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mées et de les disperser. Dès que la résistance V.o Ep; arrêta, ils furent obligés de regarder en arrière, et ne durent plus oser pénétrer. Avant l'affaire de Valmy, l'armée française semblait enveloppée par les armées étrangères; après cette bataille, les armées ennemies se trouvèrent enveloppées par la France entière, en armes et debout.

Brunswick, ne pouvant espérer de forcer Kellermann dans sa nouvelle position, rentra dans son camp, sur les hauteurs de la Lune, et de là les négociations commencèrent. La position des alliés les leur rendaient nécessaires, quelque brillante qu'elle parût à ceux qui voyaient de loin l'armée française composée de régiments naguères désorganisés, et de bataillons de milice nationale, ayant, entre Paris et elle, une armée ennemie forte de soixante mille hommes, et derrière elle un autre armée de 25 mille, commandées par des chefs déja fameux. Peut-être d'autres généraux, moins sages et moins expérimentés, se fussent laissé éblouir par leurs avantages apparents. S'ils eussent passé la Marne pour marcher sur Paris, il fallait laisser un corps considérable devant celui de Dillon; il fallait laisser des troupes suffisantes pour garder les passages de la Marne, presque partout guéable, et s'avancer ainsi, avec une armée affaiblie, dans un pays ennemi et armé, dont on avait été déja à portée de connaître l'esprit

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V. Ep. de liberté et l'opinion exaltée. A Longwi, å Verdun, dans les pays déja conquis, aucun habitant ne s'était joint aux troupes coalisées ; rien n'avait annoncé un parti formé dans l'intérieur ; tout, au contraire, avait prouvé que les vaincus n'avaient cédé qu'à la terreur et à la force.

Si toute l'armée des alliés se portait en avant, suivie par une armée de soixante mille hommes, qui venait de lui résister, trouvant devant soi les rassemblements qui se formaient de toute part, plus redoutables encore par la renommée qui grossissait leur nombre et augmentait leur importance, il pouvait arriver que l'armée de Brunswick, engagée au milieu d'un pays dont tous les habitants devenaient soldats, traînant, dans une saison pluvieuse, une grosse artillerie qui faisait en partie sa force, embarrassée d'une prodigieuse quantité d'équipages, reçût un échec. Alors suivie par Dumourier, avec 50 mille hom mes, ayant sur ses flancs les rassemblements formés par d'Harville, à Rheims; par Spare, à Châlons; elle avait encore en tête tous ceux qui se réunissaient à Paris, à Soissons, à Epernay, à Troyes, tout ce que la terreur, l'enthousiasme, la nécessité eussent fait lever en masse. Les campagnes, déja envahies, loin d'avoir été politiquement ménagées, avaient éprouvé quelquefois toutes les horreurs de la guerre; et les

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seules exécutions militaires, les réquisitions d'u- V. Ep. sage, pour les transports et pour les travaux, auxquels les tranquilles habitants de la France, n'étaient pas accoutumés, étaient pour eux une vexation insupportable. Les grands moteurs de l'effervescence populaire n'avaient plus rien à ménager, et Brunswick dut sagement compter avec les emportements du désespoir; il voyait de plus ses communications impossibles à conserver, par les seuls moyens militaires. Les garnisons de Metz, de Thionville, de Mont-Médi, de Sedan, suffisaient pour les intercepter. L'intérêt des Prussiens n'était que secondaire, et leur rôle ici était le premier. Rétablir la monarchie française dans son ancienne constitution, n'était pour Guillaume qu'un exemple utile, et dont l'avantage lui était commun avec les autres monarques; et lui seul en faisait en ce moment tous les frais et toutes les avances, avec une armée, force unique de son gouvernement. Il se trouvait à ce moment dans un camp resserré, au milieu d'un pays aride, manquant de vivres, de fourrages, obligé de tirer ses convois des pays de son allié; et bientôt cette ressource lui ̈ fut disputée; enfin, tous les calculs qui avaient déterminé l'invasion, se trouvaient démentis par les événements. Les armées françaises, au lieu de fuir, avaient accepté et soutenu le combat;

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V. Ep. on était venu, croyant vaincre sans péril ; et l'on se voyait obligé à compromettre toutes ses forces, dans une entreprise dont le succès était incertain, et dont les avantages n'étaient pas personnels.

Il restait un autre parti, et Brunswick seul eut la sagesse de s'y opposer : c'était de tenter, le sort d'une bataille, et de hasarder une attaque générale.

Il fallait alors attaquer soixante mille hommes, dans une position avantageuse, forcer un camp défendu par une nombreuse artillerie, par le génie militaire de deux généraux qui venaient d'être mis à l'épreuve. S'ils étaient battus, la retraite était ouverte par la gauche, sur Vitry, et se faisait dans son propre pays; si l'attaque échouait, la position du camp de la Lune n'était plus soutenable; il fallait se retirer sur un pays ennemi et repasser les défilés de l'Argonne, suivi par un ennemi victorieux; les paysans seuls pouvaient détruire cette armée ; et tous ces hasards, il fallait s'y exposer pour un allié qui n'était là qu'auxiliaire, et dont peu de troupes en eussent partagé les pertes et les dangers. Il est hors de doute qu'à cette époque, les négociations facilitèrent une retraite qui, avant tout, était le premier gage du salut de l'état. Les Prussiens durent desirer se retirer; mais l'on

ne dut pas desirer moins, que leur retraite fût v. Ep. effectuée; il fut donc aisé de s'entendre et de s'accorder.

Le cartel pour l'échange des prisonniers fut le prétexte d'usage. On vitarriver au camp deux officiers prussiens, le colonel Manstein, et Heyman qui venait de quitter le service de France, et en qui on sembla respecter le droit qu'il avait eu, comme étranger, de choisir un parti, et d'obéir à son opinion. On essaya, dès la première entrevue, quelques propositions séduisantes à Dumourier. On lui offrit de devenir l'arbitre de l'Europe et le sauveur de son pays et de son roi. Dumourier était trop habile pour échanger sa position du moment contre un rôle toujours difficile à achever, lors même qu'il obtient un succès. Le lendemain Manstein et Heyman revinrent. On convint d'une suspension d'armes sur le front des deux camps seulement. Dumourier profita de ce traité pour détacher de son armée, différents corps de troupes. Les uns doublant la pointe méridionale de l'Argonne', prirent à revers le pays aux environs de Cler mont; les autres suivirent la rive droite de l'Aisne, par Autri, pénétrèrent jusqu'à l'ancien camp de Grand-Pré. L'objet de ces corps dé tachés fut de se porter sur tous les chemins par où les convois arrivaient du pays de Luxem bourg au camp de la 'Lune, et bientôt la disette

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