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l'extinction des droits féodaux. Les dixmes inféo- IV. Ep.. dées étaient déclarées rachetables, ainsi que la. plupart des droits fonciers; le mode de rachat n'était pas élevé; mais ne pouvant être partiel, il était rendu difficile. Il faut toujours se placer à l'époque de la clôture de l'assemblée constituante. Tout ce que les lois subséquentes ajouterent de plus, fut motivé par l'état de guerre ouverte, et n'eût point été fait, si l'état de guerre ne l'eût motivé. Les droits honorifiques, les distinctions, étaient supprimées; mais l'état militaire, celui de presque toute la noblesse, venait de prendre sa part de l'égalité civile, attribuée à toutes les fonctions publiques; et la noblesse, que l'on appelait des provinces, parce qu'elle n'allait point à la cour, venait d'être appelée à tous les hauts grades militaires dont la cour la tenait exclue depuis longtemps; et, par un usage soutenu, qui avait presque acquis force de loi, cette noblesse n'était plus condamnée à servir longuement dans les grades subalternes, à borner son ambition aux emplois longtemps attendus de grades inférieurs; l'ancienneté avait les deux tiers des emplois assurés, et le tiers, qui restait à la disposition du roi, pouvait encore suffire aux ambitions pressées, aux talents hors de ligne, et même à la faveur du prince. La noblesse, par un mouvement plus généreux que réfléchi, sacrifia ses

en

IV. Ep. familles, ses propriétés, pour la cour, pour 1791. les grands qui la composaient, et qui peut-être n'avaient pas mérité d'elle ce dévouement. Si l'on eût voulu ensuite considérer ce que les propriétés, l'éducation, les lumières acquises, l'habitude, les préjugés mêmes, laissèrent encore à la noblesse, propriétaire dans ses champs, quoique n'étant plus seigneur dans ses terres, on eût vu qu'avec une conduite très-sage et un peu adroite, les voix électives lui étaient, grande partie, assurées dans les assemblées politiques, et que les places de représentants de la nation, dans les corps législatifs, valaient bien les places amovibles que la faveur donnait ou promettait aux courtisans. La constitution offrait, par le fait, à la ci-devant noblesse, deux grandes successions à recueillir, celle du clergé et celle des parlements; et le seul mot ci-devant, la fit renoncer à ces deux successions: elle abandonna tout pour suivre ceux qui ne l'eussent pas suivie, si elle eût été exilée seule. Mais c'est une observation que confirment l'expérience et l'histoire : les mêmes hommes qui, dans leurs affaires personnelles et domestiques, sont sages, prudents, éclairés: en affaires publiques et politiques, deviennent passionnés, emportés et imprévoyants. Tel un voyageur isolé suit paisiblement sa route et marche au but; est-il engagé dans une foule, il en partage les

mouvements et l'agitation, et s'égare avec elle. IV. Ep Beaucoup d'hommes savent se conduire, peu savent conduire les autres.

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Les affaires des colonies, et surtout celles de 24 sept. Saint-Domingue, vinrent encore réclamer les derniers moments de l'assemblée constituante; ses derniers décrets n'y avaient pas réussi, et Barnave vint annoncer qu'il fallait, ou perdre les colonies, ou capituler un moment avec les préjugés et les intérêts. On prit un décret provisoire qui laissait aux assemblées coloniales le droit de statuer sur l'état des hommes non libres, et l'on renvoya le tout à la prochaine législature.

Déja la plupart des membres étaient arrivés; ils avaient leur place dans la salle, pendant les séances. Le 29 septembre, le roi fit annoncer qu'il viendrait le lendemain faire la clôture de l'assemblée. Avant l'arrivée du roi, on essay a quelques dispositions repressives contre les clubs; on leur interdit la faculté de tous actes collectifs. Le roi entra à quatre heures, et prit place comme le jour de son acceptation. Son discours fut souvent interrompu par de vifs applaudissements, lorsqu'il invita les membres de l'assem- Pièces j. blée de donner, à leur retour, l'exemple de l'ordre et de la soumission aux lois. On lui répondit, comme en choeur: Oui, oui.-Soyez-y les interprètes de l'intégrité de mes sentiments auprès de mes concitoyens. -Oui oui.-Dites-leur à tous

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IV. Ep. que le roi sera toujours leur premier et leur plus fidelle ami. Une voix s'éleva: C'est un discours 30 sept. à la Henri IV. La réponse du président appuya beaucoup sur les obligations et les devoirs des nouveaux législateurs envers la constitution décrétée et acceptée. On en sentait déja le besoin. Peu d'heures avant l'entrée du roi, la municipalité de Paris était venue apporter ses hommages et ses adieux. Bailli portait la parole, et sa première phrase était belle : « Vous avez été <«< armés du plus grand pouvoir dont les hommes puissent être revêtus; vous avez fait les des<< tinées de tous les Français; mais aujourd'hui, « ce pouvoir expire : encore un jour, et vous ne << serez plus. >>

1. Oct.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

C'ÉTAIT une grande époque, celle où de nouveaux législatcurs, représentant la nation, venaient, sans autre acte, remplacer d'un jour à l'autre, la première assemblée nationale. Ce premier exercice de la permanence des assemblées représentatives cautionnait le nouvel ordre de choses; et, selon tous les calculs de probabilité humaine, c'était poser la clef à la voûte de l'édifice social. Il en arriva autrement. Les exemples de nation à nation,

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ne sont pas plus concluants que les exemples de IV. Ep. siécle à siécle. Les gouvernants doivent supposer les hommes bons et ne point présumer le mal; les législateurs, au contraire, devraient toujours supposer l'homme méchant, et présumer le mal, afin de le prévenir. Un peuple de justes n'aurait pas besoin de lois : « Et nous aussi, nous voulons faire une révolution, répondit un des meneurs de la première législature, à l'un de ses collégues, qui lui remontrait qu'il allait au renversement de la constitution faite.

Les élections s'étaient ressenties des intérêts et des passions. Depuis l'acceptation du roi, le système d'arrêter la révolution avait fait place à un autre système déja essayé, celui de la renverser sur elle-même par l'exagération de ses principes et par l'abus de ses lois. On ne pouvait plus espérer de faire élire des hommes, amis de l'ancien régime, on tâcha de faire élire des hommes, ou amis exagérés du nouveau, ou ce qui valait mieux encore, des homme feignant d'être tels. Danton déja connu dans l'assemblée de la commune de Paris, quoique sous le poids d'un décret de prise corps, vit son élection maintenue. Fauchet, prêtre, que l'on voulut exclure, au même titre, fut porté en triomphe, de sa maison épiscopale de Caen, par l'assemblée des électeurs, élu

de

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