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1792.

V. Ep. la séparaient du Piémont et de la Suisse dont les alliances l'assuraient. Le Rhin, se détournant à l'occident, au sortir des montagnes d'Helvétie, qui lui servent de berceau depuis sa source jusqu'à Bâle, couvre, par son lit large, profond et variable, tous les pays situés sur sa rive gauche, jusqu'à Landau. Depuis ce poste, on avait élevé jadis des lignes fortifiées qui, prenant leur nom de Weissembourg, allaient se terminer au pied de la chaîne des Vosges. La rivière de Sarre offre ensuite une ligne de défense, faible et peu sûre, jusqu'au poste fortifié de Sarre-Libre, jadis Sarre-Louis. Cette place, de peu de capacité, ne peut que servir d'appui à une armée défensive, mais ne pourrait pas arrêter une armée ennemie et supérieure. Le pays situé au confluent de la Sarre et de la Moselle, offre plusieurs positions dont les flancs sont couverts par ces deux rivières; et soutenus par le poste important de Metz, ville grande, fortifiée, et dont la capacité assure à une armée, des entrepôts, une défense pour couvrir son front, et au besoin, une retraite. Le pays, jusqu'à Verdun, situé sur la Meuse, offre un passage qui ne pouvait être forcé qu'après le siége de ces deux places. Verdun fortifié, mais de peu de défense par sa position, ferme la gauche de cette ligne, jusqu'à la forêt des Ardennes.

Au nord, depuis Dunkerque, une double v. Ep. enceinte de places fortifiées par l'art de Vauban, 1792.. couvre cette frontière, et la sépare des PaysBas autrichiens. Lille, Condé, Valenciennes, Maubeuge, Philippeville, Givet ; et en seconde ligne, Saint-Omer, Douai, Cambrai, Landrecy. Les villes de Mezières, Sedan, Mont-Médy, ferment ces deux lignes, à l'autre extrémité des Ardennes.

Cet espace d'environ 15 lieues, entre Sedan et Verdun, avait été confié à sa défense naturelle. La forêt des Ardennes ressemblait encore alors à cette sombre et impénétrable Hercinie, telle que César la décrit ; mais depuis un siécle, les progrès du commerce et de la civilisation y avaient ouvert plusieurs débouchés; les Ardennes n'étaient plus impraticables; le faible ruisseau de la Semois, presque partout guéable, n'était plus une défense, et toute cette frontière était ouverte à l'invasion de l'ennemi. Il n'avait besoin ni d'espions, ni de guides; la topographie connue et figurée lui suffisait; nos frontières lui étaient aussi connues qu'à nous-mêmes.

Au centre de cette ouverture, il tenait Luxembourg, place réputée imprenable, et qui lui servait à la fois de point de réunion et de départ.

Aussitôt que tout fut prêt pour effectuer l'invasion, les armées coalisées se mirent en mou

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Un corps de 23,000 hommes, commandé par Clairfait, se dirigea sur Stenay; un autre, de même force, fut destiné à assiéger Thionville; l'armée, aux ordres de Brunswick, et où le roi de Prusse était en personne, dut péné20 août. trer par l'intervalle que laissaient ces deux places, pays ouvert et sans défense. On se croyait si certain du succès, que l'on ne daigna pas même s'emparer des places de guerre; on ne prit point Thionville; on n'assiégea point Metz: la saison était avancée, on était impatient d'arriver à Paris, et l'on calculait déja la distance, par les jours de marche.

25 août.

D'abord, Longwi fut pris. Après deux jours de siége, ou plutôt de bombardement, le conseil civil et militaire répondit à la première sommation, de manière à inviter à faire la seconde ; elle fut suivie immédiatement d'une capitulation. La garnison sortit avec tous les honneurs de la guerre, et put se réunir à l'armée.

Dumourier apprit cette nouvelle à Sedan où il était venu prendre le commandement de l'armée de Lafayette. Il y trouva, selon lui, tout dans un désordre total; mais, selon le rapport des commissaires, tout y était aussi bien ordonné que le permettait l'état des choses. On savait qu'après la reddition de Longwi, l'armée prussienne marchait sur Verdun, et que cette

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place ne pouvait l'arrêter. Dumourier assembla V. Ep. un conseil de guerre, où étaient les généraux Dillon, Vouillier, Chazot, Daugest et Dietman, et le commissaire Petiet. Dumourier leur dit: 28 août. <«< Le roi de Prusse ayant pris Longwi, et

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assiégeant Verdun, un autre corps d'armée « s'étant porté en avant de Thionville, et me<«< naçant Metz, il n'y a aucun moyen, ni d'opérer une jonction avec le maréchal de Luk« ner, ni de recevoir d'ailleurs des secours « assez prompts pour marcher contre les Prus<< siens et délivrer Verdun; je viens d'y envoyer « le général Galbaud, avec deux bataillons: «et quoiqu'il entre ou n'entre point dans cette place, dont tout le monde connaît la faiblesse, <«<il faut la regarder comme perdue, et ce n'est « que quelques jours de plus ou de moins; « de quelque part que ce soit, il ne peut recevoir de renforts de plus de quinze jours, en« core que ces renforts seront médiocres.

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Ainsi, il ne faut compter que sur la petite << armée que nous avons; elle est chargée du <<< salut de la patrie; elle ne forme pas, à la «<< vérité, le quart des forces de l'ennemi; mais <«< la cavalerie est composée des meilleurs régi« ments de France, au nombre de plus de 5,000 << hommes, l'infanterie, au nombre de 18,000, «<de plus de moitié de régiments de ligne; le

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<<< reste de bataillons de gardes nationales, bien disciplinés, aguerris par une année de cam« pement, de marches et de combats perpétuels «< contre l'ennemi; l'artillerie est nombreuse et « excellente, ayant plus de 60 pièces de canon outre les pièces de bataillons.

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<< Avec ces moyens et dans son propre pays, <«< il faut tout espérer, parce que les Prussiens << seront naturellement retardés par la nécessité des siéges, par la difficulté des vivres, par la longueur des convois, , par leur propre nom«<bre, et surtout par la formidable quantité de leur artillerie, par , par leur nombreuse cavalerie; que les équipages brillants de tant de princes, << la quantité de chevaux de trait, pour le trans-. « port de leur artillerie et de leurs vivres, ren<< dent leur marche pesante et embarrassée; on « ne peut pas rester inactif dans la position de Sedan, il faut prendre un parti. »

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Ce discours avait pour objet de connaître la disposition des esprits et des caractères; chacun sentait l'urgente gravité des circonstances. Dillon proposa de retirer l'armée derrière la Marne et d'en disputer le passage, pour couvrir ainsi la capitale, et se tenir à portée des renforts annoncés de tous les points de la France. Ces renforts que l'on ne voulait pas mettre à la disposition. de Lafayette, avaient été arrêtés, dans leur

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