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V. Ep. 406 voix, contre 224, et le président prononça 1792. une seconde fois qu'il n'y avait pas lieu au décret d'accusation.

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Cette épreuve de leurs forces, des partis opposés, donnait la mesure de ce que pouvait la majorité ferme et prononcée contre une minorité active et impérieuse; malgré les tribunes auxiliaires, cette minorité, dans une question majeure et décisive, venait d'être vaincue. Mais l'échec pour de tels hommes n'était que le signal d'une revanche éclatante, et, s'ils perdaient un jour du terrain, leur retraite momentanée préparait une irruption. Plusieurs députés, en sortant de la séance, furent insultés et forcés par les menaces de se réfugier dans un corps-de-garde. Ils y trouvèrent à peine leur sureté; leurs plaintes, le lendemain, furent faiblement accueillies à l'assemblée; on y proposa même de rapporter le décret de la veille. Cependant plusieurs adresses, qui vinrent appuyer celle de Pétion, pour la déchéance, furent improuvées, rejetées et renvoyées à la commission sans être lues, et d'autres adresses dans le sens contraire, qui désavouaient celle du maire de Paris, furent accueillies avec faveur. La majorité assurée par son succès de la veille, se contenait encore, mais bientôt les alarmes et les inquiétudes vinrent atténuer ces résolutions fermes et en apparences décidées..

Telle

Telle est la nature des grands corps délibé- V. Ep. rants; c'est moins la crainte dont chaque in- 1792. dividu peut être atteint, qui influence une assemblée, que la disposition de chacun à croire les autres intimidés et prêts à céder : chacun suppose aux autres une faiblesse contre laquelle il sent le besoin de se défendre, et jugeant sa fermeté isolée et inutile, il se range à l'opinion défaillante qu'il croit générale, et contribue ainsi à la faire. Le procureur-géné. ral-syndic du département vint à la barre; il y avait été mandé, il rendit compte de l'état de la capitale, et ce compte n'était pas rassurant. « Deux objets, dit-il, ont dû fixer l'at<<< tention du département: 1.° L'insulte faite << à plusieurs membres de l'assemblée sortant « de la séance; 2.° le bruit très répandu, con<«<firmé par des actes positifs, que ce soir, à << minuit, le tocsin devait sonner pour rassem<«<bler les citoyens de la capitale, à l'effet de « se porter au château..... Le matin, le ministre

de l'intérieur m'avait fait connaître qu'il avait <«< avis que 900 hommes armés devaient entrer « ce soir dans la capitale; le ministre de la «< guerre avait ajouté que la municipalité avait fait préparer des casernes pour les recevoir. « J'écrivis à M. le maire; sa réponse est en ✩ <<<< ces termes : Je ne suis pas étonné des mou<vements qui vous sont dénoncés. La question Tome 11.

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V.. Ep. 1792.

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importante (la déchéance) qui doit être trai«tée aujourd'hui à l'assemblée nationale, est « bien faite pour en exciter. Il détaille ensuite « les mesures qu'il a prises; puis.... la tranquillité publique sera-t-elle maintenue? Je l'ignore; personne ne saurait en répondre. << Quant à l'arrivée des 900 hommes, je n'en <<< ai aucune connaissance. » Après quelques détails de circonstance.... il cite l'arrêté d'une section, envoyé au département : « Si <«< demain le corps législatif n'a pas prononcé << la déchéance du roi, on sonnera le tocsin à « minuit, pour faire lever le peuple tout en« tier. »..... « Cependant nous avons mandé << le commandant général de la garde nationale ; <«< ses rapports n'ont pas été plus rassurants. »

Le maire de Paris arriva peu d'instants après. Son rapport donna les mêmes indices. Il dit que, dans les circonstances, l'opinion de la municipalité était que les moyens de confiance et de persuasion pouvaient, et pouvaient seuls, avoir le plus grand succès; il accusa le département, dit que, sans indiquer aucune des mesures qu'il croyait propres à assurer la tranquillité publique, le département se contentait de dire: prenez des mesures. « Cette manière, « de mettre sa responsabilité à couvert, nous paraît, dit-il, trop facile. Au reste, on n'indiquera aucune bonne mesure à la municipa

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<«lité, qui ne soit prise sur le champ. » On v.• Ep. applaudit beaucoup. Le maire reçut les hon- 1793. neurs de la séance qui fut levée immédiatement. Il était six heures et demie du soir. A onze heures, le rappel, battu dans différentes sections, rassembla les députés dans le lieu de leurs séances, et les citoyens en armes, à leurs postes. Tous les partis étaient également prévenus de l'événement qui se préparait, depuis 30 juill, plusieurs jours, aux séances des jacobins; les orateurs l'avaient annoncé et provoqué; Camille-Desmoulins, dans un long discours, indiquait la commune de Paris, comme le point de ralliement. « C'est, dit-il, le conseil com<«<mun de la ville de Londres, qui a fait, au«< tant et plus que le parlement, la plupart des << révolutions d'Angleterre, où le maire de Lon« dres a toujours eu le rôle principal. C'est de << nous aussi, messieurs, après l'assemblée na«<tionale, qu'il dépend le plus de sauver Pa« ris. » Robespierre y avait dénoncé le départ du roi. Chabot demanda la déchéance du roi 5 août. et de la royauté. « Plus d'adresses, plus de

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pétitions; il faut que les Français s'appuient

<«<< sur leurs armes et fassent la loi. » On avait proposé et arrêté d'imprimer la liste des membres de l'assemblée, qui avaient voté pour Lafayette; et sur la crainte qu'après les insultes faites aux députés, l'assemblée ne prît la réso

1792.

des séan.

V.. Ep. lution de se transférer dans une autre ville, 8 août. on proposa de les arrêter aux barrières; et les Proc.-V. tribunes répondirent: aux barrières, aux barces des j. rières. Enfin, dans la séance qui précéda l'événement, Billaud-Varennes l'annonça ouvertement et sans détour. Pour les hommes pensants, il était facile à prévoir. La journée du 20 juin avait rendu celle qui se préparait, inévitable; les uns, ne croyant plus de sureté dans la retraite, se voyaient placés dans la nécessité de périr ou de vaincre ; la conduite et les fautes de la cour donnaient aux autres des motifs et des armes contre elle; tous ses projets étaient connus de ses ennemis ; la plupart des agents qu'elle employait, appartenaient aux partis qui lui étaient opposés; son or n'achetait que la trahison; et Danton, que l'on savait avoir reçu une excessive indemnité, comme remboursement d'une charge supprimée, fut le premier moteur de la journée du 10 août.

Le rappel dans les sections fut à la fois le signal de la réunion des députés à la salle d'assemblée; des bataillons de garde nationale et de beaucoup de défenseurs volontaires, au château; des agitateurs, dans les sections; et des membres de la municipalité, à la maison commune.

A minuit, un coup de canon donna le signal; les rassemblements se formèrent au faubourg Saint-Antoine; et les hommes, avertis dans les

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