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indépendamment de la seconde : les ministres ne l'avaient pas ainsi saisi, à ce qu'ils nous ont assuré. Voilà le compte exact du premier objet de notre mission. Notre second objet était de demander les raisons pour lesquelles on avait dégarni nos frontières de troupes. On avait cité Rocroi comme ayant peu d'infanterie et point de cavalerie; on avait dit que Charleville avait été dépouillé de son régiment, et qu'on demandait une augmentation de troupes à Givet. Le ministre nous a remis un détail de l'emplacement des troupes depuis Dunkerque jusqu'à Bitche, depuis Landau au fort l'Ecluse et dans les Alpes. Il nous est apparu que Rocroi n'avait effectivement que cent cinquante hommes du régiment de royal Hesse - Darmstadt ; que le régiment de Berchigny hussard avait été retiré de Charleville : le ministre nous a assuré que le remplacement de ce régiment avait été ordonné, et qu'il allait être exécuté.

» Voici le tableau général de l'emplacement de l'armée, que nous a remis M. Latour-Dupin : »

(Nous passons ce tableau.)

Nous avons fait les plus vives instances près du ministre pour qu'on s'occupât de Rocroi. J'avais eu des inquiétudes sur Marienbourg; on m'a assuré dans l'Assemblée que la garnison de Philippeville, composée de quatre escadrons, toujours partagée entre Marienbourg et Charlemont.

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Le troisième objet de notre mission était de réclamer des informations sur les mesures qui avaient été prises pour la défense du royaume et pour la sûreté de la nation au dehors. Le ministre de la guerre a dit n'avoir pu faire autre chose que de maintenir T'emplacement des troupes et des garnisons; que, quant à l'artillerie et aux fusils, on s'est seulement occupé de l'approvisionnement de la flotte.

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» Il reste à vous rapporter le compte qui vient de nous parvenir de ce que le ministre des affaires étrangères. pense de l'état politique de l'Europe par rapport à la France. Quant aux dispositions de l'Angleterre, on convient qu'elle fait des armemens considérables; qu'elle a fortifié son armée de ligne; qu'elle en embarque une grande partie; que ses

milices sont convoquées; que son escadre devient de jour en jour plus forte, que quatre, vaisseaux hollandais s'y sont réunis, que six autres peuvent s'y réunir bientôt; que la presse est si animée que les billets donnés pour l'exemption sont nuls. Il est impossible de penser que cette escadre est destinée pour le nord; les vaisseaux sont trop forts pour passer le Sund; il est d'ailleurs trop tard pour entreprendre cette navigation.

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» Les négociations avec l'Espagne sont toujours suivies Cette cour fait des propositions de paix très-raisonnables. Il paraît impossible que les forces considérables préparées par l'Angleterre aient pour objet le commerce avec l'Espagne, et qu'elles ne donnent pas des inquiétudes. Jusqu'à présent cette puissance a dépensé trente-six millions pour ses armemens. Le ministre nous a dit que, sans les fêtes de la fédération, aurait informé l'Assemblée de toutes ces circonstances, et qu'il était disposé à envoyer incessamment un mémoire. Quant à l'Espagne, on assure qu'elle ne doit donner aucune inquiétude; ses vues se bornent à empêcher la communication de ses peuples avec les nôtres. L'état de sa flotte est respectable. La réunion de ses forces maritimes s'opère à Cadix. Pour ses troupes de terre, il n'y a nul changement dans leur placement sur les frontières de la Catalogne au Roussillon, de la Navarre à la Biscaye.

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Quant à la Prusse, M. Montmorin a dit que son alliance avec l'Angleterre était certaine, que son 'influence sur la Hollande était immense ; et qu'à l'égard de la Savoie il n'y avait à Nice que deux bataillons. Il est convenu que l'avis ou plutôt l'ordre avait été donné aux réfugiés de rentrer dans l'intérieur, en emmenant avec eux le moins possible de domestiques français. On dit que cette disposition a été déterminée par la découverte d'un projet formé contre Nice par les gardes nationales de Marseille et de plusieurs autres villes de la Provence.

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Quant au Brabant, il est reconnu que l'indiscrétion d'un français a seule occasionné l'insulte qui a été faite aux armes de France. Les Brabançons se prévalent du pavillon français pour faire la contrebande, et n'en troublent pas moins notre

navigation. Le ministère semble éprouver des embarras à faire rendre justice à cet égard. Pour Chambéry et les différens postes qui s'étendent depuis Briançon jusqu'à Mont-Dauphin, depuis Barcelonnette jusqu'au Var, nous avons témoigné des inquiétudes au ministre. Il nous a dit qu'il n'avait reçu aucune nouvelle. Nous avons articulé que le roi de Sardaigne s'était permis de placer de l'artillerie sur les côtes du Dauphiné, qui, d'après les traités, ne devraient pas être garnies dé le rassemblement de troupes canons. Nous avons observé

que

qui se faisait à Chambéry ne devrait pas rester longtemps en place, puisqu'on avait préparé mille tentes.

