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Si mes moyens me l'eussent permis, je ne me serais pas réduit à ces mesures défensives; j'aurais attaqué les rebelles; mais la ville contenant des rassemblements d'hommes dangereux, et un complot étant évidemment concerté entre les nègres de la ville, et ceux de la plaine, je fus obligé de laisser les troupes dans la ville: j'écrivis à tous les commandants espagnols pour leur demander des secours et pour les prier d'ordonner à leurs troupes de se réunir aux troupes françaises, quand elles en seraient requises; j'envoyai une dépêche au commandant général de Santo-Domingo, pour le prier 'd'autoriser l'envoi de ces secours, conformément à l'article IX du traité entre les cours de France et d'Espagne. J'écrivis aussi au gouverneur de la Jamaïque, et au président des Etats-Unis, pour leur demander des secours en hommes; j'y fus invité par l'assemblée générale qui, de son côté, a envoyé des commissaires pour faire les mêmes demandes. Les réponses ne sout pas encore parvenues. Cependant Don..... m'a accusé la réception de ma lettre, et m'a mandé qu'il allait rassembler des troupes sur la frontière de la partie espagnole de l'île, et qu'aux ordres du général, il les ferait entrer dans la partie française. Déja il est arrivé en rade cent cinquante Américains qui se sont offerts généreusement, et dont j'ai accepté les services. Ils se conduisent parfaitement bien.

L'assemblée générale, sur l'offre que lui ont faite les gens de couleur, de partager les peines et les fatigues, des troupes patriotiques et de ligne, a accepté leurs secours. Ils ont laissé pour garantie de leur fidélité, leurs femmes, leurs enfants et leurs propriétés. Ces dispositions sages nous donnent l'espoir de réduire plutôt les nègres en marchant contre eux. En effet, les gens de couleur sont craints des nègres; ils connaissent toutes

leurs allures et leurs projets. Ils seront d'un grand soulagement pour les troupes de ligne et patriotique. J'en ai répandu un grand nombre de différents postes, mais j'en conserve encore la plus grande partie dans la ville, pour nous secourir au besoin. La marine royale m'a demandé à occuper un poste à Mornicheld, où elle fait le service avec le plus grand zèle. Quoique le Cap soit l'objet de mes plus vives sollicitudes, j'ai aussi de grandes inquiétudes sur le sort des autres provinces. Je leur ai envoyé des secours, plus en munitions qu'en hommes, car les moyens me manquent. Sur la demande des assemblées provinciales, j'ai envoyé des commandants, pour se mettre à la tête des troupes patriotiques et en former des corps capables de repousser toute attaque. La Tortue pourrait devenir un point de retraite; j'y ai donc envoyé des canons et des munitions de toutes espèces. La révolte sera donc arrêtée par-là, et ne se communiquera pas aux provinces du Nord et du Sud, à moins qu'elle n'y soit excitée par des blancs philanthropes, qu'on soupçonne beaucoup avoir été envoyés de France, pour faire cette étonnante révolution. En ce cas, les colonies seraient perdues sans ressource. L'assemblée générale, s'occupant de tout ce qui pouvait tendre au salut des colonies, et considérant que trois régiments coloniaux étaient nécessaires non-seulement pour sa sureté, mais pour entretenir les individus que les circonstances ont privé de toutes ressources et de tous moyens de subsistances, j'ai approuvé son arrêté, dont je vous envoie un exemplaire.

