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ment du peuple. Le lendemain, ils purent 179. voir, de la tour où ils étaient, les autorités civiles et les troupes, renouveler le serment à la constitution; c'était la première résistance d'action, qu'éprouvait l'assemblée nationalę. On essaya d'abord de gagner Lafayette. Les commissaires lui firent demander une conférence qu'il refusa. Le directoire du département des Ardennes approuva la conduite de la municipalité de Sedan, et, à son exemple, il publia un arrêté motivé.

A Strasbourg, les commissaires éprouvèrent d'abord de l'opposition. Le maire Diétrick, Victor Broglie, Desaix, organisèrent un système de résistance, qui bientôt fut rendu nul par l'opinion de l'armée. Peu de temps après, Diétrick et Broglie finirent sur l'échafaud; Desaix fut réservé à ses brillantes destinées; Lukner, embarrassé de sa position, et ne comprenant pas bien ce dont il était question, changeait chaque jour de conduite, et n'avait d'avis que ceux des amis qui le dirigeaient; il écrivait à Lafayette de compter sur lui; il disait à ses soldats : « mes camarades, il est arrivé un accident à Paris; mon ami Lafayette à fait arrêter les commissaires, et il a bien fait.» Peu de jours après, appelé à la municipalité de Metz, il jura, en pleurant, tout ce qu'on voulut. Le plan de Lafayette, dans une démarche d'une si haute

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V. Ep. importance, avait été de rallier à lui plusieurs départements, et de former, avec des membres des autorités constituées, une sorte de congrès auquel il espérait que plusieurs membres dissidents du corps législatif pourraient se joindre. Soutenu de cette force civile, dont il eût requis des ordres, secondé des armées de la Moselle et du Rhin, il pouvait maintenir une opposition à laquelle se fût rallié l'esprit public, et rétablir la constitution dans son premier état. Mais toutes les circonstances nécessaires au succès, manquèrent à la fois, l'ennemi, aux portes, rallia tous les intérêts; la conduite versatile du roi et de la cour éloigna toute confiance, et rompit toutes les mesures; l'esprit du soldat était accoutumé à ne voir et à ne connaître de puissance que celle des décrets; tout concourut à faire échouer une entreprise que la rapidité des événements n'avait pas laissé le temps de mûrir et de préparer, dont le succès partiel eût ouvert à l'ennemi les portes de la frontière, et dont le succès complet était impossible à effectuer, après les événements du 10 août. Lafayette se vit bientôt abandonné de ses soldats; on n'avait négligé aucun des moyens d'usage pour les lui enlever; il eût pu encore assurer sa retraite, par quelques troupes que l'affection lui conservait; il préféra généreusement de supporter seul sa disgrace, et ne

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se permit d'y associer qu'un petit nombre d'a- V.• Ep. mis, à qui ce titre ne laissait plus d'autre sureté. Après avoir mis ordre aux affaires civiles, et après avoir pourvu à la sureté de son camp, il partit.

Avec lui étaient Bureau-de-Pusy, LatourMaubourg, Alexandre Lameth, qui vint le joindre, et quelques officiers de son état-major. Il renvoya, de Bouillon, son escorte de 25 cavaliers. De-là, il écrivit des ordres pour les différents postes qu'occupait son armée, afin de pourvoir à leur sureté. Il envoya, en même temps, aux corps administratifs, des réquisitions antidatées, pour motiver, au besoin, leurs démarches, et faire retomber, sur lui seul, toute inculpation.

La part active qu'avait pris Lafayette, dans tous les événements de la révolution; l'influence qu'eut sa retraite sur les événements du moment; l'intérêt et la curiosité qu'inspire naturellement un homme dont le nom marque dans l'histoire de son temps, exigent quelques détails circonstanciés qui, de plus, peignent l'esprit général et l'opinion étrangère, sur la révolution de la ▸ France. Le motif urgent de Lafayette était de se soustraire au décret d'accusation qui, de ses adversaires, faisait ses juges; son espoir était de traverser, inconnu, les postes ennemis, de gagner le territoire peu éloigné de la république

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V. Ep. de Hollande; l'estime du parti patriote lui promettait, avec quelques apparences de succès, de pouvoir encore seconder le parti constitutionnel dans l'intérieur ; il pensait aussi que, peut-être, en débarquant dans les départements du nord, l'ancienne Normandie, il pourrait y rallier des opinions et des forces; mais toutes ces chances, éloignées et incertaines n'étaient que des illusions d'un esprit libéral s'essayant à tromper sa douleur, et cherchant quelque chose à opposer à ses regrets : ils avaient le droit d'être amers. Ce n'était pas les ennemis de la liberté, coalisés, qui le chassaient, les armes à la main, de la terre de la liberté, où lui-même l'avait appelée, un des premiers; c'était au nom de cette même liberté, qu'un. parti, opposé plutôt de principes que d'opinions, et plutôt de moyens encore que de principes, l'accusait et le proscrivait; et il était accusé, proscrit, pour avoir tenté de sauver et de défendre ceux mêmes sur lesquels il avait conquis cette liberté sa situation n'avait pas un autre exemple dans l'histoire. Marius fuyait les criptions de Sylla, son rival et son ennemi personnel; les Wighs et les Toris, les Guelphes et les Gibelins tenaient pour des partis et pour des opinions prononcés et contraires; ils se haïssaient, parce qu'ils tendaient à des buts opposés; ils étaient encore plus adversaires qu'ennemis.

pros

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Ici,

Ici, il ne s'agissait que du choix des moyens, pour arriver au même but avoué, úne libcrté publique; mais comme, en matière de religion, l'intolérance de schisme est plus active et plus cruelle que l'intolérance de secte, les rivalités entre les sections du même parti étaient plus haineuses qu'entre les partis différents. Ce qu'on appelait les Jacobins, haïssait et persécutait les constitutionnels comme adversaires et comme rivaux ; l'un et l'autre ne combattaient l'étranger que comme ennemi.

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Lafayette et ses compagnons espéraient éviter les ennemis ; mais la nuit survenant, et leurs chevaux étant excessivement fatigués par leur marche et par une forte pluie qui n'avait pas cessé depuis le matin, ils se trouvèrent à la fois dans l'impossibilité d'aller plus loin, et tout à coup au milieu des postes ennemis; la lassitude des chevaux n'eût pas permis de rétrograder, lors même que ce mouvement eût été possible à des gens dont le départ allait être officiellement annoncé à Sedan et à l'armée. Il fallut donc feindre de la confiance, et tâcher de n'être pas reconnu. Pusy, s'avançant, demanda à parler à l'officier commandant à Rochefort; c'était le lieutenant-colonel comte d'Harnoncourt. Celui-ci ayant voulu envoyer Pusy, comme tous les émigrés l'avaient été jusqu'alors, à M. le Tome II.

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