» Nous avons fait remarquer que ces troupes, suivant les soupçons qui se sont répandus', attendaient des Piémontais, et que des anciens employés des fermes en France, qui depuis quelques jours traversent le royaume, devaient se réunir à elles. Nous avons ajouté que, d'après les procès-verbaux de plusieurs municipalités, le passage de ces commis était un fait indubitable. Le ministre ne croit pas qu'il y ait plus de 2,000 hommes à Chambéry, ni que des Piémontais doivent passer incessamment en Savoie; il ne sait rien du rassemblement des anciens employés des fermes.

» Sur tous ces détails le comité a un projet de décret à vous proposer; il a une vue particulière relative au renforcement des garnisons de Givet, de Charleville et de Mézières; il croit qu'il y aurait des inconvéniens à mêler de pareilles dispositions au décret que vous avez à rendre; il se réserve de préparer une rédaction à ce sujet. Il a aussi d'autres demandes particulières à vous faire connaître : la ville de Vienne notamment insiste plus que toute autre pour obtenir des secours militaires; des passages très-faciles et sans aucune défense permettraient à des troupes étrangères d'arriver facilement jusqu'à elle. Voici le projet de décret que vos commissaires peuvent vous présenter en ce moment. » (Voyez ci-après le décret.)

Après une assez longue discussion, qui porta principalement sur les reproches graves qu'avaient encourus les ministres et plusieurs grands personnages, le projet du

comité fut adopté, avec une addition à l'article 3, sollicitée ainsi par M. Charles Lameth:

« Je demande que l'Assemblée nationale décrète aussi que les ministres donneront des ordres aux manufactures pour fabriquer des fusils et des baïonnettes. Un très-grand nombre de municipalités m'ont écrit de parler à M. Latour-Dupin pour demander des armes; sans cela elles ne pourraient résister aux efforts des ennemis de la révolution. S'il y en avait eu à Montauban le parti patriote n'aurait pas succombé. J'ai communiqué plusieurs lettres au ministre : tantôt il m'a dit qu'il ferait tout son possible, tantôt il m'a répondu négativement. Qu'on réfléchisse un peu sur les circonstances, et on verra qu'on veut nous mettre sur les bras toutes les puissances voisines. Sous Louis XIV un peuple esclave leur a tenu tête; sous le règne de la liberté nous ne devons avoir aucune inquiétude : mais pour que le courage de la nation inspire une juste confiance il faut qu'elle soit armée. Une révolution a, comme une maladie, ses périodes et ses crises: vous avez vaincu les ennemis du dedans; il reste à combattre les ennemis du dehors. En un seul jour la ville de Paris rendit la France libre; c'est son exemple qu'il faut suivre ; mais pour cela, je le répète, il faut des armes. Je demande donc que le ministre donne des ordres pour la fabrication continue

des armes.

Voici ce décret du 28 juillet 1790:

« Art. Ier. L'Assemblée nationale déclare que, conformément au décret du 28 février, accepté par le roi, le passage d'aucune troupe étrangère sur le territoire de France ne doit être accordé qu'en vertu d'un décret du corps législatif, sanctionné par Sa Majesté.

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Qu'en conséquence les ordres émanés du secrétariat de la guerre, et adressés aux commandans des frontières du royaume, seront réputés non avenus; cependant l'Assemblée nationale se réserve de statuer sur le passage demandé par l'ambassadeur du roi de Hongrie lorsqu'elle aura connaissance du nombre de troupes, des différentes espèces d'armes

et attirails de guerre, de l'ordre, de leur objet, de leur destination.

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» Art. II. L'Assemblée nationale, instruite des plaintes portées par ledit ambassadeur du roi de Hongrie, et voulant maintenir les principes de justice qu'elle a annoncé prendre pour base de ses décrets, et pour unique motif des armemens qu'elle ordonnera, charge son président de se retirer par devers le roi pour prier Sa Majesté de donner des ordres précis à l'effet d'entretenir la police la plus sévère, et de prévenir toute infraction au droit des gens.

» Art. III. Décrète en outre que le roi sera prié de prendre vis-à-vis les puissances actuellement en guerre les précautions nécessaires pour la liberté du commerce français, et notamment sur la Meuse.

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Et attendu les réclamations de plusieurs municipalités dés frontières à l'effet d'être armées pour soutenir la constitution qu'elles ont jurée, et assurer la tranquillité publique, » L'Assemblée décrète que les ministres du roi seront tenus de donner au comité militaire connaissance des deinandes d'armes et munitions qui seront faites par les municipalités des frontières, de l'avis des directoires de département, et d'y joindre l'état des armes et munitions distribuées à ces municipalités.

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Décrète en outre que le roi sera supplié de donner les ordres les plus prompts pour la fabrication des canons, fusils et autres armes, et pour les munitions nécessaires, le tout suivant les prix et conditions qui auront été communiqués au comité militaire; qué le roi sera prié de faire distribuer des armes aux citoyens partout où la défense du royaume rendra cette précaution nécessaire, et ce sur la demande des directoires. »

Dans la même séance du 28 M. Aiguillon avait fait la motion suivante :

« J'ai demandé la parole pour appuyer l'avis des commissaires, et ajouter une clause qui me paraît nécessaire. La disposition de suspendre le passage des troupes autrichiennes est extrêmement sage: les nations voisines n'y verront que de

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