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de la liste civile fut mandé à la barre; interrogé,
il se trouva que c'étaient des mémoires d'une
trop fameuse dame de Lamothe, pour une af-
faire d'intrigue et d'argent, dans laquelle la
reine avait été peu convenablement impliquée.
La déposition des chefs d'ateliers, et celle des
ouvriers, se trouva conforme. On dénonça en-
suite le commandant des invalides Sombreuil;
il avait ordonné que, de jour ou de nuit, la
garde céderait les portes à toute troupe armée
qui se présenterait, soit de la garde nationale,
soit de la garde du roi. Interrogé à la barre,
il motiva son ordre, sur le surcroît de vigilance
qu'exigeait un vol commis dans l'église, et sur
les bruits populaires qui présageaient des trou-
bles; « alors, dit Sombreuil, la maison des inva-
lides est un asile qui doit rester ouvert à tous les
citoyens. On passa encore à l'ordre du jour.
. Ces trois tentatives, sans succès, avaient jeté
du discrédit sur le parti. Les chefs sentaient la
nécessité de se relever par quelque action d'é.
clat. Ce fut alors que trois députés, Chabot,
Basire et Guadet, tirèrent entre eux au sort à
qui serait tué par les deux autres, afin
que sa
tête, montrée au peuple et promenée au bout
d'une pique, pût servir contre la cour de preuve
à une accusation d'assassinat; le sort tomba à
Chabot. Cet étrange complot devait s'exécu-
ter, au bout de la rue de l'Échelle, le long

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V.. Ep.

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V.• Ep. des murs de la demeure du roi; et près du lieu des séances de l'assemblée nationale; aucune vraisemblance et aucun moyen d'effet n'avait été omis. Chabot, fidelle au serment, s'y rendit vers les heures du soir, au temps de la sortie de la séance; mais soit que l'exemple parût aussi dangereux à suivre qu'à donner soit que la force d'exécution manquât aux deux complices, ils manquèrent au rendez-vous. Quel que fût le but que de tels hommes se fussent proposé, ils devaient finir par l'atteindre. Chabot avait quitté depuis peu son froc de capucin, et s'était déja signalé, à Blois, par des actes de cette violence hardie que l'on appelait alors patriotisme. Dans la ville de Blois, à la tête du premier bataillon d'un régiment, aidé du peuple, il avait tenu assiégé l'autre bataillon avec tous les officiers, dans leur caserne; et il avait fallu un décret pour ramener l'ordre. Bazire n'avait paru qu'au moment de la révolution; jusqu'alors inconnu, agité par des passions vives, peu de jugement, se jetant en avant sans aucune direction, et par conséquent facile à diriger. Guadet, né dans les climats du midi, avait d'abord exercé les fonctions d'avocat, doué de beaucoup d'imagination, avec des mouvements oratoires, remuant, actif, prévoyant et sachant intéresser une grande assemblée. Après trois échecs, tels que trois dénoncia

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tions avortées, il fallait un coup d'éclat. La V. Ep. garde constitutionnelle du roi venait d'être formée; elle avait dû être constituée et composée d'après des bases légales; et, faute de bien connaître l'état des choses et l'esprit du moment, on avait, dans le choix des sujets, eu plus d'égard à ̧ ce que l'on appelait dévouement à la personne du roi, qu'à un attachement à ses vrais intérêts publics. Il était bien difficile d'ailleurs que la réunion prompte de 1200 soldats, les uns envoyés par les départements, les autres, par les corps de l'armée de ligne, ne prêtât en quel- 50 mai que chose, à des défauts de forme, que l'on avait besoin d'y trouver. On s'attacha donc à former un corps de preuves, en rassemblant des faits, des dits, des indices; Bazire se chargea de la dénonciation, Guadet, Vergniaud et Chabot la soutinrent. En vain des orateurs du parti constitutionnel, Ramond, Dumas, Girardin, Jaucourt essayèrent de rappeler les principes de la constitution: ils firent sentir que cette première invasion du pouvoir législatif rompait tout l'équilibre entre les deux pouvoirs établis par la loi; qu'il mettait l'un à la discrétion de l'autre. On répondit qu'il ne s'agissait pas de supprimer la garde, mais seulement de la renouveler, et que l'expression licenciement ne pouvait se prendre que dans cette acception. A l'aide de cette distinction illusoire, puisque

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V. Ep. l'intervalle indéterminé laissait le pouvoir exécutif isolé, et que l'on pouvait prolonger ou renouveler à volonté l'intervalle; le décret passa; quelques opposants, trop tenaces, furent envoyés à l'abbaye.

Cette mesure fut un coup décisif, et montra toute la force d'un parti et toute la faiblesse de l'autre. La faute que fit le roi en cédant sans résistance, fut irréparable, prouvant ainsi qu'il n'était pas un appui pour ceux qui se dévouaient à lui. Il avertit de son insuffisance, découragea ses amis, et décida, pour ses ennemis, le grand nombre toujours incertain, et qui attend que l'événement décide, pour se ranger du côté des vraisemblances de succès. Quoique l'assemblée eût d'avance prononcé que la sanction n'était pas nécessaire à ce décret, si le roi y eût apposé son veto très-légal, il eût été difficile d'en poursuivre l'exécution, et sa résistance eût rallié ses partisans; mais il céda avec une facilité qu'il crut capable de désarmer ses ennemis : ils y répondirent en mettant en accusation le commandant de cette garde, Brissac, et il resta prouvé que la loi et le roi n'étaient qu'un formulaire insignifiant dans la constitution adoptée. Dès-lors tout équilibre fut rompu ; et l'empressement à se jeter du côté qui l'emportait, précipita si rapidement la prépondérance du bassin qui l'avait acquise, qu'il n'y eut bientôt plus

d'espoir de maintenir aucune balance: le des- V. Ep. tin abandonna le côté devenu trop léger. Une 1792. dernière faute acheva de tout perdre. Le roi conserva aux individus de sa garde un traitement pécuniaire; c'était prouver, encore une fois, son impuissance et ses regrets. La garde. constitutionnelle, c'est-à-dire la caution personnelle et légale de l'un des pouvoirs, demeura, par le licenciement, supprimée et ne fut point renouvelée. Il importait sans doute assez peu que 1200 hommes fussent tels ou tels; il importait même assez peu qu'ils existassent en corps réuni; ce moyen de défense ne pouvait garantir que l'effort d'une première irruption soudaine et imprévue; mais il fut bientôt prouvé que ce genre d'attaque était précisément celui que l'on méditait, et sur lequel, même les chefs de partis en apparence les plus opposés, étaient d'accord. L'inquiétude succéda bientôt aux mesures de rigueur; et tel en est toujours le résultat dans tous les gouvernements. On investit le comité de surveillance d'un pouvoir de police plus actif et plus étendu, sous le nom de comité de sureté générale. On étendit cette mesure à tous les corps administratifs de district et de département, et aux municipalités des grandes villes, qui se trouvèrent ainsi chargées de la police révolutionnaire, autorisées à remplir les fonctions judiciaires pour

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