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sence. Alors vous entendrez autour de vous répéter le cri de vive la loi, et cette loi est votre ouvrage; le roi verra un grand nombre de ses enfans se presser autour de lui, élever un cri de vive le roi, prononcé par la liberté, et ce cri sera celui de la France entière! »

Décret de l'Assemblée nationale.

L'Assemblée nationale accueillit avec empressement le vœu si bien exprimé de la commune de Paris. Divers décrets, successivement rendus, prescrivirent les dispositions nécessaires à la grande solennité qui allait pour ainsi dire réunir dans Paris la France entière. L'un de ces décrets donna lieu à une discussion des plus importantes; il avait pour objet, non la vaine étiquette des cours, mais l'ordre à observer dans ces augustes cérémonies où les nations libres doivent se montrer dans tout l'éclat de leur puissance et de leur majesté. Pour l'intelligence de cette discussion il est indispensable de connaître le décret; le voici tel qu'il fut d'abord proposé par M. Target, au nom de comité de constitution, dans la séance du 9 juillet 1790:

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Art. 1oг. « Le roi sera prié de prendre le commandement des gardes nationales et des troupes envoyées à la fédération générale du 14 juillet présent mois, et de nommer les officiers qui exerceront ce commandement en son nom et sous ses ordres.

Art. 2. » En toutes cérémonies publiques le président de l'Assemblée nationale sera placé à la droite du roi, et sans intermédiaire entre le roi et lui.

» Les députés seront placés immédiatement tant à la droite du président qu'à la gauche du roi.

Art. 3. » Après le serment qui sera prêté par les députés des gardes nationales et autres troupes du royaume, le président de l'Assemblée nationale répétera le serment prêté le 4 février dernier, après quoi les membres de l'Assemblée, debout et la main levée, prononceront ces mots : Je le jure. Art. 4. » Le serment que le roi prononcera ensuite sera conçu en ces termes : Moi, premier citoyen, roi des Fran

cais, je jure à la nation d'employer tout le pouvoir qui m'est délégué par la loi constitutionnelle de l'Etat à maintenir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par moi, et à faire exécuter les lois. »

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DISCUSSION.

M. l'abbé Maury. (Séance du 9 juillet 1790.)

Quelque danger qu'il puisse y avoir à venir énoncer son vœu sur des questions constitutionnelles infiniment délicates par leur nature, plus encore par les circonstances, et qu'il a été impossible de méditer, j'ai cru qu'il était de la dignité d'un représentant du peuple français de faire hommage à l'Assemblée des réflexions qu'a pu lui suggérer la lecture rapide d'un projet de cette importance; il est dans la nature de notre gouvernement, et surtout dans nos cœurs, que la France est une monarchie. Le principe le plus essentiel d'une monarchie c'est que le chef suprême de l'Etat est le seul dépositaire de la force publique. S'il existait en France une force armée indépendante du monarque, la France ne serait pas une monarchie.

» J'ai donc dû être sensiblement affecté lorsque j'ai entendu le comité de constitution vous proposer de prier le roi de prendre le commandement des troupes et des gardes nationales. Une pareille proposition me paraît peu conforme à la majesté du roi des Français. Cette formule semble indiquer qu'on pouvait proposer à un autre citoyen, sous les yeux mêmes du roi, de prendre le commandement de cinquante ou soixante mille hommes le jour où ce citoyen recevrait de vous le commandement vous auriez établi deux rois comme à Sparte, et ce manichéisme politique renverserait la monarchie. Je demande donc, par amendement à l'article 1er, que l'Assemblée, déclare que toutes les troupes rassemblées au Champ-de-Mars n'auront pas d'autre chef' que le chef suprême de la nation, déjà déclaré par la constitution chef suprême de l'armée. (On applaudit de toutes parts.)

» J'aborde le second article. Je pense que le président

de l'Assemblée nationale doit être placé à la droite du roi, sans intermédiaire, et les députés tant à la droite du président qu'à la gauche du roi, qui sans doute ne peut avoir un plus noble cortége. Mais dans une monarchie héréditaire, où il est de principe constitutionnel que la royauté doit passer de mâle en mâle, suivant l'ordre de primogéniture, ne doit-on pas vouer un respect particulier aux princes qui peuvent succéder à la couronne? Ne doit-on pas accorder une place d'honneur aux princes da sang qui pourront accompagner Sa Majesté? (Murmures.)

