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IV. Ep. testamentaires, et telle était déja l'exaspération des partis, que les opinions. politiques divisaient les familles; souvent les vengeances survivaient et poursuivaient au-delà du tombeau les objets de leur haine. Une loi annulla toutes les dispositions d'exhédérations qui portaient un caractère d'esprit de parti, ou qui semblaient faites pour cause de la révolution. On vit même le testament d'une femme, dépouiller ses héritiers de son bien, pour le léguer à la nation : l'assemblée refusa ce legs et le rendit aux parents. Tant que l'espoir des empêchements extérieurs, ou des débats internes avait contenu les animosités de parti, et que les intérêts particuliers purent se flatter que l'ouvrage entrepris, ou ne se finirait pas, ou se finirait sur d'autres principes que ceux qui l'avaient commencé, on ne vit que des oppositions violentes et momentanées; mais lorsque l'acceptation solennelle du roi ne laissa plus de retour à espérer, alors toutes les passions contenues se déchaînèrent; il sembla que la trève était rompue, et que l'on n'avait plus qu'à combattre. C'est à cette époque de l'acceptation et de la clôture, qu'il faut rapporter le plan combiné entre les chefs français émigrés et les puissances étrangères. L'Angleterre surtout sous les dehors d'une paix feinte, et avec les apparences de relations amicales, nous observait et crai

gnait

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gnait pour elle-même une constitution qui don- IV.• Ep. nait à la France un gouvernement libre. Elle 179. en connaissait les avantages, et prévoyait un accroissement de puissance nationale, dont s'alarmait, avec raison, son ancienne rivalité. Ce Pitt, disait Mirabeau mourant, est le ministre des préparatifs. Pitt était effectivement le premier ministre de la coalition qu'il préparait contre la France: riche de son génie et de l'or de sa nation, il résolut de tourner la révolution de France contre elle-même, et se vanta qu'il la rangerait parmi les puissances du second ordre; il craignit, surtout, que l'esprit de la révolution française ne gagnât l'Angleterre; il crut que son gouvernément, déja représentatif, donnait plus de prise aux opinions françaises; il eût pu voir que cette même raison lui donnait au contraire plus de moyens pour s'en dé❤ fendre; il avait, d'ailleurs, épuisé dans son premier âge toutes les jouissances d'un ministère tranquille et absolu au dedans; son ambition lui montrait la célébrité et une gloire de plus à devenir le régulateur des intérêts et des forces de l'Europe; il sentit qu'il fallait d'abord la pacifier pour la diriger selon ses vues. La guerre des empereurs de Russie et d'Allemagnè avec les Turcs, fut terminée par deux traités de paix qui furent presque simultanées, et laissait à ces deux puissances des armées nombreuses et Tome II.

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IV. Ep. aguerries. Le successeur du grand Frédéric 1791. dissipait les trésors réservés par son prédécesseur; For de Londres disposait de lui: ces trois puissances devaient disposer de toutes les autres. On s'attacha, dans les négociations, à établir deux points; l'un, que la constitution française, destructive du pouvoir monarchique, était un dangereux exemple qu'il ne fallait pas laisser au peuple; que ses succès, s'ils étaient possibles, étaient plus à craindre encore que ses inconvénients, parce qu'ils devaient accroître sa puissance à un degré qui finirait par rompre tout équilibre; l'autre, que la France, après ses agitations, et après 18 ans de paix, avec une armée désorganisée, dont les officiers s'étaient retirés de gré ou de force, n'avait aucun moyen de résistance, et par ses divisions intestines, et par la nullité de sa force militaire. On était assuré d'un parti nombreux au dedans, qui n'attendait que les moyens de se réunir. Coblentz était le point central de la réunion des français émigrants; les princes s'y étaient fixés, et de là, par leurs envoyés, correspondaient avéc leurs partis au dedans, et avec les cours étrangères. Tout fut réglé, ou du moins préparé et convenu, à l'entrevue de Pilnitz, en Saxe, où l'électeur reçut l'empereur, et le roi de Prusse; les conférences y durèrent quatre jours, et le comte d'Artois y assista avec le général Bouillé,

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Le traité fut signé le 27 septembre. L'article IV." Ep. qui concernait la France, était plutôt commi- Pièces j. natoire que définitif. Les deux rois s'engageaient à unir leurs forces pour rétablir en France la monarchie sur des bases également convenables aux droits des souverains, et au bien-être de la nation française. En attendant, les troupes des deux puissances devaient recevoir les ordres convenables pour être à portée

de se mettre en activité.

Certainement, d'après l'opinion que l'on avait alors de l'état militaire en France, les armées de Prusse et d'Autriche devaient paraître suffisantes pour remplir le but proposé; on ne pouvait douter de l'Espagne et des souverains de la maison de Bourbon. Une partie de l'Italie dépendait de la maison d'Autriche; le roi de Sardaigne avait aussi des intérêts de famille à soutenir, par ses alliances avec les deux princes frères du roi; la Hollande, soumise alors au stathoudérat, ne pouvait séparer sa cause de l'Angleterre; l'impératrice de Russie s'était expliquée sur les événements de la révolution française, de manière à ne pas faire craindre une diversion; ainsi, la France était bien surement isolée et abandonnée à ses propres forces. Il est évident que si la coalition retarda l'exécution de ses projets, l'acceptation formelle du roi en fut la cause; car, ce prétexte d'une

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IV. Ep. invasion était levé, et encore en fallait-il un pour envahir une monarchie dont le monarque et les habitants étaient d'accord sur la nature. du gouvernement qui les ralliait. Aussi, tout concourt à prouver que si la législature se fût tenue dans les bornes que s'était prescrites l'assemblée constituante, pendant les derniers mois de sa session, une seule année de calme et de réorganisation intérieure eût mis la France dans un état de force qui eût ôté à ses ennemis l'envie de l'attaquer; mais c'est en cela même que péchaient les nouvelles lois constitutives. Elles avaient oublié, dans leur code, l'article des passions humaines; donnant assez pour agir à la bonne volonté, elles n'avaient pas ôté les moyens d'agir à la malveillance.

On ne peut s'empêcher de s'arrêter un moment sur ce système d'émigration qui a coûté tant de maux aux français du dedans et du dehors, que c'est presque une question aujourd'hui de savoir auxquels elle a été plus funéste; et, laissant à part tous motifs de civisme et de moralité, à ne considérer que l'intérêt politique de la noblesse, il serait aisé de prouver que ses pertes étaient d'opinion, et ses avantages acquis réels. Sans doute, la féodalité était abolie; mais la noblesse acquérait peut-être plus, comme propriétaire de terré, par la suppression des dixmes ecclésiastiques, qu'elle ne perdait par

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