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que. Le parti républicain méme existait si peu v.. Ep. à cette époque, que l'assemblée se leva deux 1792fois par un mouvement unanime et spontanée, pour en désavouer la pensée, et pour en démentir l'inculpation. Deux causes immédiates firent la république ; le conflit des autres partis qui, en équilibre de force, se neutralisèrent; et l'influence de l'étranger, calculant sur de fausses données, il crut perdre la France par la subversion intérieure, et la sauva par l'énergie. L'opium donné comme poison, devint remède ; la force de tempéramment du sujet résista à la crise, et la crise devint celle du salut public.

Et pourquoi serait-il interdit au philosophe d'élever sa pensée vers des causes supérieures? Celui qui forma l'homme pour vivre en société, ne peut-il pas baisser quelquefois ses regards sur les sociétés que l'homme a formées? Le messager de Jupiter va partager un brin d'herbe entre des fourmis. L'immensité ne connaît pas nos proportions de grandeur et de petitesse; le sort d'une portion du globe peut la distraire un moment de l'administration de l'univers. Elle peut régir comme elle crée, ou comme elle ordonne. Les balances du destin doivent être assez justes pour peser également des sphères et des atômes. Les causes premières sont hors de la portée de nos organes ou de notre intelligence : les résultats qui seuls nous intéressent, tombent Tome II,

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V.' Ep. 1792.

8 juin.

au milieu de nous, et notre sort se trouve fixé.

Tous les partis préparaient la république, et croyant ne travailler que pour leur intérêt privé, ils travaillaient à l'intérêt général, qui devait se composer de tous leurs éléments.

La formation du camp de 20 mille hommes excita l'attention de Paris; on prit texte de quelques expressions du discours de Servan, et une députation des gardes nationales Parisiennes vint à la barre dénoncer le ministre qui avait calomnié la garde nationale, en élevant.des doutes sur son patriotisme; les pétitionnaires furent mal reçus. Après une discussion plus aigre dans l'attaque, que zélée dans la défense, les honneurs de la séance leur furent refusés, et les huissiers firent exécuter le décret, aux battements de mains redoublés des tribunes. Un moment après, de nouveaux députés se présentèrent avec une petition plus ferme et plus prononcée, qu'ils

annoncèrent comme soutenue de 8 mille signa10 juin. tures. On demanda pour eux les honneurs qui venaient de leur être refusés, et sans trop attendre la réponse, ils, passèrent la barre en nombre. Alors le président leva la séance. Vergniaud s'était prononcé pour ce refus avec plus d'âpreté qu'on n'en attendait de sa sagesse. Il était un des chefs du parti de la Gironde, alors réuni à ce qu'on appelait la montagne ; c'est

à-dire la coalition des plus ardents jacobins; v.• Ep. car, l'un et l'autre se balançaient encore dans 1792. cette société ; l'un et l'autre avaient pour objet de faire les ministres, et la montagne les laissait nommer par la Gironde, pourvu qu'elle les prît dans son sein. Jusques à la démissiou de Degraves, le conseil patriote avait marché assez uni. Servan remplaça Degraves et rompit l'union. Dumourier se rallia encore avec Lacoste, ministre de la marine, homme sage et éclairé, et avec Duranthon; mais Roland, Servan et Clavières ne gardèrent plus aucune mesure. Soit rivalité, soit qu'ils fussent d'accord avec la montagne et même alors avec la Gironde, pour ne pas laisser subsister un conseil quelconque auprès du roi, ils provoquèrent leur destitution par les procédés les plus injurieux, sortant, en plein conseil, du respect dû au moins à la présence et à la dignité du roi. L'un d'eux lui adressa , d'abord, comme confidentielle, une lettre où les expressions de trahison et de parjure n'étaient pas même déguisées; il lut ensuite cette lettre 10 juin. dans le conseil; le roi l'écouta froidement, et lui dit : «Vous me l'aviez déja envoyée.» Servan peu après, rendit aussi publique une autre lettre relative à la sanction du décret contre les prêtres insermentés. Ce décret, et celui du camp de 20,000 hommes, étaient alors le sujet de discorde prévu et préparé entre les deux pouvoirs; les minis

*792.

V. Ep. tres, et Dumourier lui-même, avaient cru devoir presser le roi de sanctionner ce décret. Par motif de conscience pour l'un, par crainte des suites de l'autre, le roi ne pouvait s'y résoudre. Clavières, Roland et Servan reçurent leur destitution, et peu après Dumourier donna la sienne.

Le fil des intrigues de cour, d'assemblée et de parti, est si mêlé à cette époque, que l'histoire peut à peine le suivre ; l'infortuné roi en était successivement l'objet, l'instrument et la victime. Trop méfiant pour se livrer à aucun parti, trop faible pour les maîtriser tous; les girondins lui promettaient leur service; la montagne le menaçait; les jacobins l'insultaient à leur tribune et dans les rues; les feuillants le servaient en crainte et sans confiance; le conseil secret de la reine, lui promettait de les déjouer tous; et les agents de l'étranger observant tous les partis, ayant des intelligences dans tous, instruit de tout, et les opposant l'un à l'autre, seul arrivait à son but; empêcher et détruire.

Ce mélange compliqué d'intérêts croisés, de passions exaltées, d'ambitions secrètes et de partis divisés, d'intrigues agissantes et d'intrigants qui ne se connassaient pas et cherchaient à se deviner, tout cet échafaudage, composé de pièces mal assemblées, pesant l'une sur l'autre, au lieu de se soutenir, ne pouvait manquer de s'écrouler par son poids et par l'incohérence

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des matériaux: on s'y attendait, et les hommes V. Ep. de sens se tenaient à l'écart, hors d'atteinte de 179. l'écroulement, et de la chute inévitable des dé

bris.

.

10 juin.

La pétulance des jacobins fut un moment contenue par une démarche de Lafayette. Les armées se ressentaient de cette guerre intestine et manquaient de tout; les partis voulaient mener les ministres, et les ministres voulaient diriger les généraux; les plans d'opérations étaient connus dans les cafés de Paris avant de leur parvenir. Gouvion venait d'être tué dans une 12 juin. affaire d'avant-garde, et cette nouvelle obtint un moment l'attention des Parisiens; il était connu d'eux comme second de Lafayette dans le commandement de la garde nationale, pendant les années précédentes. Il disait, peu de jours avant : «Entre les autrichiens et les jacobins, il n'y a qu'un coup de canon pour se tirer d'affaire. » Il fut regretté. Dumourier vint faire part de cet 13 juin. événement, au moment où les trois ministres renvoyés recevaient les témoignages de faveur de l'assemblée. Le décret qui l'exprimait, était envoyé aux quatre-vingt-trois départements avec la lettre de Roland au roi. On voulait que nouveau ministre partageât cette mortification; Au moment où il commença son rapport sur l'état de la guerre : « Voyez-vous, s'écria Gua

le

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