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de lui plus ou autrement qu'il ne voulait ; il v. Ep. semblait ne vouloir mettre en sureté que sa conscience.

L'attaque du château devait d'abord se faire pendant la nuit; l'état de défense où le trouvèrent les émissaires envoyés pour le reconnaître, fit retarder, afin de se donner le temps de désorganiser la défense: elle consistait dans un corps d'environ mille gardes suisses, le reste avait été éloigné de Paris, ou était employé à d'autres postes. Les bataillons de la garde nationale qui se rendirent successivement, pendant la nuit, au château, d'après les ordres de Mandat, formaient environ trois mille hommes.

Leur artillerie consistait en onze pièces de canon: trois dans la cour Royale, deux dans la cour des Suisses, deux dans la cour des Princes, une au Pont-Royal, deux au Pont-Tournant.

La gendarmerie à pied fut consignée à différents postes.

La gendarmerie à cheval, autrefois le guet, formant un corps d'environ neuf cents hommes, fut répartie à différents postes, trop éloignés du point de défense; une réserve de six cents cavaliers était sur la place de Grève.

On avait réuni les brigades de maréchaussée des départements, environ quatre-vingts hommes à cheval. Ils restèrent en bataille à la porte Saint-Martin. Cette dispersion des forces était

V. Ep. mal calculée; tout ce qui était dépassé par les

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colonnes attaquantes devenait nul.

Leur ordre de marche était mieux réglé ; la force de l'opinion peut seule expliquer l'obéissance, la docilité de ces masses nombreuses et mobiles: elles avançaient de tous les points de Paris, hâtaient, ralentissaient, pressaient leurs mouvements, s'arrêtaient à la voix de leur chef, de manière à soutenir leurs opérations politiques avec justesse et précision, et à combiner l'exécution du moment avec les projets ultérieurs. On se portait à l'attaque avec confiance et avec une volonté commune et générale la défense, au contraire, était en crainte et en incertitude. Les uns étaient sûrs qu'ils voulaient attaquer; les autres ne savaient s'ils devaient oser se défendre. Les canonniers surtout, dont la force d'exécution était déterminante pour ou contre, ne dissimulaient pas, dans les postes, même au château, leur disposition en cas d'attaque. « Nous ne tirerons pas, disaient«<ils, aux gardes nationales; et si on nous force <<< de tirer, nous tirerons sur vous ». C'était une grande faute, dès la formation des bataillons, d'avoir laissé l'artillerie à la disposition d'une troupe soldée.

Vers cinq heures du matin, le roi fit la revue de ses forces; d'abord dans les appartements, où les gardes montrèrent de bonnes dis

positions.

positions. Le roi était accompagné de la reine v.. Ep. et de sa famille ; il avait évité tout appareil mi- 1792. litaire, et quoiqu'il eût porté une fois l'uniforme de la garde nationale, il était vêtu d'un habit ùni violet, la couleur de deuil pour les rois : il parla peu; dit seulement : « Je ne me sé<< parerai pas des bons citoyens; ma cause est << la leur....... »

La reine contenait avec peine un ressentiment concentré. Un écrivain très-royaliste, contemporain de l'événement, et vraisemblablement témoin, fait d'elle ce portrait: Sa lèvre Pelletier. autrichienne et son nez d'aigle, plus pleins que de coutume, donnaient à sa physionomie un air de majesté dont il est difficile de se faire une idée, à moins de l'avoir vue dans ce moment-là.

raux,

Le roi descendit ensuite dans les cours; il était accompagné de quelques officiers généd'officiers de ses gardes suisses, et du ministre de la guerre. La garde nationale prononça vive le roi!; les canonniers et le bataillon de la Croix-Rouge, répétèrent vive la nation! Deux bataillons, composés de piques et d'armes à feu, étaient entrés pendant cette revue on les fit passer sur la terrasse de la Seine; en défilant devant le roi, ils criaient vive Pétion! vive la nation! et ces cris étaient mêlés d'injures.

Tome II.

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Le roi passa ensuite sur la terrasse de la façade du château. Là étaient les bataillons de. gardes nationales, connus sous le nom de bataillons des Petits - Pères et des Filles - SaintThomas ; c'étaient ceux sur lesquels on comptait le plus. Des grenadiers entourèrent le roi et le pressèrent vivement de se porter jusque au Pont-Tournant, qui ferme l'entrée du jardin, pour y passer en revue le poste qui l'occupait; le trajet était assez long, et déja les deux bataillons de piques qui bordaient la terrasse de la Seine, criaient hautement à bas le veto! à bas le traître ! On s'arrête un moment pour s'étonner que, d'après ces indications bien connues, on n'ait pas changé l'ordre et les dispositions, en resserrant les lignes de défense, et se bornant à l'enceinte des bâtiments: on voyait l'ennemi dans ses murs.

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Les troupes du Pont-Tournant se trouvèrent dans des dispositions rassurantes; mais le retour du roi fut périlleux. Plusieurs hommes se détachèrent de leurs bataillons, se mêlèrent à son cortége, et lui dirent des injures: en rentrant par le vestibule du milieu, il fut obligé de recommander aux officiers qui l'accompagnaient de faire former une barrière, par les grenadiers, audevant du péristile. Peu après, les deux bataillons que l'on avait placés sur la terrasse, sortirent par la porte du Pont-Royal, et traînèrent leurs

canons en face de la grille, braqués contre le v. Ep. château.

Deux autres bataillons que l'on avait postés dans les cours se débandèrent, emmenèrent leurs canons, se portèrent opposés dans le Carrousel, et laissèrent, en partant, l'esprit de doute et de méfiance parmi les troupes qui restaient. C'est alors qu'il fut mis en délibération si le roi * se rendrait à l'assemblée nationale. Déja le ministre de la justice y était allé demander qu'une députation de l'assemblée vînt assurer la demeure du roi : on délibéra. On venait seulement d'apprendre la destitution du corps municipal. Un canonnier vint à la barre, effrayé et hors de lui, annoncer que les colonnes et les canons entouraient le château. Si notre roi a péché, dit-il, sans doute il doit être puni, mais on ne doit pas l'ass.. Il ne put achever. On vint avertir en même temps que des hommes arrêtés en patrouille aux ChampsElysées, étaient renfermés dans un corps-degarde, et qu'un attroupement demandait à grands cris leur tête. Un député entra précipitamment et dit qu'à la place voisine, il venait de voir un groupe d'enfants qui entouraient une tête élevée au bout d'une pique. On envoya des commissaires; ils en sauvèrent une partie des détenus: neuf furent massacrés. En ce mo

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