de ce nom, qui osât tourner ses regards eu arrière, qui voulût relever les débris dont nous sommes environnés, pour en recomposer l'ancien édifice!

» Et pourtant que n'a-t-on pas dit, que n'a-t-on pas fait pour affaiblir en vous l'impression naturelle que tant de biens doivent produire !

» Nous avons tout détruit, a-t-on dit : c'est qu'il fallait tout reconstruire. Et qu'y a-t-il donc tant à regretter! Veut-on le savoir? Que sur tous les objets réformés ou détruits on interroge les hommes qui n'en profitaient pas; qu'on interroge même la bonne foi des hommes qui en profitaient; qu'on écarte ceux-là qui, pour ennoblir les affections de l'intérêt personnel, prennent aujourd'hui pour objet de leur commisération le sort de ceux qui dans d'autres temps leur furent si indifférens, et l'on verra si la réforme de chacun de ces objets ne réunit pas tous les suffrages faits pour être comptés.

» Nous avons agi avec trop de précipitation.... Et tant d'autres nous ont reproché d'agir avec trop de lenteur!.... Trop de précipitation! Ignore-t-on que c'est en attaquant, en renversant tous les abus à la fois qu'on peut espérer de s'en voir délivré sans retour; qu'alors, et alors seulement, chacun se trouve intéressé à l'établissement de l'ordre; que les réformes lentes et partielles ont toujours fini par ne rien réformer; enfin que l'abus que l'on conserve devient l'appui et bientôt le restaurateur de tous ceux qu'on croyait avoir détruits?

» Nos assemblées sont tumultueuses.... Et qu'importe, si les décrets qui en émanent sont sages? Nous sommes au reste

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loin de vouloir présenter à votre admiration les détails de tous nos débats plus d'une fois nous en avons été affligés nous-mêmes; mais nous avons senti en même temps qu'il était trop injuste de chercher à s'en prévaloir, et qu'après tout cette impétuosité était l'effet presque inévitable du premier combat qui se soit peut-être jamais livré entre tous les principes et toutes les erreurs.

» On nous accuse d'avoir aspiré à une perfection chimérique.... Reproche bizarre, qui n'est, on le voit bien, qu'un vœu mal déguisé pour la perpétuité des abus. L'Assemblée nationale ne s'est point arrêtée à ces motifs servilement intéressés ou pusillanimes; elle a eu le courage ou plutôt la raison de croire que les idées utiles, nécessaires au genre humain, n'étaient pas exclusivement destinées à orner les pages d'un livre, et que l'Etre suprême, en donnant à l'homme la perfectibilité, apanage particulier de sa nature, ne lui avait pas défendu de l'appliquer à l'ordre social, devenu le plus universel de ses intérêts, et presque le pre

mier de ses besoins.

» Il est impossible, a-t-on dit, de régénérer une nation vieille et corrompue... Qu'on apprenne qu'il n'y a de corrompu que ceux qui veulent perpétuer des abus corrupteurs, et qu'une nation se rajeunit le jour où elle a résolu de renaître à la liberté. Voyez la génération nonvelle; comme déjà son cœur palpite de joie et d'espérance! comme ses sentimens sont purs, nobles, patriotiques! avec quel enthousiasme on la voit chaque jour briguer l'honneur d'être admise à prêter le serment du citoyen! Mais pourquoi répondre à un aussi misérable reproche! L'Assemblée nationale seraitelle donc réduite à s'excuser de n'avoir pas désespéré du peuple français ?

» On n'a encore rien fait pour le peuple, a-t-on osé dire... Et c'est sa cause qui triomphe partout! Rien fait pour le peuple!... Et chaque abus que l'on a détruit ne lui prépare-t-il pas, ne lui assure-t-il pas un soulagement? Etait-il un seul abus qui ne pesât sur le peuple?

» Il ne se plaignait pas.... C'est que l'excès de ses maux étouffait ses plaintes. Maintenant il est malhenreux.... Dites

plutôt il est encore malheureux; mais il ne le sera pas longtemps; nous en faisons le serment.

» Nous avons détruit le pouvoir exécutif.... Non; dites le pouvoir ministériel; et c'est lui qui détruisait, qui souvent dégradait le pouvoir exécutif : le pouvoir exécutif nous l'avons éclairé en lui montrant ses véritables droits, et surtout nous l'avons ennobli en le faisant remonter à la véritable source de sa puissance, la puissance du peuple.

» Il est maintenant sans force.... Contre la constitution et la loi, cela est vrai; mais en leur faveur il sera plus puissant qu'il ne le fut jamais.

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» Le peuple s'est armé.... Oui, pour sa défense; il en avait besoin. Mais dans plusieurs endroits il en est résulté des malheurs.... Peut-on les reprocher à l'Assemblée nationale? Peut-on lui imputer des désastres dout elle gémit, qu'elle a voulu prévenir, arrêter par toute la force de ses décrets, et que va faire cesser sans doute l'union désormais indissoluble entre les deux pouvoirs, et l'action irrésistible de toutes les forces nationales?

