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les têtes se courbaient dans la crainte et dans le V. Ep silence.

Robespierre venait de reparaître ; il était venu à la barre, comme orateur d'une députation; il ne s'agissait encore que d'élever un monument à la place des statues des rois; mais ce début était un présage. On avait ensuite organisé le nouveau pouvoir exécutif; il était formé par un conseil de six ministres; ils furent chargés de sceller et promulguer les lois. On changea le sceau de l'état; la figure de la liberté armée d'une pique, remplaça l'ancien type. Les lois, ainsi que les actes judiciaires, durent être rendus, au nom de la nation; et les ministres des puissances étrangères durent s'y conformer. On commençait aussi à se rassurer sur le résultat des événements dans l'intérieur. Les adresses d'adhésion arrivaient; les commissaires envoyés dans le midi, avaient reçu le serment des armées; les nouveaux tribunaux établis pour connaître des crimes relatifs à la journée du 10 août, avaient commencé leurs fonctions; Dangremont, et le lendemain, l'intendant de la liste civile, Laporte, furent exécutés sur l place de la Révolution; on abrégea, on simplifia la forme des procédures, pour remédier

aux lenteurs de la haute-cour nationale; on supprima les appels ; les prêtes non sermentés durent évacuer le lieu de leur résidence sous

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V. Ep. huit jours, et le territoire de la France, sous quinze; en même temps, des visites domiciliaires furent autorisées, et des commissaires envoyés dans tous les départements, pour y communiquer avec les sociétés affiliées du club des jacobins de Paris. Telle était l'instruction du ministre ; et de ce jour, ces sociétés furent reconnues comme partie intégrante du gouvernement. Toutes les mesures que les événements précédents avaient rendues inévitables, se succédaient rapidement. La contagion du mal moral a des effets plus prompts encore que la contagion des maladies épidémiques.

La première punition des sociétés qui laissent dénaturer en elles les principes de justice et de vertu publiques, qui fondèrent le premier code de leur lois, et furent reconnues comme la base et la condition expresse de leur réunion, leur première peine est de ne plus savoir où retrouver le fil de droiture, de conduite, qu'elles ont perdu; égarées dans les ténèbres de l'anarchie, au milieu d'un labyrinthe sans issue elles s'agitent en tourbillon sans direction, et chacun est réduit à frapper autour de soi pour se faire place et sortir de presse.

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Après les violences du 20 juin, il fallut les violences du 10 août : elles amenèrent les massacres du 2 septembre, et ceux-ci rompant toutes les digues, le torrent de sang inonda

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la capitale et se déborda sur les provinces. L'his- V. Ep. toire n'est pas condamnée aux détails des meurtres, et des assassinats publics; elle a le droit d'épargner à la postérité ces récits semblables, où le tableau est toujours le même ; la victime sans défense, présente la gorge, et le bourreau frappe. On avait destitué et remplacé la municipalité qui avait fait le 10 août. Là encore la défense avait honoré l'attaque, la discorde avait laissé des armes à tous ses combattants. Le combat avait précédé le carnage, et la mort avait laissé à ses victimes le droit de la repousser par la force et par la résistance: il semble que les nouvelles horreurs qui se méditaient, exigeaient de nouveaux instruments. Les premiers étaient avertis et eussent refusé; les autres, du moins la plupart, ne le furent pas. Sans motifs, sans prétexte, sans danger pressant, tout à coup une multitude se rassemble, des avis circulent, les prisonniers nombreux qu'ont entassés les journées précédentes par les visites domiciliaires, menacent, dit-on, de rompre leur chaîne; ils vont s'emparer de la ville, ils égorgeront les femmes et les enfants des patriotes, prêts à partir pour les frontières; c'est le salut public, c'est la sureté des familles qui commandent des mesures désespérées. Un petit nombre feint de le croire, et la multitude frappée d'aveuglement et de terreur, n'ose ni les

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V. Ep. contredire, ni les contenir; deux ou trois cents hommes, armés de haches et de couteaux, deviennent les maîtres de la ville; les magistrats n'osent paraître, ou ne sont pas écoutés; les portes des prisons, dépôt mal assuré de tant de victimes de la vengeance, sont brisées ; des meurtriers sans rage s'organisent, avec des formalités, en tribunaux ; celui qui est las de frapper, se fait juge, et celui qui s'ennuie de juger, le remplace; on commence par un triage approximatif des prisonniers retenus pour dettes; les autres restent et sont réputés coupables; un jury local, siégeant en cercle dans le préau de la prison, prononce, en son ame et conscience, cette formule dérisoire et rassurante: On peut élargir monsieur. Et la victime qui croit échapper, tombe dans les piques qui l'attendent. Ceux qui sont acquittés, au cri de vive la nation! recueillis, soulevés dans les bras du peuple, sont reconduits, reportés dans leur demeure; et ce simulacre de justice en impose assez pour laisser acquitter ou condamner. Le peuple nombreux reste témoin, applaudit ou regrette, et laisse faire. Pendant quatre jours, toute autorité publique fut absente ou méconnue; des envoyés de l'assemblée, des magistrats, des officiers militaires furent éconduits avec ironie; on ne daigna ni les écouter, ni leur résister.

Dans quelques prisons, notamment à l'hôpital général des femmes, par une marche qui supposait une direction, les meurtriers se firent présenter tranquillement les registres, choisirent dix-sept noms, notés comme ayant mérité des condamnations capitales, et renfermés par commutation de peine; ceux-là seuls sont mis à mort le reste l'ignora. Deux cents prêtres étaient enfermés dans le couvent des Carmes; seize hommes les tuèrent sans résistance et sans opposition. Soixante autres, enfermés dans différentes maisons religieuses, furent massacrés, sans que les soldats préposés à leur garde daignassent les défendre, ni se mêler aux assassins.

Ces scènes d'horreur se propagèrent à Lyon, à Rheims, à Versailles, à Meaux; partout il semblait qu'un prêtre n'était plus un homme. Si l'on pouvait trouver des causes à ces horribles mesures qui n'étaient point un emportement du peuple, on ne pourrait que chercher quels intérêts pouvaient avoir besoin de tous les excès dont la nature humaine dégradée est capable. On trouverait que les uns voulaient multiplier les crimes, et les rendre communs à tous, et ôter ainsi tout espoir de retraite, rattacher à eux la fortune publique, afin de lier sa destruction à la leur, et donner ainsi à leurs associés le courage du désespoir. Ces mêmes

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