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ter cent mille écus qu'elle sacrifia à cet usage; IV. Ep. et tel est le calcul ordinaire de la passion; pour

mieux tromper,

elle aveugle.

1791.

14 nov.

Les premières délibérations de l'assemblée eurent pour objet les émigrations qui devenaient, chaque jour, plus nombreuses. Une proclamation du roi, à ce sujet, n'avait été qu'un acte de sa volonté, mais sans effet. Le rapport 14 oct. du ministre portait à dix-neuf cents, le nombre des officiers qui avaient abandonné l'armée. On proposa d'en afficher la liste; cette mesure parut cruelle et fut encore rejetée.

Cependant l'attitude et les démarches des princes donnaient de justes inquiétudes. La notification du roi, de son acceptation constitutionnelle, avait été reçue froidement dans les différentes cours de l'Europe; les ministres envoyés de la France, étaient traités avec peu d'égards; celui de Russie reçut même l'ordre de ne point paraître à la cour. L'impératrice avait envoyé à Coblentz le comte de Romanzof, qu'elle avait accrédité près des princes; eux-mêmes avaient des envoyés caractérisés auprès de plusieurs souverains. L'empereur seul manifesta, par quelques actes publics, une sorte d'adhésion au nouveau gouvernement français: il sévit contre quelques insultes faites à la cocarde nationale dans le Brabant; il fit communiquer, , par le commandant militaire de ses

III. Ep. troupes, une note adressée au duc d'Uzès, 1791. concernant certaines dispositions relatives aux Pièces i émigrés français, qui leur interdisaient tout

(12).

rassemblement, même sans armes. Mais, en même temps, son état militaire dans les PaysBas était journellement augmenté par de nouveaux corps. Presque tous les autres souverains avaient des envoyés à Coblentz. L'Angleterre n'agissait pas et faisait tout agir.

Dans ces circonstances, l'assemblée voulut connaître l'état militaire de la France, et appela le ministre. Il résultait de son rapport que l'armée, à l'effectif, était de 145 mille hommes, dont 27 mille à cheval, et 8 mille d'artillerie : au complet, elle eût dû être de 212 mille. A cela, il fallait ajouter 107 mille hommes de bataillons de gardes nationales, dont près de moitié étaient déja formés. Dans cet état, n'étaient pas compris environ 50 bataillons de gardes nationales, jadis connus sous la dénomination de gardes-côtes: 45 places fortes, remises en état avec une prodigieuse activité, ajoutaient à ces moyens de défense; les arsenaux s'armaient tous les jours, et les magasins contenaient des vivres pour 200 mille hommes, pendant un an. Ce tableau était rassurant sans doute, et les événements ultérieurs prouvèrent qu'un peuple qui "veut, est toujours armé.

A ces moyens, on crut devoir ajouter des

mesures

1791.

mesures législatives. D'après une opinion très- IV. Ep. prononcée de Brissot, dans un discours où se trouvèrent indiqués tous les moyens qui furent employés ensuite contre les émigrés, une proclamation prononça la déchéance du droit de régence contre le frère aîné du roi, si, dans le délai d'un mois, il n'était pas rentré dans le royaume. On ne s'attendait pas que cette mesure pût produire aucun effet. Monsieur serait revenu, que les autres princes n'en fussent pas moins restés à la tête des émigrés, et un prétexte à la coalition des puissances étrangères. Mais, selon le plan d'isoler le roi, de le fatiguer, et d'amener la guerre, cette mesure allait au but. Si le roi refusait la sanction à ce décret, on le brouillait au dedans; et, s'il la donnait, il se brouillait au dehors : c'était un premier pas vers la guerre à laquelle on voulait le forcer.

Brissot était un homme d'un esprit supérieur, Pièces j. très en état de remplir le rôle dont il s'était (45). chargé. Un long séjour dans les États-Unis d'Amérique, des écrits politiques, faits avec art, lui avaient acquis une considération littéraire : sans autre principe moral que le plus grand intérêt de son opinion du moment ou de son parti, tout entier à ses premiers aperçus en politique et en législation, sa conduite fut soutenue dans le sens de l'exagération, et ce système était alors le plan adopté et suivi par les ennemis de la Tome 11.

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IV. Ep. France. Brissot eut aussi une grande part aux 1791. événements des Colonies françaises en Améri

que leur désorganisation était le premier et peut-être alors le seul objet des spéculations ministérielles de Pitt.

Les nouvelles les plus désastreuses étaient arrivées de Saint-Domingue, où les nègres rassemblés en armes, avaient incendié les habitations et égorgé les blancs. Le commandant, Blanche9 nov. lande, écrivait au ministre qu'il espérait cependant arrêter les progrès de la révolte, à moins Pièces j. qu'elle ne soit excitée par des blancs philan

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thropes, qu'on soupçonne beaucoup avoir été envoyés d'Europe pour faire cette étonnante révolution. Brissot était un des principaux membres de la société des Amis des noirs, dont les principes, philosophiquement très-vrais, ne pouvaient cependant recevoir une application brusque, sans causer tous les malheurs qui arrivèrent. On soupçonnait aussi beaucoup le gouvernement anglais d'exciter le système de cette philanthropie, qu'il était loin de vouloir imiter.

Sur ces nouvelles, l'assemblée renvoya au pouvoir exécutif, et l'on fit passer immédiatement des forces militaires; mais le ministre ayant demandé dix millions pour les frais de cet armement, sur la motion de Brissot, et malgré le décret proposé par le comité, l'assemblée passa à l'ordre du jour, à cause d'un défaut de

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1791.

formalité qui se trouvait dans le message. Les 1V. Epi Espagnols, et même le gouverneur de la Jamaïque, avaient déja donné quelques secours d'armes et de munitions.

Cet événement fit une courte diversion aux deux grandes questions qui agitaient l'assemblée. Une loi contre les émigrés et contre les prêtres insermentés. La première embarrassait, depuis longtemps, parce qu'il était difficile de signaler le Français émigré avec des intentions hostiles, et de le séparer du simple voyageur, ou de celui que la contrainte et la violence avaient forcé d'abandonner sa terre natale. D'ailleurs, déja commençait une politique secrète, soutenue par les relations du dehors au dedans, de la part des chefs qui, craignant d'être abandonnés, rendaient difficile la rentrée de ceux qui étaient sortis, et provoquaient, de tous leurs moyens secrets, les lois prohibitives et dont l'effet était de lier à eux sans retour ceux qui s'étaient une fois rattachés à leur fortune. On retrouvera, par la suite et souvent, cette concordance d'intérêts semblables, avec des moyens ostensibles qui semblaient diamétralement opposés. Après plusieurs séances de 9 novi discussion, l'assemblée adopta enfin un projet de décret en quinze articles : par le premier, << sont déclarés suspects de conjuration tous Français rassemblés au-delà des frontières. »

Pièces j.

(15).

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