» Nous avons passé nos pouvoirs... La réponse est simple : nous étions incontestablement envoyés pour faire une constitution; c'était le vou, c'était le besoin de la France entière: or, était-il possible de la créer cette constitution, de former un ensemble même imparfait de décrets constitutionnels, sans la plénitude des pouvoirs que nous avons exercés? Disons plus; sans l'Assemblée nationale la France était perdue; sans le principe qui soumet tout à la pluralité des suffrages libres, et qui fait tous nos décrets, il est impossible de concevoir une Assemblée nationale; il est impossible de concevoir, nous ne disons pas une constitution, mais même l'espoir de détruire irrévocablement le moindre des abus. Ce principe est d'éternelle vérité; il a été reconnu dans toute la France; il s'est reproduit de mille manières dans ces nombreuses adresses d'adhésion qui rencontraient sur toutes les routes cette foule de libelles où l'on nous reproche d'avoir excédé nos pouvoirs. Ces adresses, ces félicitations, ces hommages, ces sermens patriotiques, quelle confirmation des pouvoirs que l'on voulait nous contester!

» Tels sont, Français, les reproches qu'on fait à vos représentans dans cette foule d'écrits coupables où l'on affecte le ton d'une douleur citoyenne. Ah! vainement on s'y flatte de nous décourager; notre courage redouble; vous ne tarderez pas à en sentir les effets.

» L'Assemblée va vous donner une constitution militaire qui, composant l'armée de soldats citoyens, réunira la valeur qui défend la patrie, et les vertus civiques qui la protégent sans l'effrayer.

» Bientôt elle vous présentera un système d'impositions qui ménagera l'agriculture et l'industrie, qui respectera enfin la liberté du commerce; un système qui, simple, clair, aisément conçu de tous ceux qui paient, déterminera la part qu'ils doivent, rendra facile la connaissance si nécessaire de l'emploi des revenus publics, et mettra sous les yeux de tous les Français le véritable état des finances, jusqu'à présent labyrinthe obscur où l'œil n'a pu suivre la trace des trésors de l'Etat.

» Bientôt un clergé citoyen, soustrait à la pauvreté comme à la richesse, modèle à la fois du riche et du pauvre, pardonnant les expressions injurieuses d'un délire passager, inspirera une confiance vraie, pure, universelle, que n'altérera ni l'envie qui outrage, ni cette sorte de pitié qui humilie; il fera chérir encore davantage la religion; il en accroîtra l'heureuse influence par des rapports plus doux et plus intimes entre les peuples et les pasteurs, et il n'offrira plus le spectacle, que le patriotisme du clergé luimême a plus d'une fois dénoncé dans cette Assemblée, de l'oisiveté opulente et de l'activité sans récompense.

» Bientôt un système de lois criminelles et pénales, dictées par la raison, la justice, l'humanité, montrera jusque dans la personne des victimes de la loi le respect dû à la qualité d'homme, respect sans lequel on n'a pas le droit de parler de morale.

» Un code de lois civiles, confié à des juges désignés par votre suffrage, et rendant gratuitement la justice, fera disparaître toutes ces lois obscures, compliquées, contradictoires, dont l'incohérence et la multitude semblaient laisser même à un juge intègre le droit d'appeler justice sa volonté,

son erreur, quelquefois son ignorance. Mais jusqu'à ce moment vous obéirez religieusement à ces mêmes lois, parce que vous savez que le respect pour toute loi non encore révoquée est la marque distinctive du vrai citoyen.

» Enfin, nous terminerons nos travaux par un code d'instruction et d'éducation nationale qui mettra la constitution sous la sauvegarde des générations naissantes; et, faisant passer l'instruction civique par tous les degrés de la représentation, nous transmettrons dans toutes les classes de la société les connaissances nécessaires au bonheur de chacune de ces classes, en même temps qu'à celui de la société

entière.

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Voyez, Français, la perspective de bonheur et de gloire qui s'ouvre devant vous! Il reste encore quelques pas à faire, et c'est où vous attendent les détracteurs de la révolution. Défiez-vous d'une impétueuse vivacité; redoutez surtout les violences, car tout désordre peut devenir funeste à la liberté. Vous chérissez cette liberté vous la possédez maintenant; montrez-vous dignes de la conserver. Soycz fidèles à l'esprit, à la lettre des décrets de vos représentans, acceptés ou sanctionnés par le roi : distinguez soigneusement les droits abolis sans racliat, et les droits rachetables, mais encore existans; que les premiers ne soient plus exigés, mais que les seconds ne soient point refusés. Songez aux trois mots sacrés qui garantissent ces décrets; la nation, la loi, le roi la nation, c'est vous; la loi, c'est encore vous, c'est votre volonté; le roi, c'est le gardien de la loi. Quels que soient les mensonges qu'on prodigue, comptez sur cette union. C'est le roi qu'on trompait; c'est vous qu'on trompe maintenant, et la bonté du roi s'en afflige; il veut préserver son peuple des flatteurs qu'il a éloignés du trône; il en défendra le berceau de son fils, car, au milieu de vos représentans, il a déclaré qu'il faisait de l'héritier de la couronne le gardien de la constitution.

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Qu'on ne vous parle plus de deux partis; il n'en est qu'un; nous l'avons tous juré; c'est celui de la liberté. Sa victoire est sûre, attestée par les conquêtes qui se multiplient tous les jours. Laissez d'obscurs blasphémateurs pro

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