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V. Ep Cette mesure avait exempté toute cette por1792 tion des habitants d'une immense capitale qui

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par leur travail nécessaire, ou par la modicité de leur gain journalier, ne pouvaient pas, à cause de leurs moyens pécuniaires, remplir la condition prescrite; elle avait en même temps éloigné cette partie d'une grande population qui n'y compte que par le nombre, souvent composé d'hommes étrangers à la cité, appelés par le desir vague d'une fortune meilleure; ceux qui n'ayant ni propriété, ni occupation assurée, ni salaire fixe, desirent naturellement un changement qui toujours est pour eux une chance ouverte, et qui n'ayant rien à perdre, n'y peuvent voir que l'espoir de gagner. Ainsi, dans Rome républicaine, les prolétaires étaient dispensés des appels au Champ-de-Mars. Pour que le peuple soit libre au dedans, il faut qu'il soit toujours maître de cette partie de la population pour qui la tranquillité publique est un avenir sans espérances, et qui la livre au premier qui lui en offre. Le décret qui rappelait tous les habitants au service personnel, semblait troubler seulement le repos des riches qui s'y faisaient remplacer; mais dans le fait, il ralliait tous ceux que la loi avait éloignés. Dès lors il ne fut plus question d'équipement et d'habits militaires; les piques prirent rang avec les baionnettes; tout Lomme qui se présenta fut admis au service de

la

la garde nationale. On avait calculé avec jus- V. Er. tesse que cette organisation nouvelle suffisait 1792. pour désorganiser l'ancienne. Auparavant, les mêmes hommes, dans les mêmes sections, se connaissaient entre eux, accoutumés dès longtemps à faire le service ensemble. Dans les crises politiques, où tout dépend de l'opinion, se connaître et compter les uns sur les autres est surtout la force des milices bourgeoises, souvent exposées, comme il arriva bientôt, à ne pas savoir de quel côté étaient leur parti et leur ennemi. On craignait l'ancienne influence de Lafayette sur la garde nationale parisienne, on se hâta de prendre les moyens de la rendre nulle; enfin on completa la désorganisation en convoquant l'assemblée des sections pour réduire à 48, les 18 juin. bataillons qui étaient au nombre de 60: ce qui nécessita un mélange très-propre à opérer la confusion.

Les généraux employaient cependant tous leurs soins pour organiser leurs armées, que l'indiscipline, tous les moyens de séduction et les dernières déroutes avaient mises dans un état de dissolution complète. Les plaintes des chefs contre le ministre Dumourier avaient été éloignées par des intrigues de cour ou étouffées par les clameurs des partis; Dumourier en voya même pour réponse à leurs demandes, un Tome II.

I I

V. Ep. air de chanson qui devait faire déserter les sol

dats autrichiens.

Lukner avait un camp de 40,000 hommes au complet, et de 25 à l'effectif, à Famars près de Valenciennes. Lafayette avait pris une position sur les hauteurs de Givet, d'où il détacha une avant-garde de 3,000 hommes à Bouvines, et ensuite près de Philippeville; elle fut attaquée, et se retira sans échec sous le canon de la place. Cazote, chef de bataillon de garde nationale y fut tué. Dumourier, éloigné du ministère, avait pris rang, en sa qualité de lieutenant-général, dans l'armée de Lukner. Ce vieux général, trop étranger aux intrigues, ne savait reconnaître ni ses amis ni ses ennemis. Plus fait pour commander une avant-garde qu'une grande armée, il s'emportait quand tout ne se faisait pas comme il le voulait, et pleurait quand il n'y trouvait de remède. Toute l'activité de la jeunesse toute l'expérience de l'âge mûr, toute la sagacité d'un politique habile n'eussent pas été de trop pour se conduire dans la situation où les circonstances l'avaient placé. Dumourier qu'il tint d'abord éloigné de sa confiance, la força en peu de jours par cet ascendant d'un esprit entier sur un esprit affaibli; dès lors les plans changèrent, et le plan personnel de l'ex-ministré fut de commander en chef. Rochambeau

pas

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1792.

en quittant l'armée, avait conseillé d'attaquer V. Ep. la Flandre maritime. Lafayette, avec un corps de 18,000 hommes, dut occuper un camp sous Maubeuge pour opérer une diversion, se bornant à contenir l'ennemi dans cette partie. L'avant-garde française placée à Grisvel, trop. en 15 juin. avant, fut attaquée et se replia sous Maubeuge; là, Gouvion fut tué; les colonnes qui se portaient à son appui, devaient passer la Sambre, et tomber sur le flanc de l'ennemi, n'arriverent que lorsque l'ennemi retournait déja à Mons. Cette attaque se fit par une nuit orageuse; les nouvelles parvinrent lentement, les ordres ne purent être reçus à temps.

et

L'armée de Lukner avait marché, le II, de Samt-Amand à Orchie; le 15, elle occupa le camp de la Magdeleine près de Lille, et le 17, elle entra sans résistance dans Menin. Le 18, Lukner écrivit au ministre de la guerre : « J'ai laissé hier mon avant-garde et ma réserve à Menin; ce matin, j'ai fait partir de Warvik mon corps d'armée qui a été renforcé par le corps de cinq mille hommes venant de Dunkerque. Mon avantgarde s'est avancée vers Courtrai. Je compte demain faire un grand mouvement vers ce point; l'ennemi est en force dans ce camp. L'armée a montré jusqu'à présent de bonnes dispositions; mais un objet qui m'afflige, ce' sont les manoeuvres qu'on emploie pour dé

'

V. Ep. truire la discipline, malgré mes soins et ma 1792. sévérité. »

Le même jour, Courtrai fut attaqué par l'avant-garde. 8 à 900 hommes occupaient une redoute qui fut emportée par les généraux Valence et Jarri, et l'armée entra dans la ville.

Cette nouvelle arriva pendant la séance du 20 20 juin. juin; elle était sue dès la veille, et ce succès avait contribué à décider cette journée fameuse. Ce que l'on appelait la montagne, et ce que l'on appelait la gironde, étaient encore réunis, et ne disputaient encore que de popularité, dans les séances aux jacobins; dans celles de l'assemblée, les constitutionnels luttaient avec des efforts trop continuels pour pouvoir être prolongés; l'épuisement ou le découragement devaient bientôt y mettre un terme. Dumas, Ramond, Jaucourt, Vaublanc, devaient bientôt être forcés à la retraite, pour éviter, comme ils le disaient, la complicité.

Entre ces deux partis, ceux qui se nommaient eux-mêmes les indépendants, tenaient la balance, votant alternativement et selon leur opinion du moment, avec l'un ou l'autre parti. Celui de la cour, continuant ses relations avec tous, se flattait de les déjouer, et était joué et desservi par les uns, servi avec hésitation par les autres; et dans cette complication de manœuvres secrètes, de négociations sans con

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