M'étant aperçu que les troupes patriotiques n'étaient pas bien persuadées que la discipline était le seul moyen de sauver la colonie, j'ai fait un règlement dont l'assemblée générale a approuvé toutes les dispositions. J'ai rédigé aussi un projet de proclamation que j'ai présenté à l'as

semblée

semblée générale. Elle l'a trouvé impolitique; il n'a pas eu de suite; je crois cependant qu'il eût été d'un heureux effet; je l'avais écrit dans un style à la portée des nègres. J'ai proposé à l'assemblée générale de me mettre en plaine avec le régiment du Cap, dont il me reste 100 hommes, avec 400 hommes de couleur, et tous les volontaires que j'aurais pu rassembler; mais la crainte que l'on a ici des nègres renfermés dans la ville même, a mis obstacle à ce projet ; quoique je persiste à croire que ce serait le seul moyen de réduire les séditieux. Mon projet a été unanimement rejeté, et l'on m'a donné de si bonnes raisons, que je n'ai pu y résister. J'ai autant de caractère qu'un autre; mais j'ai de la prudence, et étant placé si près des représentants de la colonie, j'ai cru devoir leur communiquer mes projets. Afin de couvrir ma responsabilité, j'ai demandé au gouvernement espagnol 6000 fusils, 1000 pistolets et 1000 selles. Notre arsenal est vide, dans toute l'étendue du terme, à l'exception d'une petite quantité de poudre et de balles qui s'y trouvent. Je vous prie donc de m'envoyer des secours. Je ne puis pas encore faire positivement l'état de mes besoins; mais ils sont immenses en tout genre. Je vous prie de m'envoyer 15000 fusils munis de baïonnettes, pour armer les troupes patriotiques, 6000 pistolets, 6000 sabres, 6000 hommes de troupes de ligne, 2 vaisseaux de ligne, 2 frégates, et un nombre proportionné de corvettes, et en même temps 6000 selles pour la cavalerie volontaire.

Je vous fais passer ma dépêche par le gouverneur de la Jamaïque. Le style en est détestable; mais les distractions continuelles que j'éprouve par les courses que j'ai à faire, et par le nombre des personnes qui viennent à chaque instant s'adresser à moi, ne me Tome II.

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permettent pas d'employer le temps nécessaire pour écrire avec éloquence.

N.o XIV. (Page 98.)

Lettre de Saint-Domingue, du 13 septembre

1791.

Cent mille noirs sont révoltés dans la partie du nord. Deux cents sucreries sont incendiées; les maîtres sont massacrés ; les femmes qui ne sont pas tuées, sont dans un esclavage pire encore. Déja les nègres ont gagné les montagnes. Le fer et la flamme y montent avec eux. De toutes parts, femmes, enfants, vieillards, échappés au carnage, cherchent leur salut sur les vais

seaux.

Trop faibles pour résister à ce torrent, nous avons écrit aux insulaires nos voisins. Ils arrivent assez tôt pour prévenir notre anéantissement total; mais ils ne nous rendront pas nos richesses. La source en est tarie à jamais. Nous ne vous apprendrons pas la cause de nos malheurs, elle vous est connue; mais, s'il faut périr, nos derniers regards se tourneront vers la France, nos derniers vœux seront pour elle.

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Les Français rassemblés au-delà des frontières du royaume, sont, dès ce moment, déclarés suspects de conjuration contre la patrie.

II. Si, au 1er janvier 1792, ils sont encore dans le même état de rassemblement, ils seront déclarés coupables de conjuration; ils seront poursuivis comme tels, et punis de mort.

III. A cet effet, dès le 15 janvier prochain, la hautecour nationale sera convoquée, s'il y a lieu.

IV. Les revenus des accusés condamnés par contumace, seront, pendant leur vie, perçus au profit de la nation, sans préjudice des droits des femmes, des enfants, et des créanciers des condamnés.

V. Dès-à-présent les revenus des princes français absents du royaume sont séquestrés. Nul payement de traitements, pensions ou revenus quelconques ne pourra être fait directement ni indirectement auxdits princes ni à leurs mandataires et délégués, sous peine de la responsabilité, et de deux années de gêne, contre les ordonnateurs et payeurs.

VI. Toutes les diligences nécessaires pour les séquestres ordonnés aux articles précédents, seront faites à la requête des procureurs-généraux-syndics des départements, et sur la poursuite des procureurs-syndics de districts, et les deniers en résultants seront versés dans

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