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vous ne le devez, messieurs, qu'à nos braves et vertueux vétérans, nos compagnons d'armes aux champs de Say, de Fontenoy, de Lauffeld, de Berguen, et dans les combats où, pendant trois guerres, leur courage a décidé la victoire; ce sont eux qui, par leurs exemples et leurs leçons, ont élevé l'âme des jeunes militaires qui leur ont été confiés; ils leur ont appris à être valeureux sans orgueil, subordonnés par l'amour de l'ordre, et guerriers sans cesser d'être citoyens.

» Enflammés pour la patrie, soumis à vos décrets, scrupuleux observateurs de la loi, pleins de fidélité, de respect et d'amour pour le plus juste des rois, nous sommes prêts à verser notre sang pour le maintien de la constitution sanctionnée par sa majesté, et contre les ennemis de l'Etat. »

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Réponse du Président.

Messieurs, le courage sait mettre à profit toutes les armes, et sous quelque drapeau qu'un citoyen serve sa patrie, il a des droits égaux à sa reconnaissance. Je ne rappelerai point ici tous vos titres de gloire; les nobles cicatrices dont vous êtes couverts en disent plus que toutes les paroles. Les vétérans de l'armée française en sont encore l'élite ; ils furent le salut de la patrie; ils en sont toujours l'espoir.

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Mais, messieurs, aujourd'hui qu'une meilleure constitution va rendre au caractère national toute son énergie; aujourd'hui qu'une nouvelle organisation militaire va fixer l'étendue de vos droits comine celle de vos devoirs, vous saurez rentrer dans les uns, et rester fidèles aux autres; vous ajouterez des vertus nouvelles à vos anciennes vertus, et vous serez citoyens libres sans cesser d'être soldats soumis. Vous n'oublierez point que vous devez au roi une obéissance égale à votre fidélité; que, destinés à maintenir l'ordre, c'est à vous à en donner l'exemple; que c'est la discipline qui fait la force et qui prépare la gloire des armées; que des guerriers enfin qui ne marchent qu'au nom de la loi, et pour le salut de la patrie, doivent à la première une soumission absolue, comme un dévouement sans bornes à la seconde.

» L'Assemblée nationale contemple avec intérêt cette

variété de légions, dont il n'est aucune qui ne lui rappelle et ne lui promette un triomphe. Rassurée par vous sur l'intérêt de la gloire de la France, elle vous recommande encore l'intérêt de son repos; ses travaux préparent en silence votre bonheur : le bonheur public, protégé par vous, sera sa récompense.

» L'Assemblée nationale, sensible à votre hommage, vous invite, messieurs, à assister à sa séance. »>

Discours prononcé à l'Assemblée nationale au nom de la marine de France. (Séance du 13 juillet 1790.)

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Messieurs, la franchise maritime semble avoir le droit heureux d'offrir l'hommage de la confiance, en suppliant d'agréer celui du respect : ces deux sentimens, dont le peuple français est également animé pour ses augustes représentans, acquièrent une nouvelle force dans le cœur des marins. Comment ne les ressentirions-nous pas pour vous, messieurs ! Vous êtes les pilotes de la nation; nous croyons trouver une glorieusc similitude entre vos succès et nos travaux. Accoutumés à calculer les effets des élémens, nous admirons la sagesse avec laquelle vous avez su apprécier ceux de l'opinion. Nos résultats aussi naissent au milieu des orages; il nous faut de même conserver le calme du talent dans le trouble et dans le cahos des vagues en fureur et des vents déchaînés; responsables du salut de l'équipage qui nous est confié, c'est trop souvent par des sacrifices qu'il nous faut l'assurer; l'œil toujours fixé sur le port, rien n'en détourne nos regards, et nous jouissons ensuite du bonheur inappréciable auquel vous touchez, de celui d'y avoir conduit.

» Dévoués à la fonction presque miraculeuse de rapprocher ceux que la nature avait le plus séparés, c'est par nous principalement que votre sagesse deviendra communicative; nous serons, s'il est permis de s'expliquer ainsi, les porte-voix de la liberté. Son aurore paraissait à peine à l'ouest du monde, qu'envoyés pour la soutenir nous fûmes les précurseurs du jour qui nous éclaire. Le prince qui aida l'Amérique prononça dès lors sur le sort de la France. Le zèle avec lequel il fut obéi

l'annonca, et ce zèle est récompensé s'il rend la marine encore plus intéressante à vos yeux.

» Une des qualités distinctives qui la caractérisent c'est que sa force ne peut menacer la liberté du citoyen; l'influence de cette arme est totalement extérieure, et il est impossible que, dans aucune circonstance, elle puisse désordonner les ressorts d'une constitution qui exige son accroissement. Il est attaché à celui de votre gloire; c'est en rendant votre existence nationale palpable à ceux d'entre nos voisins qui prétendraient en vouloir douter, que vous préviendrez des projets hostiles; empêcher la guerre, c'est plus que l'avoir faite : il en existe toujours une pour le navigateur; combien de dangers n'a-t-il pas à combattre, de privations à supporter, et d'offrandes de tous genres à déposer sur l'autel de la patrie! C'est par le rassemblement des connaissances humaines, et par la toute-puissance du savoir et des arts, qu'un vaisseau se construit et se dirige, de même que c'est d'après des décisions instantanées qu'il se manœuvre. Il faut qu'une volonté conservatrice décide de tous ses mouvemens, et se communique avec la même rapidité que la pensée agit sur le corps humain; ce motif suffira pour que votre sollicitude paternelle rétablisse et consacre par ses décrets une discipline dont tous les peuples ont d'autant plus connu la nécessité qu'ils ont été libres. Leurs législateurs ont pu prescrire cette discipline, parce que la latitude de tout pouvoir légitime et indispensable s'accroît par la liberté. Vous en êtes une preuve; c'est de par nous-mêmes, c'est en notre nom que vous nous commandez.