» Je me serais bien mal expliqué si l'on concluait que je demande un intermédiaire entre le roi et la nation; il ne peut y en avoir les distinctions qu'on accorde dans les assemblées publiques à ceux que leur naissance unit à la majesté du trône ne sout qu'un hommage de pluș rendu au roi. Ne sait-on pas qu'il existe toujours entre eux et le monarque, selon l'expression très-familière, mais très-énergique, de Montesquieu, l'épaisseur d'un royaume? Le dauphin, la compagne du monarque, ne doivent-ils pas jouir des mêmes honneurs que le monarque? S'il s'agissait d'établir une hiérarchie de puissance, sans doute je dirais : il n'y a rien, il ne peut rien y avoir entre le roi et la nation; mais il s'agit d'honorer laation et le roi, en honorant la famille royale, la famille du roi; il s'agit d'une cérémonie où le roi ne paraîtra pas pour exercer sa puissance;, il se trouvera pour la première fois au sein de la grande famille. Ajoutez aux sentimens dont il sera frappé la satisfaction intime et domestique d'être au milieu de sa famille propre, qui est aussi la famille de l'Etat; le patriotisme nous invite à remplir l'âme de notre roi de ces émotions délicieuses qu'il fait si bien éprouver; multiplions ses consolations et ses jouissances; ne le séparons pas de son fils, de sa compagne, dans un moment où il jouira de tant de biens à la fois, où il contractera tant d'engagemens,

» Généreux représentans d'un peuple libre, d'un peuple célèbre par son amour pour ses rois, n'imitez pas ces despotes de l'Orient qui renferment dans une prison toute leur famille, qui condamnent l'héritier du trône à languir dans

l'esclavage, et qui ne l'arrachent à son cachot que pour en faire le lendemain le plus absolu des despotes. Puisque votre trône est héréditaire, puisque c'est là une maxime fondamentale de l'Etat, la nation ne peut trop décerner d'honneurs à ceux qui y ont des droits. C'est par cette affluence d'hommages que vous pourrez récompenser votre roi d'avoir réhabilité la nation dans tous ses droits : vous ne voulez pas que la famille de notre monarque soit la seule à qui il reste des désirs à former dans ce jour à jamais solennel.

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le vœu

J'adopte le troisième article tel qu'il est proposé par le comité. Quant au quatrième, je ne m'oppose pas aux promesses glorieuses que le roi doit y faire de maintenir la constitution qu'il a acceptée; mais je désirerais que de l'Assemblée ne fût pas énoncé par une formule impérative; je voudrais que le serment du roi des Français ne fût pas différent de celui de tous les Français. C'est là qu'il sera beau de le voir se confondre avec eux; c'est là que son patriotisme et ses vertus pourront se livrer à toute leur énergie. Invitons-le donc par une députation à prendre en considération le serment que prêteront et l'Assemblée nationale et les députés de la France armée. Invitons-le à le prêter lui-même : il est des sermens qui sont particuliers au roi; ce n'est qu'à son sacre qu'il les prête. Cette disposition ne préjugera rien ni sur le serment ni sur la signature que vous exigerez de lui lorsque l'ouvrage de la constitution sera terminé. Est-il quelque chose de plus propre à entretenir l'harmonie entre la nation et le roi que de l'entendre exprimer au milieu des députés de toutes les parties du royaume le même sentiment que ses sujets! Le plus bel acte de patriotisme que puisse faire un roi, c'est sans doute, à l'exception de la fidélité qui lui est due, de prononcer le même serment que tous les individus soumis à son empire. Tel est le serment que, dans mon opinion, le roi peut être invité à prêter. »

M. le président.

« Je dois rendre compte à l'Assemblée que lorsque je me suis rendu hier ehez le roi pour présenter plusieurs décrets

à sa sanction il m'a fait l'honneur de me dire que son intention était de se rendre à la confédération avec sa famille et ses principaux officiers. »

M. Barnave.

« Je pense, comme le préopinant, que nul autre que le roi ne doit être le chef de la fédération, et, comme le comité de constitution, qu'il doit l'être par un acte du corps législatif sanctionné par lui.

» Le premier motif, c'est qu'il n'y a aucune espèce de relation entre cette qualité de chef de la confédération et celle de chef du pouvoir exécutif; c'est un de ces actes qui n'ont lieu que dans le moment où la constitution se fait, et qui par conséquent n'ont pu être prévus par elle; c'est un de ces actes où tous les pouvoirs remontent à leur source, et où la puissance de la nation est la seule puissance, et peut seule dicter les lois et les règles. C'est donc à la souveraineté des pouvoirs à décider qui aura le commandement de la confédération; il faut donc un acte exprès. Vous avez décrété que le roi est chef immédiat de l'armée; mais la constitution n'a pas dit encore qu'il était chef immédiat des gardes nationales... (Murmures.) Je ne prétends pas dire que le roi ne doit pas être chef de la confédération; mais je dis qu'on ne peut pas le déclarer en ce moment par la conséquence d'un décret qui n'existe pas, et qu'il faut un décret provisoire.

» Je passe au second article, sur lequel je ne suis pas de l'avis du préopinant. Il est de principe qu'il n'existe en France qu'un roi, qu'un chef, et que tout le reste doit être confondu dans la classe commune. Il est des circonstances où l'on doit distinguer ceux qui tiennent au roi par les liens du sang; mais dans une cérémonie nationale, mais quand il s'agit des pouvoirs, il ne doit y avoir de distinction que pour les personnes revêtues de fonctions publiques. Ainsi à cet égard le projet du comité est indispensable; on doit encore l'adopter en ce qu'il établit que le président de l'Assemblée nationale sera placé à côté du roi, et que les députés seuls environneront l'un et l'autre. Placer des

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