Page images
PDF
EPUB

1792.

V. Ep. « det, il prétend déja nous donner des con«<seils. » Eh! pourquoi pas ? dit froidement Du mourier.

.

Cette tranquille saillie en imposa; il acheva paisiblement son rapport; et les huées et les applaudissements des tribunes furent assez également partagés. Cette tactique des tribunes était assez simple: un ministre même qui essaya de jouer cette contre-partie y réussit ; il n'en coûtait que huit cents francs par jour, un chef, quatre sous-chefs, huit adjudants convenablement distribués, suffisaient pour organiser cent cinquante spectateurs qui, sans se connaître entre eux, pouvaient aux signaux convenus, appliquer à propos les battements de mains et les huées. La guerre était ainsi ouverte entre le corps législatif et le pouvoir exécutif, et poussée à tel point que, Lafayette, devenu le but de toutes les factions, crut un devoir d'essayer son ancienne popularité : il écrivit à l'assemblée une lettre prononcée contre les factions et les intrigues, et désigna sans détour et nominativement les jacobins ; il les attaqua et les accusa hautement et sans ménagement. Dès lors, ils jurèrent sa perte; et leurs serments de ce genre n'avaient jamais été vains.

Cette lettre, qui fait époque dans l'histoire de ce temps, lui appartient. lui appartient. Jusques- là les ja

cobins avaient épargné Lafayette; ils le craignaient, et espéraient même de le gagner: ne l'espérant plus, ils cessèrent de le ménager. Pour n'avoir pas à le craindre, ils résolurent de le perdre. Après cette lettre, le système de tous les partis changea de manœuvre.

MESSIEURS,

1792.

« Au moment, trop différé peut-être, où j'allais V. Ep. appeler votre attention sur de grands intérêts publics, et désigner parmi nos dangers la conduite d'un ministère que ma correspondance accusait depuis longtemps, j'apprends que, démasqué par ses divisions, il a succombé sous ses propres intrigues; car sans doute ce n'est pas en sacrifiant trois collégues asservis par leur insignifiance à son pouvoir, que le moins excusable, le plus noté de ces ministres, aura cimenté, dans le conseil du roi, son équivoque et scandaleuse existence.

« Ce n'est pas assez néanmoins que cette branche du gouvernement soit délivrée d'une funeste influence. La chose publique est en péril; le sort de la France repose principalement sur ses représentants. La nation attend d'eux son salut mais en se donnant une constitution, elle leur a prescrit l'unique route par laquelle ils peuvent la sauver.

«Persuadé, messieurs, qu'ainsi que les droits

1792.

V. Ep. de l'homme sont la loi de toute assemblée constituante, une constitution devient la loi des législateurs qu'elle a établis; c'est à vous mêmes que je dois dénoncer les efforts trop puissants que l'on fait pour vous écarter de cette règle que vous avez promis de suivre.

[ocr errors]

Rien ne m'empêchera d'exercer ce droit d'un homme libre, de remplir ce devoir d'un citoyen; ni les égarements momentanées de l'opinion; car que sont des opinions qui s'écartent des principes? ni mon respect pour les représentants du peuple ; car je respecte encore plus le peuple dont la constitution est la volonté suprême; ni la bienveillance que vous m'avez constamment témoignée; car je veux la conserver, comme je l'ai obtenue, par un inflexible amour pour la liberté.

<< Vos circonstances sont difficiles. La France ́est menacée au dehors, et agitée au dedaņs. Tandis que des cours étrangères annoncent l'intolérable projet d'attenter à notre souveraineté nationale, et se déclarent les ennemies de la France; des ennemis intérieurs, ivres de fanatisme ou d'orgueil, entretiennent un chimérique espoir, et nous fatiguent encore de leur insolente malveillance.

« Vous devez, messieurs, les réprimer, et vous n'en aurez la puissance, qu'autant que vous serez constitutionnels et justes.

(

V. Fp.,

<<< Vous le voulez, sans doute; mais portez 1792. vos regards sur ce qui se passe dans votre sein et autour de vous.

« Pouvez-vous vous dissimuler qu'une faction, et pour éviter les dénominations vagues, que la faction jacobite a causé tous les désordres? C'est elle que j'en accuse hautement. Organisée comme un empire à part dans sa métropole, et dans ses affiliations, aveuglément dirigée par quelques chefs ambitieux, cette secte forme une corporation distincte au milieu du peuple Français, dont elle usurpe les pouvoirs, en subjugant ses représentans et ses mandataires.

« C'est-là qué, dans des séances publiques, l'amour des lois se nomme aristocratie, et leur infraction, patriotisme : là, les assassins de Desilles trouvent des triomphes; les crimes de Jourdan trouvent des panégyristes ; là, le récit de l'assassinat qui a souillé la ville de Metz vient encore d'exciter d'infernales acclamations. Croira-t-on échapper à ces reproches, en se targant d'un manifeste autrichien, où ces sectaires sont nommés? Sont-ils devenus sacrés, parce que Léopold a prononcé leurs noms? Et parce que nous devons combattre les étrangers qui s'immiscent dans nos querelles, sommesnous dispensés de délivrer notre patrie d'une tyrannie domestique? Qu'importent à ce devoir et les projets des étrangers, et leur connivence

1792.

V. Ep. avec des contre-révolutionnaires, et leur influence sur des amis tiédes de la liberté? C'est moi qui vous dénonce cette secte; moi, qui, sans parler de ma vie passée, puis répondre à ceux qui feindraient de me suspecter: « Approchez, dans ce moment de crise, où le

«

<< caractère de chacun va être connu ; et voyons.

[ocr errors]
[ocr errors]

qui de nous, plus inflexible dans ses principes, plus opiniâtre dans sa résistance, bravera << mieux ces obstacles et ces dangers, que des << traîtres dissimulent à leur patrie, et que les vrais citoyens savent calculer et affronter * pour elle. »

«Et comment tarderai-je plus longtemps à remplir ce devoir, lorsque chaque jour affaiblit les autorités constituées, substitue l'esprit d'un parti à la volonté du peuple : lorsque l'audace des agitateurs impose silence aux citoyens paisibles, écarte les hommes utiles, et lorsque le dévouement sectaire tient lieu des vertus privées et publiques, qui, dans un pays libre, doivent être l'austère et unique moyen de parvenir aux premières fonctions du gouvernement? « C'est après avoir opposé à tous les obstacles, à tous les piéges, le courageux et persévérant patriotisme d'une armée sacrifiée peut être à des combinaisons contre son chef, que je puis aujourd'hui opposer à cette faction la correspondance d'un ministère, digne produit de son club;

« PreviousContinue »