» Nos mœurs maritimes ne sont point au-dessous de votre attention. Vous vous complairez peut-être à entendre que les vaisseaux de guerre français n'étaient déjà sous l'ancien régime qu'une grande famille. Le capitaine, le général, confondus sur le gaillard avec les derniers matelots, cédaient souvent la place à la foule qui la leur disputait; ils aimaient à partager en égaux les divertissemens de tous, tandis que chez les Anglais le commandant éloigne, épouvante dès qu'il paraît, et devient le propriétaire exclusif de l'endroit où il se promène : ce n'est point ces formes nationales et précieuses dont le changement est désirable; elles n'empêcheront point

la discipline dans les objets de service dès que vous l'aurez prescrite.

» La marine militaire obéit sans peine lorsque vous lui ordonnez de ne faire qu'un avec les citoyens utiles par qui elle est nécessaire; elle s'est fréquemment enrichie de leurs actions. Le commerce a souvent daigné croire celui qui remplit l'emploi de vous assurer que cette obéissance ne peut être pénible. L'uniforme dont il est honoré, et avec lequel il a l'honneur de paraître devant vous, est un signe révéré de l'union et du dévouement civique; doublement autorisé à le porter, il a la convenance, dans le jour à jamais mémorable de la fédération, de désigner que les cœurs sont confondus. Puisse cet habit servir à obtenir pour tout le corps des marins la popularité dont ils sont dignes! Il atteste les sentimens mieux sentis par la marine entière qu'ils ne viennent d'être exprimés.

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Réponse du président.

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Messieurs, dans un empire riche et puissant tel que le nôtre, dans un empire qui possède à la fois un vaste territoire et d'importantes colonies, et qui puise, dans la fertilité de son sol comme dans l'industrie de ses habitans, de quoi fournir aux besoins et au luxe de tant de contrées; dans un tel empire, dis-je, on ne peut trop honorer la classe d'hommes qui se vouent à favoriser le commerce ou à le défendre.

» La marine française a toujours rempli avec gloire cette double fonction, quelquefois négligée, toujours redoutable; elle n'a jamais eu de commencement, et son réveil, après des années de léthargie, a toujours été celui du lion.

» Parmi les guerriers célèbres qui ont conduit nos flottes à la victoire, parmi ceux qui ont inspiré le plus de terreur à leurs ennemis, l'histoire s'est plu à confondre les rangs comme les services; Jean Bart et d'Estrées, Tourville et DugayTrouin sont placés ensemble au temple de Mémoire.

» Aujourd'hui que l'Assemblée nationale, en terrassant tous les préjugés, n'a fait de tous les Français qu'un peuple de frères, les liens qui unissent tous les corps de la marine vont encore se resserrer; ils ne disputeront désormais que de dévouement et de zèle pour leur pays : la gloire du

pavillon français se maintiendra sur toutes les mers, et l'on ne fera plus de différence entre ceux par qui se fait le commerce et ceux par qui il est protégé.

>> Cet accord de sentimens et de principes est le vœu de tous les bons citoyens. L'Assemblée nationale en reçoit de vous l'heureux augure; elle se plaît à vous voir déjà réunis par un patriotisme commun, et elle aime à vous entendre solliciter vous-mêmes cette discipline exacte qu'il est si facile d'allier avec la liberté.

>> Jouissez, messieurs, de tous les bienfaits de cette liberté pour laquelle vous feriez tout, et contre laquelle vous ne pouvez rien, et faites jouir votre pays de cette splendeur que vous êtes destinés à lui assurer dans les deux mondes.

» L'Assemblée nationale, touchée de votre hommage plein de franchise, vous invite à assister à sa séance. »

RASSEMBLEMENS DE TROUPES ÉTRANGÈRES MENAÇANT LES FRONTIÈRES DE LA FRANCE.

-MESURES

PRISES A CE SUJET PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE. Orateurs MM. Fréteau, Charles Lameth, Aiguillon.

:

La France armée proclamant lés droits de l'homme avait porté l'effroi dans les cours du despotisme, et l'astucieuse diplomatie, après avoir négocié dans l'ombre, cherchait à pousser par surprise des armées étrangères sur le sol de la liberté; déjà même elle était parvenue à s'y faire autoriser en surprenant une signature française... Peu de jours cependant s'étaient écoulés depuis que la constitution avait reçu les plus inviolables sermens, et elle allait être violée, l'Assemblée n'eût veillé avec zèle sur les autorités chargées de faire exécuter et respecter son ouvrage.

Le 27 juillet 1790, dès l'ouverture de la séance, M. Dubois-Crancé fit lecture à l'Assemblée de plusieurs pièces authentiques qui venaient de lui être communiquées par les administrateurs du départemen: des Ardennes, et desquelles il résultait que des troupes autrichiennes avaient obtenu de M. Bouillé le passage sur les terres de France; que depuis peu les points les plus importans des fron

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